Une incertitude plane sur les pourparlers engagés à Nairobi, au Kenya, entre l’Etat congolais et les délégués des milices et groupes armés opérant en République Démocratique du Congo, principalement le M23.
Depuis la reprise samedi des hostilités entre les Forces loyalistes et les rebelles du M23 sur le front de l’Est, Kinshasa s’interroge sur la nécessité de maintenir le dialogue, selon le vœu exprimé par le mini-sommet de Nairobi, convoqué, la semaine dernière, à l’initiative du président kenyan Uhuru Kenyatta.
En effet, en marge du mini-sommet, tenu jeudi 21 avril à Nairobi, le Président Félix-Antoine Tshisekedi s’était engagé à entamer des pourparlers, dès le vendredi 22 avril 2022, avec une dizaine de groupes armés locaux actifs qui sèment la terreur et la désolation dans la partie est de la République Démocratique du Congo.
Au premier jour des consultations de Nairobi, la présidence congolaise a annoncé avoir expulsé de la salle la principale branche du M23, après que des affrontements entre M23 et FARDC ont repris le samedi dans le Rutshuru. Kinshasa et le mouvement rebelle s’accusent mutuellement d’en être responsables.
Retour à la case départ
Le samedi 23 avril 2022, le matin, sans attendre que l’ensemble des groupes armés invités arrivent à Nairobi, le comité qui supervise les consultions a décidé de tenir une première réunion, explique une source digne de foi proche de la facilitation. Autour de la table, il y avait la délégation congolaise conduite par Serge Tshibangu, envoyé spécial du président congolais, Félix Tshisekedi, la facilitation kényane, et deux délégations du M23, à savoir l’aile Makenga actuellement active dans l’Est de la RDC, et celle dissidente dirigée par Jean-Marie Runiga, réfugié depuis 2013 au Rwanda.
Selon la facilitation, cette réunion était purement protocolaire. Mais lorsqu’est parvenue la nouvelle des combats dans le Rutshuru, l’atmosphère a brutalement basculé. La présidence congolaise dit avoir tout de suite exigé et obtenu de la facilitation que les deux représentants du M23/Mukenga soient expulsés de la salle, précisément Benjamin Mbonimpa, le secrétaire exécutif et Lawrence Kaniyuka, chargé des affaires étrangères au sein du mouvement.
Réagissant au même moment au sortir de la salle, le M23 note que « Le gouvernement congolais ne veut pas la paix ». Du côté de Kinshasa, le même samedi soir, une source de la Présidence de la République assurait que « cette expulsion ne signifiait pas une exclusion définitive du processus à condition d’un cessez le feu et d’un retour du M23 à ses positions initiales».
Quoi que l’on dise, cet accrochage est un coup dur pour le processus de consultation entamé à Nairobi.
Pour rappel, les combats entre les FARDC et ce mouvement rebelle ont repris samedi après près de deux semaines d’accalmie constatée dans cette partie du territoire congolais. Les premiers tirs ont commencé vers 15 heures, heure locale, dans le groupement de Jomba, territoire de Rutshuru, dans le Nord-Kivu. Ces premiers crépitements de balle ont été localisés au bas de la colline de Bugusa, non loin de la paroisse catholique de Jomba, le plus grand lieu de culte des fidèles catholiques dans la zone. D’autres tirs ont été entendus vers la cité de Chengerero. Cette agglomération avait déjà été conquise par les combattants du M23 fin mars 2022 avant d’être reconquise par les forces régulières.
Les FARDC et le M23 se rejettent mutuellement la balle. Selon l’armée congolaise, ce sont les combattants du M23 qui ont lancé les hostilités en s’attaquant à ses positions en pleine période de trêve décidée en raison des consultations de Nairobi. Ce que dément ce mouvement qui rejette, à son tour, la responsabilité aux FARDC qu’il accuse d’être à l’origine des premiers tirs. Le M23 explique le déploiement de ses forces, par la volonté, dit-il, de sécuriser leurs positions.
Sur le terrain, les populations civiles, qui regagnaient déjà petit à petit leurs habitations suite à l’accalmie constatée ces derniers jours, sont encore obligées de déserter de nouveau le lieu. Certaines parmi elles ont même été obligées de traverser encore la frontière ougandaise.
Dans ces conditions, la suite des pourparlers de Nairobi reste hypothétique.
Quoi qu’il en soit, le secrétaire général des Nations unies, cité par son porte-parole, a exhorté tous les groupes armés locaux en République Démocratique du Congo « à participer sans condition au processus politique, et tous les groupes armés étrangers à désarmer et à retourner sans condition et immédiatement dans leurs pays d’origine respectifs ».
Le M23 accuse l’armée congolaise d’avoir «l’intention manifeste de compromettre le processus de paix issu du récent conclave» des quatre chefs d’État à Nairobi. Le M23 avait été vaincu en 2013 par les forces armées de RDC mais il est réapparu en fin d’année dernière, reprochant aux autorités de Kinshasa de ne pas avoir respecté des engagements sur la démobilisation de ses combattants.
Tighana Masiala