Choix de Denis Kadima à la Céni : Félix Tshisekedi a la corde au cou

La succession de Corneille Nangaa à la présidence de la Céni (Commission électorale nationale indépendante) est un sujet délicat pour le président de la République. Entre le marteau et l’enclume, Félix Tshisekedi doit faire un difficile arbitrage.

Le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, porte sur lui la lourde responsabilité de la réussite du prochain processus électoral. Il a la corde au cou dans son rôle du garant du bon fonctionnement des institutions du pays. Sa tâche n’est pas facile parce qu’il doit finalement garantir à tout le monde que ses intérêts ne passent pas avant ceux de la nation dans sa diversité.

Cette corde nouée autour du Chef de l’Etat ne vise pas sa mort politique immédiate. Il s’agit d’une corde qui peut l’asphyxier politiquement parce que le Président Tshisekedi est entre le marteau et l’enclume. Il peut s’efforcer de se tenir hors de tout le processus de désignation des animateurs de la Céni (Commission électorale nationale indépendante), le dernier mot lui reviendra absolument.

C’est bien cela la réalité de la politique dans une République. Un arbitre ultime aura la tâche de rassurer tout le monde : ses partisans et ses adversaires. 

Le Président de la République est justement dans cette situation de croisée de chemin. De ses choix dépendra l’issue du processus électoral devant aboutir en décembre 2023.

Le tableau se ressemble curieusement avec la situation de Ronsard Malonda, soutenu et porté par la majorité de l’ancien président Joseph Kabila, mais finalement invalidé par le Président de la République en raison de nombreuses frictions au sein de la plateforme Confessions religieuses.

A l’Assemblée nationale, la Commission paritaire présidée par l’UDPS André Mbata, a validé le procès-verbal de six (6) Confessions religieuses qui ont opté, sans l’accord de la Cénco et l’ECC, le choix de Dénis Kadima, candidat de l’Eglise Kimbanguiste, à la présidence de la Céni. Le FCC, représentant l’opposition parlementaire, a vite fait de remettre en cause lé décision de la Commission paritaire.

Que reste-t-il encore à faire ? Difficile à dire. Pour l’instant, le dernier mot revient à la plénière de l’Assemblée nationale qui doit ou non valider la décision de la Commission paritaire.

Quoi qu’il en soit, on est de plain-pied dans la crise. Pour le prochain cycle électoral, c’est véritablement un mauvais départ.

Le dernier rempart

Garant du bon fonctionnement des institutions, Félix Tshisekedi passe véritablement pour le dernier rempart.

Le comportement du Chef de l’Etat fera de lui un vrai père de la nation ou un chef de clan politique, estiment des analyses neutres. Mais une chose reste qu’en politique, on ne se fait pas des cadeaux. Et la tentation pourrait être grande pour le chef de l’Etat de se souvenir de cet adage adoré par des acteurs politiques. Il portera ainsi à bras le corps l’option de ses partisans de s’assurer la victoire électorale grâce au contrôle de l’organe en charge de la proclamation des résultats électoraux. On n’hésitera donc pas à conclure que le choix de Denis Kadima est donc cette stratégie de l’Union sacrée de la nation, donc du chef de l’Etat.

Laissez faire pour que ce choix s’impose à la nation revient à faire du Président de la République un chef de clan qui dirige le pays en ne prenant en compte que le point de vue des siens et donc de lui-même.

En démocratie, une telle démarche laisse des traces surtout pour le chef du parti historique d’opposition, l’UDPS, qui a forgé son histoire autour des vraies valeurs démocratiques.

Félix Tshisekedi est donc devant un choix déterminant de sa vie politique d’une part. D’autre part, le Président de la République et sa majorité dirigent le pays en tenant compte de ce qu’ils considèrent comme l’intérêt supérieur de la nation. Ils ne peuvent pas facilement s’aligner derrière les options levées par leurs adversaires politiques qui sont à l’opposition et au sein de la coalition au pouvoir. Le faire serait faire preuve d’absence de maturité politique.

En fait, si une majorité dirige en appliquant les stratégies de son opposition, cela signifie qu’elle n’est pas à sa place.

L’arbitrage du président Tshisekedi est crucial pour lui-même et pour le pays. C’est à des rendez-vous pareils que naissent les grandes personnalités d’un pays. Tout dépendra donc des décisions du chef de l’État. Suivre sa majorité et donc faire exactement ce qu’il avait vomi pour Ronsard Malonda. Dans ce cas, des questions vont surgir sur un chef de l’Etat candidat annoncé à sa succession. Cette question se posera aussi dans la perspective d’adopter la position tenue par ceux qui s’opposent à Denis Kadima. Le président ne fait pas le lit de ses opposants.

Cette épreuve donnera aux Congolais la preuve de la capacité de manœuvre du président de la République. Un grand homme va-t-il naître dans l’histoire de la RDC ? Il n’est plus que question de quelques jours.

Hugo Tamusa