Le Gouvernement a annoncé, vendredi en Conseil des ministres, le maintien d’une mesure choc : la suspension totale des exportations de cobalt pour une durée de quatre mois. Une décision audacieuse, prise malgré les tensions sur le marché mondial de ce minerai stratégique, essentiel à la transition énergétique.
Intervenant à cette réunion, dans la suite du Président de la République, la Première ministre Judith Suminwa a justifié cette pause comme un levier pour «réguler l’offre excédentaire et stabiliser les prix», lors d’un contexte de chute des cours liée à une surproduction globale.
Selon les recommandations du Comité de conjoncture économique, actées lors de sa réunion hebdomadaire, cette suspension s’accompagnera de l’instauration d’un système de quotas dès la reprise des exportations. Ce mécanisme divisera la production congolaise en deux parts : 60 % destinés à l’exportation; 40 % réservés à la transformation locale, afin de stimuler l’industrialisation du pays.
«L’objectif est de valoriser notre cobalt sur place plutôt que de rester un simple fournisseur de matières premières », se dit-on à la Primature.
Alliance avec l’Indonésie pour peser sur le marché
Consciente que l’impact de cette mesure dépend d’une coordination internationale, la RDC mise sur un partenariat inédit avec l’Indonésie, autre géant minier. Les deux pays, qui détiennent ensemble près de 80 % des réserves mondiales de cobalt, envisagent de créer un cartel informel pour mieux contrôler l’offre et les prix. «Une collaboration gagnant-gagnant est en discussion pour éviter une concurrence destructrice», a confirmé la Première ministre, Mme Judith Suminwa.
En parallèle, le gouvernement promet de restructurer la filière artisanale, souvent critiquée pour son opacité et ses conditions de travail précaires. La Première ministre a annoncé un renforcement des prérogatives de l’Entreprise générale du cobalt (EGC) et de l’Autorité de régulation des marchés miniers (ARECOMS). Ces entités devront superviser la traçabilité des minerais, lutter contre la contrebande et garantir des revenus équitables aux creuseurs. «L’artisanat minier ne doit plus être synonyme d’exploitation, mais de développement inclusif », a-t-elle insisté.
Si certains analystes saluent une «prise de contrôle salutaire » par Kinshasa, alertent sur les risques de pénuries pour les industriels étrangers, notamment chinois et européens. Les cours du cobalt pourraient en effet rebondir de 15 à 20 % d’ici la fin de l’année, selon la Bourse des métaux de Londres.
En suspendant ses exportations, la RDC affirme sa volonté de passer du statut de producteur à celui de stratège sur l’échiquier minier mondial. Reste à voir si cette pause permettra de rééquilibrer le marché tout en accélérant l’émergence d’une industrie locale durable – un défi de taille pour Judith Suminwa, qui devra concilier urgence économique et vision à long terme.
Depuis la suspension des exportations de cobalt décidée par la RDC en février, le prix de l’hydroxyde de cobalt a bondi de 84 % pour atteindre 10,5 USD la livre, selon les données de Fastmarkets.
De son côté, le cobalt métal a progressé de plus de 43%. Même si cette hausse semble valider la stratégie congolaise, des incertitudes demeurent sur l’efficacité de la suspension à long terme.
Le cobalt est un métal gris argenté, dur et brillant, qui est principalement obtenu comme sous-produit de l’extraction du nickel et du cuivre.
Extrait de minerais tels que la cobaltite et l’hétérogénite, le métal est raffiné en sulfate de cobalt ou en oxyde de cobalt à des fins industrielles. Il est essentiel à la production de batteries lithium-ion rechargeables utilisées dans les smartphones, les ordinateurs portables et les véhicules électriques.
En outre, le cobalt est un élément crucial des superalliages pour les moteurs à réaction, les outils de coupe et les implants médicaux en raison de sa grande résistance à la chaleur et à la corrosion. Le cobalt se trouve en quantités importantes en RDC, qui domine l’offre mondiale avec plus de 70 % de la production.
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