Au-delà des Assemblées générales des Nations Unies : Félix Tshisekedi en intense lobbying aux Etats-Unis

Le Président de la République, Félix Tshisekedi, s’est envolé dimanche à destination de New York (Etats-Unis) où il doit prendre part aux Assemblées générales annuelles des Nations Unies. La rencontre se déroule dans un contexte particulier, marqué par les funérailles de la Reine Elizabeth II dont le point d’orgue est son inhumation ce lundi. Une bonne centaine de dirigeants du monde y sont attendus, ce qui devra amener certains réajustements protocolaires dans le déroulement des séances de prises de parole au siège newyorkais des Nations Unies. Au-delà de la traditionnelle Assemblée générale des Nations Unies, le déplacement de Félix Tshisekedi aux Etats Unis a une forte connotation politique. A quelques mois des élections générales de 2023, Félix Tshisekedi cherche à élargir le cercle de ses appuis dans l’administration Biden. Avec la présence sur le sol américain de son farouche opposant, Martin Fayulu, qui l’a précédé de quelques jours aux Etats-Unis, Félix Tshisekedi mettra à profit son séjour américain pour déminer tous les pièges que tenteraient de placer sur son chemin le leader d’ECIDé. A tout prendre, Félix Tshisekedi se servira de ce déplacement au pays de l’Oncle Sam pour baliser la voie à sa réélection en décembre 2023. «Qui veut aller loin ménage sa monture», dit-on. Et Tshisekedi l’a compris.
Le déplacement du Chef de l’Etat congolais aux Etats-Unis s’imposait d’évidence. Le fait qu’il ait fait le choix de prendre part en personne aux assises de l’Onu, laissant le président de l’Assemblée nationale le représenter à Londres àux obsèques de la Reine Elisabeth II est un signe qui ne trompe pas. Le gouvernement se trouve face à des urgences multiples dont le dénouement, pour la plupart, est attendu d’une implication sans équivoque de l’administration Biden.
Un mois après le séjour à Kinshasa du Secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken, suivi il y a une semaine à peine de l’Envoyé spécial aux Affaires énergétiques, Amos Hochstein, le gouvernement congolais reste sous des pressions insistantes sur la tenue des élections dans le délai constitutionnel arrêté à la fin de décembre 2023. A ce sujet, le dirigeant congolais devrait insister pour obtenir des garanties sur un apport substantiel des Etats-Unis à l’organisation des scrutins. Bien que Washington a récemment déclaré être en mesure d’apporter une contribution de 10 millions de dollars US.
Cependant, l’organisation des élections s’avère aléatoire tant qu’une bonne partie du territoire est en proie aux violences armées et à l’occupation d’une partie de la province du Nord-Kivu par la rébellion du M23 soutenue ouvertement par le Rwanda. Félix Tshisekedi devra se montrer suffisamment persuasif pour amener ses interlocuteurs à condamner le Rwanda et à user de pressions sur le président Paul Kagamé et l’amener à infléchir sa position.
Un autre dossier brûlant est celui qui se rapporte à la lutte contre la corruption. Les Etats-Unis, on le sait, ont toujours conditionné leurs investissements par des preuves des avancées significatives dans l’éradication des pratiques qui font perdre chaque année des milliards de dollars US au Trésor. Et la récente affaire de corruption impliquant l’un de ses proches collaborateurs n’est pas de nature à convaincre ses interlocuteurs de sa bonne foi.
La présence massive des investissements chinois qui résultaient des conclus dès 2015 au titre des concessions minières en échange de construction des infrastructures est un autre point sur lequel Washington a toujours insisté, exigeant leur révision ou à tout le moins, la publication de leur teneur.
Le vaste dossier des matières extractives comprend également la mise aux enchères par le gouvernement congolais des blocs pétroliers dont certains, situés dans des aires protégées, menaceraient, selon les ONG de défense de l’environnement, une biodiversité unique au monde, d’une part. De l’autre, au moment où la guerre russo-ukrainienne provoque un déséquilibre dans la fourniture en hydrocarbures des pays occidentaux, il va de soi que les Américains voudraient s’assurer que les adjudicataires ne viennent pas des pays aux positions mal définies.

Russie-USA : le choix de Tshisekedi connu, mais…
La ligne diplomatique du Président Félix-Antoine Tshi-sekedi Tshilombo est connue. Il est arrimé au bloc occidental avec les États-Unis en tête. La question sur une éventuelle ligne rouge à franchir comme au Mali et en Centrafrique n’est pas à l’ordre du jour. Les bruits qui ont couru après la participation du ministre congolais de la Défense à une réunion multilatérale avec plusieurs autres ministres n’était pas la formalisation d’un partenariat solide et à long terme. Le fait aussi que le vice-ministre russe des Affaires étrangères a reçu l’homme d’Etat congolais était interprété comme un rapprochement entre la RDCongo et la Russie. Il n’en était rien. Il s’était agi d’un simple rapprochement diplomatique sans une conséquence militaire.
D’ailleurs, à ce stade-là la Russie a d’autres priorités militaires. Venir militairement en RDC où le régime en place est pro États-Unis ne se conçoit pas. Prendre le contrôle de la RDC comme le Mali et la RCA est un processus long et risqué. On le sait à Moscou.

Biden-Tshisekedi en tête-à-tête
En marge du passage du chef de l’Etat congolais aux États-Unis, plusieurs sources congolaises et américaines affirment que cette fois-ci est la bonne. Le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo sera reçu à la Maison blanche par son homologue Joe Biden. Négociée par Christophe Lutundula, le ministre des Affaires étrangères, ce tête-à-tête la veille de la tenue prévue des élections générales est susceptible d’être interprétée de plusieurs manières. Un soutien américain ou des pressions pour respecter le délai constitutionnel sont des options sur la table.
Entre la Russie et les USA, le cœur de Kinshasa reste attaché à Moscou. Par contre cette proximité ne durera que si les États-Unis décident de changer leur politique dans la région des Grands Lacs africains en fesant pression sur Kigali qui agresse la RDC à travers le M23 et ses troupes régulières. Sans un retour bénéfique, Kinshasa pourra réorienter ses alliances.

Faire lever l’embargo sur les armes
La sempiternelle question de l’embargo sur les armes à destination de la RDC, ou sa variante de «la notification» préalable devrait s’inviter aux discussions. L’état de siège décrété dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu marquerait le pas, selon des spécialistes, en raison de la présence des équipements militaires de pointe livrés au Rwanda par ses protecteurs occidentaux.
Le séjour américain de Félix Tshisekedi intervient après celui de l’opposant Martin Fayulu qui continue à contester le résultat de la présidentielle de 2018 et qui s’estime être le président élu. L’enjeu pour la délégation congolaise, conduite par le chef de l’Etat, de détruire point par point les probables allégations du leader de la coalition Lamuka auprès des cercles politiques américains au Congrès ainsi que ceux de l’administration du Département d’Etat.

Econews