Entre le procès, dit de 100 jours, qui s’est finalement soldé par l’acquittement de Vital Kamerhe, le principal accusé, et l’affaire Bukanga-Lonzo dans laquelle est mis en cause l’ancien Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, il y a bien des similitudes. Si Vital Kamerhe a qualifié son procès de «cynique», celui visant Matata est plutôt un «procès de la honte» dont les motivations sont plus politiques que judiciaires. Ce lundi à la Cour de cassation, le sénateur Matata sera à nouveau à la barre pour des faits qu’il a posés comme Premier ministre entre avril 2012 et novembre 2016.
Faut-il tenir le procès Bukanga-Lonzo avec Matata Ponyo Mapon comme principal accusé ? La Cour constitutionnelle avait déjà tranché que c’était totalement inutile. La Cour constitutionnelle ayant montré la voie à suivre, ce qui risque de se produire à la Cour de cassation risque de n’être qu’une séance de règlement de comptes à l’ancien Premier ministre Matata. A défaut, on va assister à une autre opportunité de ridiculiser la justice congolaise aux yeux d’une opinion publique alerte et surtout refusant l’arbitraire sous toutes ses formes.
Alors que Vital Kamerhe a passé deux années sous statut d’un condamné, la justice l’a blanchi en l’acquittant. Ceux-là mêmes qui sont appelés à juger l’ancien directeur de cabinet du président Tshisekedi ont estimé que le droit n’était pas dit. Il a fallu que le supérieur corrige sa copie. Ce qui fut fait. Y avait-il erreurs dans le procès, dit de 100 jours? A la Cour de cassation, la réponse était affirmative. Il y a eu des irrégularités qui n’ont pas permis que le droit soit dit comme il se devait.
Délicate manœuvre à la Cour de cassation
Ce lundi 11 juillet, la Cour de cassation tentera une délicate manœuvre qui ne sera pas sans conséquence sur son image de marque.
L’affaire, dite «Bukanga-Lonzo», avait été renvoyée à la Cour de cassation par le Procureur général près la Cour constitutionnelle qui, au terme d’un bref procès, s’était déclarée incompétente de juger Matata Ponyo pour des actes commis alors qu’il était Premier ministre, rappelle Congoguardian sur son site.
Après examen du dossier par son office, le journal en ligne note que le Procureur général près la Cour de cassation avait fait rapport au Chef de l’Etat pour lui signifier l’incapacité de sa juridiction de connaître de cette affaire et solliciter son classement.
En effet, dans sa lettre d’accompagnement datée de début février 2022, Le Procureur Général près la Cour de cassation, Victor Mumba Mukomo, notait que «…toutes les infractions, commises par le Premier ministre pendant ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, ne peuvent être jugées que par la Cour Constitutionnelle (articles 163 et 164 de la Constitution). Ainsi, s’étant déclarée incompétente à connaître des poursuites engagées contre les prévenus Matata Ponyo et consorts, aucune autre juridiction ne peut engager une action pour ces mêmes faits contre l’ancien Premier ministre».
Il concluait que «dès lors, mon office ne pourra instruire qu’à charge de ceux qui ont participé à la commission de ces faits selon l’un des modes de participation criminelle, non revêtus de cette qualité lors de leur perpétration».
Quelques jours après, cependant, la Cour de cassation niera l’authenticité de cette lettre avant de fixer l’affaire pour le 13 juin 2022. Le cabinet du Président de la République déclarera également n’avoir jamais réceptionné un tel courrier.
A la défense de Matata, coordonnée par le célèbre pénaliste, prof Raphael Nyabi-rungu, c’est la sérénité.
Dans une récente intervention devant la presse, Me Nyabirungu avait fait remarquer que « si la Cour de cassation tient à instruire le dossier contre Matata, elle s’exposera à un excès du pouvoir ». Selon lu, la saisine de cette juridiction devait être préalablement précédée de l’avis favorable du Sénat pour un dossier à part entière qui commence et non une affaire héritée d’une autre juridiction, en l’occurrence la Cour constitutionnelle.
Procès-spectacle
Dans tous les cas, le procès, dit de 100 jours, offre énormément de similitudes avec l’affaire Bukanga-Lonzo. Les deux projets ont suivi le même cheminement. Les concepteurs n’ayant plus la décision, les successeurs ont asphyxié ces deux projets de la même manière afin d’imputer la responsabilité de l’échec aux concepteurs de ces projets et jeter leurs noms en pâture dans l’opinion. On peut dire que le coup avait réussi parce que l’impression était que des fonds ont été engloutis pour ne servir à rien. Du coup, les initiateurs ne peuvent pas échapper au verdict politique.
Aujourd’hui, la Tanzanie veut vendre aux enchères 221 conteneurs des maisons préfabriquées qui ont traîné dans ses ports. Or il avait suffit que le gouvernement Ilunga Ilunkamba se décide de payer les factures comme ne cessaient de le solliciter Jammal Samil et Vital Kamerhe pour que policiers et militaires congolais trouvent des logements dignes. Rien n’a été fait dans ce sens. Après la condamnation, la réalité rattrape tout le monde : les maisons préfabriquées étaient une réalité. Il n’y a pas eu détournement de fonds. Il n’existe aucune preuve de détournement.
Des machines neuves abandonnées
A Bukanga-Lonzo, ce fut le même spectacle désolant. Le projet était bloqué volontairement parce que sa réussite serait à l’actif de Matata Ponyo pour l’éternité. Il fallait briser cet élan en le disqualifiant par voie de justice. La manipulation politique aidant, la pression politique étant à son comble, une condamnation de Matata Ponyo serait un trophée de grande valeur à brandir. Matata est revenu au pays pour que la justice écrive sa propre histoire en lettre d’or.
La justice doit savoir que le matériel ayant fait l’objet des sorties des fonds a été effectivement acquis. Il n’existe donc aucune preuve attestant un quelconque détournement. A Bukangalonzo, il y a même des engrais qui ont pourri. Des machines ultramodernes abandonnées, d’autres vandalisées. Il y a même des tracteurs dont les pneus n’ont jamais touché à la terre argileuse de Bukanga-lonzo. Le scandale de Bukanga-Lonzo concerne ceux qui avaient décidé de la fin de ce gigantesque et fabuleux projet mené par un gouvernement de la RDC. Une expérience dupliquée avec succès ailleurs où des dirigeants responsables l’ont portée à bras le corps.
Les maisons préfabriquées du projet, dit de 100 jours, sont visibles en Tanzanie notamment. Des conteneurs sont aussi en Zambie et ailleurs. La RDC va les perdre de la même manière que le matériel de Bukanga-Lonzo.
Toutes ces similitudes démontrent l’inutilité du procès Bukanga-Lonzo ayant pour unique objectif de noyer l’ancien Premier ministre et candidat déclaré à la prochaine présidentielle de 2023. Personne ne sortira gagnant de ce procès.
Econews