«Une erreur dévastatrice ». Au Canada, le pape François a présenté, lundi 25 juillet, des excuses historiques aux peuples amérindiens canadiens, demandant « pardon pour le mal » fait pendant des décennies dans les pensionnats pour autochtones.
«Je suis affligé. Je de- mande pardon», a dé- claré le pape à Maskwacis (Alberta), dans l’ouest du Canada. Évoquant les «blessures encore ouvertes », il a reconnu la responsabilité de certains membres de l’Église dans ce système où «les enfants ont subi des abus physiques et verbaux, psychologiques et spirituels ».
Les paroles du souverain pontife étaient attendues depuis des années par ces peuples – Premières nations, Métis et Inuits – qui représentent aujourd’hui 5% de la population canadienne. Elles ont été accueillies par des applaudissements nourris.
Coiffe traditionnelle Peu après son discours, l’un des chefs lui a remis sa coiffe traditionnelle en signe de respect. Soudain une femme s’est dressée pour chanter seule en langue crie l’hymne canadien. Sur son visage buriné, une larme coule.
«Aucun mot ne peut décrire à quel point cette journée est importante pour notre parcours de guérison», résume Vernon Saddleback, l’un des chefs de la réserve de Maskwacis où s’est rendu le souverain pontife pour son premier déplacement d’un voyage consacré aux peuples amérindiens.
Quelques minutes plus tôt, au son des chants traditionnels, une immense banderole rouge avait transpercé la foule rassemblée dans une ambiance recueillie. Sur le long bandeau, des milliers de noms d’enfants inscrits les uns sous les autres.
Il s’agit d’une partie des milliers d’enfants qui sont morts pendant leur séjour au pensionnat et qui ont souvent été enterrés à proximité, sans sépulture particulière et sans que leurs parents n’aient été avertis. Beaucoup sont morts de maladies (tuberculose, pneumonie…), d’accidents mais aussi des suites de la maltraitance et de la négligence, et de mauvaises conditions sanitaires.
Au moins 6.000 enfants morts
Après avoir prié au cimetière de Maskwacis, le pape François a demandé «pardon» à trois reprises, «avec honte et clarté », lors de ce premier discours sur le site de l’ancien pensionnat d’Ermineskin, en présence de nombreux survivants et membres des communautés autochtones, très émus.
Le douloureux chapitre des « écoles résidentielles » pour enfants autochtones a fait au moins 6.000 morts entre la fin du XIXe siècle et les années 1990 et créé un traumatisme sur plusieurs générations.
Le gouvernement canadien, qui a versé des milliards de dollars en réparation à d’anciens élèves, s’est officiellement excusé il y a 14 ans d’avoir créé ces écoles mises sur pied pour «tuer l’indien dans le cœur de l’enfant». L’Église anglicane avait ensuite fait de même. Mais l’Église catholique, en charge de plus de 60% de ces pensionnats, a longtemps refusé de le faire.
«Une journée historique»
Sous une pluie fine et dans une ambiance de recueillement, environ 2.000 personnes étaient rassemblées près de l’ancien pensionnat d’Ermineskin, l’un des plus grands du Canada, ouvert de 1895 à 1975. Beaucoup portaient des habits avec le nom ou le logo de leur communauté. D’autres, le tee-shirt orange symbole des autochtones.
«C’était une journée exceptionnelle, une journée historique», a réagi lors d’une conférence de presse Vernon Saddleback, chef de la Samson Cree Nation, qui s’est dit «reconnaissant». Ces excuses sont «une première étape » mais «il reste beaucoup de travail à faire», a pour sa part réagi George Arcand Jr., grand chef de la Confédération des Premières Nations du Traité n.6.
«C’est une grande peine que nous avons subie. C’est un temps pour pardonner et travailler ensemble avec l’Église catholique pour le futur de la communauté », a confié à l’AFP André Carrier, de la Fédération Métis du Manitoba, chapeau sur la tête et médaillon autour du cou.
L’importance de la réconciliation
Dans l’après-midi, le pape s’est ensuite rendu en «ami» dans l’église restaurée du Sacré-Cœur des Premiers Peuples d’Edmonton, évoquant la «réconciliation». «Personne ne peut effacer la dignité violée, le mal subi, la confiance trahie. Et même notre honte à nous, croyants, ne doit jamais s’effacer », a-t-il affirmé.
En fin de journée, le Premier ministre canadien Justin Trudeau, présent à Maskwacis lundi, a lui aussi insisté sur la réconciliation qui est «l’affaire de tous les Canadiens ». «Personne ne doit oublier ce qui s’est passé dans les pensionnats, et nous devons tous veiller à ce que cela ne se reproduise jamais », a-t-il ajouté, invitant tous les citoyens à faire «preuve d’ouverture, d’écoute et de partage».
En avril, le pape avait pour la première fois présenté ses excuses au Vatican pour le rôle joué par l’Église dans les 130 pensionnats, où quelque 150.000 enfants autochtones ont été enrôlés de force, coupés de leur famille, de leur langue et de leur culture, et souvent victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles.
Petit à petit, le Canada ouvre les yeux sur ce passé qualifié aujourd’hui de «génocide culturel » : la découverte de plus de 1.300 sépultures anonymes en 2021 près de ces pensionnats a créé une onde de choc.
Mardi, le pape a célébré une messe dans un stade à Edmonton, avant de se rendre au lac Sainte-Anne, site d’un important pèlerinage annuel. Il rejoindra ensuite Québec mercredi avant une dernière étape vendredi à Iqaluit (Nunavut), ville du grand Nord canadien.
Toujours affaibli par des douleurs au genou, le jésuite argentin circule en fauteuil roulant et son programme a été aménagé pour limiter ses déplacements.
Avec Le HuffPost et AFP