La déroute des « négociations directes » pilotées par l’Angola à Luanda, suivie du retrait discret du président João Lourenço du dossier congolais, a laissé un vide stratégique dans les efforts de paix pour l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Dans cette brèche, une nouvelle hypothèse émerge : l’entrée en scène de l’Ouganda.
Kampala, allié récent de Kinshasa dans la lutte contre les ADF, se positionne en sauveur potentiel. Mais cette perspective, aussi séduisante qu’elle paraisse, soulève des questions brûlantes sur la crédibilité, les intérêts cachés et les risques d’une médiation sous tension.
En effet, l’Ouganda entretient des relations ambivalentes avec la RDC. D’un côté, les deux pays collaborent militairement depuis 2021 contre les ADF, groupe terroriste affilié à l’EI. De l’autre, Kampala reste perçu comme un acteur opportuniste.
Si le président Yoweri Museveni peut bien prendre le relai de Lourenço, son entrée en scène se heurte cependant à un obstacle de taille : les déclarations incendiaires du général Muhoozi Kainerugaba, son fils et chef d’état-major de l’armée ougandaise. Ce dernier, connu pour ses provocations sur les réseaux sociaux, reste une énigme.
Comment Kinshasa pourrait-il faire confiance à un pays dont le chef de l’armée militaire défie régulièrement la diplomatie des pays voisins ?
La crédibilité de l’Ouganda repose donc sur un équilibre précaire.
Le « faisceau d’informations » évoqués par des sources régionales laisse cependant entrevoir une volonté de Kampala d’imposer un cadre de négociations directes entre le gouvernement congolais et l’AFC/M23.
Mais cette médiation comporte un risque majeur : celui de reproduire le scénario angolais, où les parties prenantes – accusées de partialité – ont fini par se retirer sous les critiques.
Tout compte fait, la tragédie congolaise exige plus qu’un changement de médiateur : elle réclame une architecture régionale de paix transparente, inclusive et désintéressée. L’échec de Luanda et les doutes autour de Kampala rappellent une évidence : aucune solution durable ne naîtra d’initiatives pilotées par des acteurs perçus comme juge et partie.
L’Union africaine, affaiblie par ses divisions, et l’ONU, engluée dans sa bureaucratie, ont failli à leur rôle. En attendant, le peuple de l’Est de la RDC continue de fuir, de mourir, de résister.
L’entrée en jeu de l’Ouganda, si elle devait se concrétiser, ne sera acceptable que si elle s’accompagne d’un garde-fou : une surveillance internationale rigoureuse, exigeant des comptes. Sans cela, ce ne sera qu’un énième chapitre d’une guerre sans fin, où les médiateurs d’aujourd’hui deviennent les complices de demain.
Econews