Sergueï Lavrov à Oyo au Congo/Brazzaville; Emmanuel Macron à Yaoundé au Cameroun voisin. Le ministre russe des Affaires étrangères et le président français, acteurs majeurs de la guerre en Ukraine passant la nuit dans deux pays d’Afrique centrale ! Surréaliste ! Impossible de rester de marbre devant le caractère inédit de cet épisode de la course aux alliés africains à laquelle se livrent désormais les Occidentaux, la France en tête, et les Russes pour amener les gouvernements du Continent noir à clarifier sans ambages leurs positions dans la guerre que mènent les Etats-Unis…
… et leurs alliés de l’Otan contre la Russie, par l’Ukraine interposée.
L’Europe n’a pas oublié, en effet, qu’un tiers des Etats africains s’étaient abstenus de condamner la Russie lors d’un vote à l’Onu, au déclenchement par le Kremlin de son Opération militaire spéciale destinée à dénazifier l’Ukraine. En débarquant dans la capitale camerounaise, Emmanuel Macron était parfaitement informé de la présence en Centrafrique – un autre voisin du Cameroun – des paramilitaires russes du Groupe Wagner.
Or, le Cameroun est aux prises avec les rebelles de ses deux régions anglophones qui rêvent d’une «Ambazonie» indépendante. L’urgence, pour les Occidentaux, est de convaincre Paul Biya de ne surtout pas succomber à la tentation de faire appel aux mercenaires de l’oligarque russe Evgueni Prigogine qui agirait, dit-on, avec l’appui de Vladimir Poutine en personne.
En échange, Emmanuel Macron aurait pu proposer une assistance militaire au Cameroun pour l’aider à mater, une fois pour toutes, une rébellion qui continue à tenir tête aux forces loyalistes. Une opportunité pour lui de faire d’une pierre deux coups, tant sa venue a été précédée de la résurgence dans la mémoire des Camerounais des atrocités commises par la France dans les années 50 pour lesquelles Paris n’a pas présenté ses excuses à ce jour, contrairement à l’Algérie.
La présence simultanée de Sergueï Lavrov et Emmanuel Macron dans cette partie de l’Afrique centrale n’avait rien de fortuit. Il serait puéril de croire que leurs services d’intelligence respectifs n’étaient pas informés des déplacements de l’un et de l’autre.
Ce n’est pas encore la Troisième guerre mondiale qui verrait une nouvelle race de tirailleurs africains monter à l’assaut des champs de bataille européens; mais les soubresauts des coups de canon dans le Donbass ne tarderont pas à se faire sentir sous les tropiques.
Econews