Déséquilibré sous Kabila, Tshisekedi scelle un partenariat «global et stratégique» avec la Chine

C’est à l’étape de Hong Kong et au terme de sa visite d’Etat en Chine du 24 au 29 mai, que le président de la République Félix Tshisekedi, a entretenu la presse de sa suite sur les tenants et les aboutissants du nouveau partenariat, voulu «global et stratégique», conclu entre Kinshasa et Beijing grâce à un resserrement affirmé de leurs liens bilatéraux. «La RD Congo peut dès lors compter sur la coopération chinoise pour la mise en œuvre de son plan d’industrialisation, pour le développement de ses mines, pour l’investissement dans le numérique, l’éducation, les médias, la culture, l’agriculture…».
Ce n’était pas une conférence de presse au sens classique du terme. Mais une simple communication du chef de l’Etat à l’intention des journalistes qui faisaient partie de sa suite, peu avent de quitter la terre chinoise a tenu à préciser le service de la communication de la présidence.
Dans un langage simple et dépouillé, Félix Tshisekedi a révélé que dans le volet militaire du nouveau format de cette coopération sino-congolaise, voulue globale et stratégique, il est prévu la formation des unités de l’armée nationale dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi sur la Programmation militaire.
Cette initiative commune va de pair avec la situation sécuritairemarquée par l’agression rwandaise dans l’Est du pays. Le réchauffement des relations bilatérales avec la Chine, du reste membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies est sans doute un atout des plus bénéfiques a estimé le président congolais.
En effet, la Chine est un pays dont la voix compte du fait qu’elle dispose d’un droit de veto au sein de l’instance décisionnelle de l’ONU. Dès lors, c’est un partenaire important pour la recherche de la paix tant souhaitée.
«Evidemment, nous ne lui demandons pas de prendre fait et cause (contre la Rwanda ndlr), mais elle a exprimé clairement sa volonté de voir la RDC pacifiée et rester dans son intégrité. C’est clair que c’est un appui important au retour de la paix en RDC» a-t-il indiqué.
Le chef d l’Etat a précisé en outre que la Chine, étant déjà engagée en RDC, il ressort le constat que le contexte n’était pas mutuellement profitable. Il est donc temps de remettre les choses sur les rails. Il va de soi qu’ici, il était question du réajustement dans conventions conclues sous l’ancien régime et se rapportant à un échange de concessions minières contre la construction des infrastructures. Les fameux «contrats chinois» jugés déséquilibrés par les autorités congolais.
Le moment est donc venu de rectifier le tir, a estimé Félix Tshisekedi. «L’essentiel, c’est de bien comprendre nos intérêts partagés et surtout, d’en sortir gagnant-gagnant (….). Nous, nous savons ce que nous voulons; les Chinois savent ce qu’ils veulent. On a simplement redéfini ce partenariat pour en faire quelque chose de rayonnant et d’exemplaire pour l’Afrique » a déclaré Félix Tshisekedi.
Selon lui, les deux parties ont résolues de passer rapidement à la mise en ouvre de partenariat global et stratégique conclu à Beijing. Pour y parvenir, il a été convenu de la relance de la Commission mixte RDC-Chine en vue d’un suivi étroit des dossiers et la concrétisation des engagements pris.

Econews

RDC : le casse-tête chinois des contrats miniers

Le voyage du président Félix Tshisekedi à Pékin a permis de renforcer les relations économiques et diplomatiques entre les deux pays. Mais pour la renégociation et le possible rééquilibrage du «contrat du siècle» de 2007, largement défavorable au Congo, il faudra encore patienter… Pendant quatre jours, la République Démocratique du Congo (RDC) a eu les yeux rivés sur l’Empire du Milieu. La première visite du président congolais Félix Tshisekedi en Chine a suscité un regain d’intérêt pour la superpuissance asiatique, premier partenaire économique du Congo, activités minières obligent.
La visite d’Etat de Félix Tshisekedi était très attendue sur un dossier majeur : celui du contrat minier signé en 2007 par Kinshasa et un Groupement d’entreprises chinoises. Un contrat jugé déséquilibré pour la partie congolaise, que le président Tshisekedi a annoncé vouloir renégocier avec Pékin. Le fameux «contrat du siècle», négocié sous Joseph Kabila, avait donné naissance à la Sicomines, une entreprise détenue à 68% par les partenaires chinois pour se fournir en cuivre et cobalt en échange de la construction d’infrastructures au Congo (routes, hôpitaux, voies de chemin de fer…).

