En plein Covid-19, le Gouvernement a commandé une série d’études sur l’impact économique de cette pandémie sur l’économie congolaise. L’exécutif national portera son choix sur un Think tank congolais, à savoir Congo Challenge, pour mener toutes ces études – quatre au total. Un contrat sera signé en bonne et due forme entre l’Etat congolais et Congo Challenge. A échéances convenues, Congo Challenge a livré ses conclusions dûment validées par toutes les instances du Gouvernement, principalement le ministère du Plan et celui des Finances, sans compter l’avis favorable de la Primature. Montant convenu à payer : 1,9 millions de dollars américains.
Entre-temps, avec la rupture, fin 2021, de la coalition FCC – CACH, le décor a changé aussi bien à la Primature, au ministère du Plan qu’à celui des Finances. Mais, l’accord signé entre l’Etat congolais et Congo Challenge, demeurait, au nom de la continuité des services publics. Le changement d’animateurs au niveau du Gouvernement ne pouvait donc pas servir de prétexte pour ne pas payer la créance due à Congo Challenge. Malheureusement, depuis lors, Congo Challenge n’est jamais rentré dans ses droits. Et sa créance d’environ deux millions de dollars américains ne figure même pas dans les urgences du Gouvernement. A Congo Challenge, on comprend aisément que c’est la tête du président de son Conseil d’administration, Matata Ponyo Mapon, qui dérange.
Ancien Premier ministre sous Kabila, élu sénateur de la province de Maniema en 2019, Matata Ponyo s’est, entre-temps, déclaré candidat à la présidentielle de décembre 2023. Depuis lors, il passe pour l’homme à abattre pour le disqualifier de la course présidentielle.
D’où, le désintérêt pour le ministre des Finances – du reste son ancien collègue à la direction des études de la Banque Centrale du Congo – d’honorer sa facture.
La main noire politique
En réalité, la politique s’est invitée dans ce dossier. Car, sur papier, rien n’interdit au ministre des Finances de libérer la dette due à Congo Challenge, pour autant que ces fonds aient été prélevés sur une ligne de crédit dont la RDC a été bénéficiaire de la BAD pour contenir la pression de Covid-19.
Dans les couloirs du ministère des Finances, des indiscrétions confirment, depuis toujours, que les fonds destinés à Congo Challenge ont été réaffectés ailleurs. La raison est bien simple. Le pouvoir en place à Kinshasa ne s’en cache pas. Une source bien introduite au ministère des Finances a révélé : «On ne peut financer un concurrent politique. Payer la dette de Congo Challenge, c’est autrement financer Matata pour nous contrer à la présidentielle. On ne peut pas commettre cette erreur ».
Que dit, entre-temps, la BAD de ce qui s’apparente à un détournement de fonds mis à la disposition d’un Etat membre à des fins bien précises ? Rien du tout !
A Abidjan (Côte d’Ivoire), siège de la BAD, tout comme à sa représentation de la RDC à l’immeuble Equity BCDC, c’est le calme absolu. Personne ne sait ramener le Gouvernement à l’ordre pour honorer ses engagements.
Matata dégaine
Dépité et lassé par une BAD laxiste qui consacre la mauvaise gouvernance sur les fonds qu’il a alloués à la RDC dans le cadre de la riposte au Covid-19, Matata Ponyo Mapon s’en est sérieusement pris, sur son compte twitter, à la banque panafricaine de développement.
«Les fonds de la Banque africaine de développement (BAD) sont détournés au ministère des Finances de la RDC sans aucune réaction des dirigeants et administrateurs de cette institution dûment informés. Comme pour dire, la BAD accompagne la RDC dans sa mauvaise gouvernance », a-t-il, lancé. Et d’ajouter : « Les fonds de la BAD sont utilisés par le ministère des Finances de la RDC (Congo) comme une arme de guerre politique pour éliminer les candidats à l’élection présidentielle de décembre 2023. La BAD se doit de dénoncer ce type de pratiques contraires à ses règles de gouvernance ».
Avant de conclure : «J’espère que le ministre des Finances de la RDC va se ressaisir pour arrêter ces pratiques qui n’honorent pas la RDC. Comment concevoir que des études commandées par le gouvernement et validées par le Premier ministre ne soient pas payées alors que les fonds ont été décaissés par la BAD ».
Après cette interpellation, on doit s’attendre à une vive réaction de la BAD depuis son siège d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. A défaut, on aura une bonne raison de se dire qu’à la BAD, la bonne gouvernance dans la gestion des fonds qu’elle alloue à ses Etats membres est encore loin de ses priorités.
Francis M.