Admis sous surveillance militaire dans un centre médical de la place, pour des soins appropriés, Fortunat Biselele, ancien conseiller privé du Président de la République, a été reconduit manu militari à la prison centrale de Makala, sur ordre, dit-on, de Mme la ministre d’Etat en charge de la Justice, le Garde des sceaux Rose Mutombo Kiese. Lundi devant la presse réunie au siège de l’ACAJ, dans la commune de la Gombe, à Kinshasa, le collectif des avocats de Fortunat Biselele, représenté par Me Richard Bondo, a fait part d’une violation flagrante de la loi, estimant que leur client subit le martyre que lui impose Mme Rose Mutombo. Au nom du combat pour l’Etat de droit pour lequel le parti au pouvoir, l’UDPS, a consacré 37 ans de lutte, les avocats de Biselele en appellent au Chef de l’Etat pour stopper les dérives de Mme le garde des Sceaux.
Après avoir servi le pouvoir au poste stratégique de conseiller privé du Chef de l’Etat, Fortunat Biselele, mieux connu sous le nom de «Bifort », serait-il finalement le prisonnier politique du régime qui l’a créé ? C’est ce que pensent ses avocats au regard de la tournure qu’a pris son incarcération à la prison centrale de Makala, alors que son procès n’a toujours pas été fixé devant les Cours et tribunaux de la République Démocratique du Congo.
Lundi devant la presse, ses avocats sont montés au créneau, dénonçant les graves manœuvres de Mme la Garde des sceaux Rose Mutombo qui a décidé de fouler aux pieds les règles élémentaires du droit pour clouer Fortunat Biselele.
Admis pour des soins appropriés dans un centre hospitalier de la place, Fortunat Biselele a été reconduit manu militari à la prison de Makala, sur ordre, dénoncent encore ses avocats, de Mme Rose Mutombo
Visiblement dépité, Me Richard Bondo, l’un des avocats de Biselele, n’a pas caché sa colère devant la presse.
Me Bondo se déchaîne
D’entrée de jeu, Me Bondo a fustigé les graves violations qui entourent l’affaire Biselele : « Comme vous le savez, notre client a été interpellé par l’Agence nationale des renseignements, ANR, à la suite de ses propos tenus dans une émission avec le journaliste camerounais Alain Foka. Il a été maintenu en garde à vue à l’ANR pendant six jours, soit du 14 au 20 janvier, en violation de la loi, car la loi fixe le délai maximal de la garde à vue à 48 heures. L’ANR l’a arrêté pour les propos dans cette émission, qui n’ont aucun caractère séditieux. C’est après cela que les OPJ de l’ANR vont confisquer ses téléphones qu’ils vont fouiller, sans avoir obtenu l’autorisation d’un procureur, ce qui est totalement illégal. Je ne sais pas comment des prétendues preuves obtenues dans ces conditions de violations des lois du pays peuvent être prises en considération par un tribunal sérieux ».
Selon Me Bondo, on assiste depuis lors à une violation au grand jour des règles élémentaires de droit : « La volonté de nuire à notre client transparaît également dans le fait que l’ANR a retenu le véhicule dans lequel M. Biselele s’était rendu à son rendez-vous à l’ANR, sans que ce véhicule soit concerné en rien par le dossier judiciaire de notre client, sans que ce véhicule ne soit une pièce à conviction d’aucune prévention. Depuis le 14 janvier 2023, les avocats et la famille de M. Biselele ont formulé plusieurs demandes afin de récupérer ce véhicule, mais l’ANR s’y refuse sans en donner aucune explication. Sommes-nous encore dans un état de droit comme le veut le chef de l’Etat ? »
Il s’en explique en ces termes : «Selon la loi portant création de l’ANR, il est stipulé que l’ANR a pour mission de chercher les infractions à la sécurité, mais dans le respect de la loi. Comme il n’y a pas eu respect de la loi, tous les PV sont faux et ne peuvent être retenus par le procureur. C’est dans ce contexte que Fortunat Biselele a été transféré au CPRK. Et le jour du transfert, l’ANR avait mobilisé la presse pour assister à son arrivée au parquet, où le camion qui amène les prisonniers à Makala était déjà rangé. Tout ceci montre clairement qu’il s’agit d’une pièce de théâtre arrangée à l’avance ». Avant de revenir sur sa reconduite à la prison centrale de Makala, alors qu’il était admis en soins intensifs dans un centre médical de la place.
«Après l’avoir fait ausculter par les médecins du CPRK, le gardien de la prison centrale de Makala a écrit la ministre d’Etat et ministre de la Justice pour lui dire que notre client était malade, et qu’il doit être transféré dans un hôpital approprié pour traitement. La ministre de la Justice va en référer au ministre de la Santé qui, à son tour, va désigner une équipe des médecins qui va lui faire rapport. Ce rapport reconnaît l’état critique de l’état de santé de notre client. C’est ainsi qu’on va le transférer à l’hôpital. Faute d’équipement adéquat, l’hôpital n’a fait grand-chose. Mais un mois jour pour jour, la ministre de la Justice décide le renvoie de notre client en prison. Le samedi 13 mai, à 4h du matin, il est jeté violemment dans un véhicule qui le ramène à l’hôpital », a indiqué Me Bondo.
La main noire de Mme la Garde des sceaux
Si l’affaire Biselele est désormais guidée par des motivations plus politiques que juridiques, Me Bondo désigne le bras d’exécution qui n’est autre Mme la ministre d’Etat en charge de la Justice et Garde des sceaux.
«Nous qui avons connu Mme la ministre Rose Mutombo Kiese comme défenseur des droits de l’Homme avec son ONG CAFCO sommes étonnés de la voir devenir aujourd’hui elle aussi un bourreau des droits de l’Homme, en violant à ce point les droits de notre client. Ici, il y a trois articles de la Constitution qui sont violés, à savoir : l’article 16 : Nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant ; l’article 17 : Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif ; l’article 18 : Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité», a lancé Me Bondo. Et de s’interroger : «Qu’est-ce qu’un Garde des sceaux ? C’est le gardien des emblèmes de la République, le juriste maison du gouvernement, la conseiller juridique de la République. Quand elle s’érige elle-même en violatrice de la Constitution et des lois, la démocratie est menacée. Devant ce scandale qui ne respecte ni la vie ni la santé de notre client, nous avons pensé que l’opinion publique nationale et internationale doit considérer Biselele Fortunat comme une victime politique, car aucune procédure ni juridique ni judiciaire, ne peut justifier le sort qu’on lui fait subir».
En alertant l’opinion publique, via la presse, Me Bondo motive cette démarche : «C’est contre le triomphe de ce mal, que le collectif des avocats de Biselele Fortunat s’élève pour que le régime pénitentiaire soit réglé par le président de la République selon l’article 115 du Code de procédure pénale congolais». Avant de lancer une réflexion qui couronne les dérives d’un regime qui a juré de promouvoir l’Etat de droit : «Vous savez que notre client a passé 14 jours pendant lesquels sa détention n’était couvert par aucun acte de procédure. Tout ceci montre qu’il est victime d’une lutte de positionnement autour du chef de l’Etat pour éliminer les uns et positionner les autres. Mais la justice n’a pas à être utilisée dans ce genre de manœuvres politiciennes. Un de vos confrères, le journaliste algérien Hocine Aït Ahmed, a déclaré dans son livre ‘l’afro fascisme’ : ‘Les nouveaux maîtres chaussent les bottes de leurs prédécesseurs. Leurs maisons couvrent les cris des suppliciés’. Le supplicié, n’est-ce pas Biselele Fortunat qu’on veut conduire à la mort ? »
Econews