Reprendre la main sur la Sicomines
Seulement 15 ans plus tard, les comptes n’y sont toujours pas. Sur les 3 milliards de dollars d’infrastructures que devaient construire la Chine, seuls 822 millions de dollars US ont été déboursés, alors que Pékin a encaissé plus de 11 milliards de dollars grâce aux minerais extraits du sol congolais. Depuis son arrivée à la présidence, Félix Tshisekedi a annoncé à plusieurs reprises vouloir rééquilibrer le contrat avec la Chine.
Kinshasa a laissé entendre, avant le départ du chef de l’Etat pour Pékin, vouloir inverser le pourcentage des parts détenus par l’Etat congolais dans la Sicomines, via son entreprise Gécamines. Au lieu des 32% actuels, Kinshasa souhaite vouloir détenir 70% de la Sicomines. La RDC demande également de doubler l’investissement dans les infrastructures de 3 à 6 milliards de dollars US, et réclame une «indemnisation forfaitaire» de 2 milliards de dollars en guise de «dédommagement».
Pas de renégociation à Pékin
Renégocier, revisiter ou rééquilibrer le «contrat du siècle» étaient les objectifs affichés par Kinshasa avant la visite de Félix Tshisekedi à Pékin. L’attente était grande côté congolais… peut-être un peu trop. A l’arrivée, le communiqué final publié à l’issue de la visite laisse les Congolais un peu sur leur faim. Aucune mention, n’y même allusion, n’est faite au sujet du fameux contrat «minerais contre infrastructures» de 2007.
Plusieurs mémorandums ont été signés entre la RDC et la Chine, mais aucun ne spécifie clairement un rééquilibrage du contrat minier. Le texte final reste très général. Il stipule que «la Chine encouragera davantage des entreprises à investir et à s’implanter en RDC, et à participer à la construction d’infrastructures conformément aux programmes édictés et présentés par la partie congolaise, pour contribuer à la diversification économique et à l’industrialisation du pays ».

Un accord fin 2023 ?
De source gouvernementale congolaise, on indique que l’accord minier de 2007 n’a pas été évoqué lors de la rencontre entre Félix Tshisekedi et son homologue Xi Jinping, mais le document final parle tout de même d’un « relèvement de la relation bilatérale», entre les deux pays, ce qui a grandement satisfait la délégation congolaise. Pour Kinshasa, la rencontre entre les deux chefs d’Etat ouvre la voie à la mise en place d’un cadre de discussion pour la commission mixte (Etat congolais-entreprises chinoises) pour renégocier le «contrat du siècle», afin que la RDC puisse « retrouver ses droits ».
La délégation congolaise a laissé entendre qu’un accord pourrait être trouvé d’ici la fin 2023. Un calendrier qui tomberait à point nommé pour Félix Tshisekedi qui est candidat à sa réélection en décembre prochain.

Pékin peut lâcher du lest
Les autres mémorandums signés entre Pékin et Kinshasa sur une meilleure coopération entre les deux télévisions d’Etat, ou le soutien de la Chine aux pourparlers de paix pour l’Est du Congo cachent mal une certaine déception de la visite de Félix Tshisekedi à Pékin. Peut-être que Kinshasa avait trop martelé ses intentions de vouloir renverser la table, renégocier le contrat et inverser le rapport de force.
Le problème, c’est que Kinshasa ne pèse pas bien lourd face à son partenaire chinois. Félix Tshisekedi, comme son prédécesseur Joseph Kabila, marche sur des œufs avec Pékin. L’Etat congolais et son budget lilliputien d’une petite dizaine de milliards de dollars a besoin de la Chine, son premier partenaire commercial avec ses 21,7 milliards de dollars, importations et exportations confondues. Difficile de dicter ses conditions lorsque le rapport de force est aussi déséquilibré.
A ce petit jeu, Félix Tshisekedi sait qu’il ne pourra pas imposer un deal dans lequel Pékin ne soit pas gagnant. Mais les Chinois ont compris qu’ils pouvaient aussi lâcher un peu de lest et donner des gages de bonne volonté à un président qui brigue un second mandat et qui a besoin d’afficher quelques réussites en matière d’économie. A Pékin, Félix Tshisekedi a joué la carte de la stabilité et de la continuité. Un argument qui fait toujours mouche à Pékin.
Avec Christophe Rigaud (Afrikarabia)