Tandem ANR – IGF : l’arme de dissuasion politique de Tshisekedi

Lorsqu’il s’agit de faire le grand ménage dans sa cour ou d’affaiblir un adversaire politique, le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, n’hésite pas à mettre en mouvement son arme fatale de dissuasion politique qu’incarne le tandem ANR (Agence nationale de renseignements) et l’IGF (Inspection générale des finances). Pour réussir sa dernière purge dans son cabinet, c’est à l’ANR que le Président de la République a fait appel pour le grand ménage. Et lorsqu’il s’agit de réchauffer des dossiers économiques ou financiers d’un acteur politique gênant, l’IGF ne rate pas l’occasion de déployer sa grande artillerie. Avec l’ANR et l’IGF, Tshisekedi balaie tout ce qui obstrue son chemin de succès Il en sera ainsi jusqu’aux scrutins de décembre 2023.
Il aura fallu attendre quatre ans après son accession à la présidence de la République pour voir Félix Tshisekedi se réveiller enfin, et prêter une oreille attentive à la clameur populaire qui dénonce les malversations, détournements, vols et autres signes d’enrichissement aussi subite qu’inexpliqué dans le chef de ses proches ou d’une multitude se réclamant de sa proximité.
Quatre ans d’une prédation caractérisée à laquelle il fallait mettre un terme, au cours de cette année électorale qui devrait se solder par l’exercice périlleux de la présentation du bilan de la législature. Tshisekedi le sait : lui seul sera comptable devant le peuple. Alors sans état d’âmes, il sort la lourde artillerie. Une arme de dissuasion massive portée par l’Agence nationale de renseignements (ANR) et l’Inspection générale des finances (IGF).
Tout le monde garde à l’esprit l’engagement pris par Félix Tshisekedi, tout nouveau chef de l’Etat lors de son discours d’investiture le 24 janvier 2019. C’est comme si c’était hier. Tout comme dans ses discours postérieurs devant le parlement ou lors des meetings populaires, le président de la République n’avait de cesse de réitérer son engagement d’«humaniser» les services de sécurité, en fermant notamment la multitude de cachots non officiels dont ceux de l’Agence nationale de renseignements (ANR).
Le peuple était alors fondé d’y accorder une bonne dose de crédit et de confiance, d’autant plus que depuis le parti-Etat (MPR) et les régimes successifs des Kabila, les services secrets étaient ravalés au rang d’organes de répression de toutes les formes d’opposition et des voix dissonantes dans la société civile à travers le musèlement de la presse. Il n’était pas rare d’enregistrer des enlèvements, des disparitions ou des détentions de longue durée (jusqu’à plusieurs années) sans que les détenus ne soient présentés à un juge. Les contrôles et perquisitions domiciliaires intempestifs hors des heures légales étaient monnaie courante. Des pratiques qui avaient fini par réduire la RDC en une prison à ciel ouvert, où les libertés et droits civils étaient devenus un vœu pieux.
A l’inverse, les services spéciaux à la solde exclusive du pouvoir ne semblaient pas prêter une attention particulière à la gestion des finances publiques, devenues un domaine réservé d’une sorte de caste d’intouchables au-dessus de la loi. Pratiques courantes dans toutes les dictatures et régimes autoritaires. Et qui se perpétue en dépit du «changement» tant vanté par les tenants de l’idéologie du «Peuple d’abord».

Le crépuscule des «hommes forts»
En arrivant au pouvoir il y a quatre ans jour pour jour, Félix Tshisekedi avait présentes à l’esprit toutes ces lourdeurs qui allaient grever négativement son quinquennat, à moins d’y mettre le holà en prenant le taureau par les cornes, ce qui aurait induit de se débarrasser de collaborateurs devenus encombrants, mais aussi du carcan familial où beaucoup de ses proches se découvraient subitement des talents d’hommes d’affaires, principalement dans le secteur minier.
En même temps que les milieux informés bruissent des rumeurs persistantes de détournements massifs de deniers publics dans l’indifférence quasi générale, le chef de l’Etat déjà inquiété par une situation sécuritaire préoccupante dans l’Est du pays, doit faire face à une montée des ambitions dans les couloirs du palais, mais aussi parmi les officiers généraux dont certains n’hésitent pas à composer avec des puissances étrangères hostiles. A son corps défendant, Tshisekedi a finalement pris la décision de mettre fin au « régime des hommes forts».
Pour ce faire, il s’appuie sur deux piliers qui font office de son artillerie lourde. Celle-ci est autant dissuasive que répressive. Tout d’abord, l’Agence nationale de renseignements (ANR) qui s’emploie, sous la direction de Biosha Mbelu, à documenter des dossiers des hauts cadres indélicats qui gravitent dans l’environnement immédiat du chef de l’Etat et qui se croient tout puissants au point d’outrepasser les règles classiques de la gouvernance.
Depuis la chute en février 2021 de l’ex-conseiller spécial à la sécurité, François Beya, les choses semblent s’accélérer au cours des dernières semaines. Le cabinet du chef de l’Etat vient de connaître une purge sans précédent, atteignant son «apothéose» avec la disgrâce du conseiller privé Fortunat Biselele.

Econews