Le Conseil de sécurité a en tendu, mardi dernier, des exposés sur la situation dans la région des Grands Lacs, présentée comme « tendue et imprévisible », avec un risque réel de confrontation directe entre la RDC et le Rwanda. Il ressort notamment du rapport du Secrétaire général dont était saisi le Conseil que les deux pays continuent de s’accuser mutuellement de soutenir des groupes armés: les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) d’un côté, le M23 de l’autre. Les membres du Conseil ont appelé au dialogue et à la poursuite des efforts de médiation.
Les relations entre les deux pays « sont restées tendues, caractérisées par la poursuite des diatribes et des accusations concernant les activités persistantes du M23 et des FDLR et les attaques présumées planifiées sur le territoire de l’autre pays », précise le rapport. Le 27 juillet, un soldat congolais a même échangé des tirs avec un soldat de la Force de défense rwandaise (FDR) à Rutagara, près de Goma, en RDC.
Entre le 16 mars et le 10 septembre, toujours selon le rapport, le M23 aurait mené 97 attaques contre des civils, causant la mort de 124 personnes, dont 15 femmes et 11 enfants. Le M23 aurait également tenté d’étendre sa zone d’opérations à la province du Sud-Kivu. Les FDLR, restées actives dans l’est de la RDC, seraient, elles, responsables de 17 attaques contre des civils, qui ont fait 13 morts, dont 1 femme et 3 enfants.
Alors même que le Conseil se réunit, a lancé le représentant de la RDC, le Rwanda et ses «supplétifs terroristes du M23 » occupent toujours des positions sur le territoire de la RDC. Or, la priorité du Gouvernement congolais reste la fin de l’agression rwandaise et le retrait de toutes les troupes du Rwanda, a prévenu le délégué.
«Ce sont l’échec et le refus de Kinshasa de réduire la menace posée par plus de 120 groupes armés sur son sol et son incapacité persistante à s’attaquer aux causes profondes du conflit qui ont permis à l’Est de la RDC de rester un terrain fertile pour les groupes armés qui déstabilisent la région depuis trois décennies », a, à son tour, accusé le représentant rwandais.
Devant ces «signaux inquiétants » – le renforcement militaire des deux pays, l’absence d’un dialogue direct de haut niveau et la persistance de discours de haine de part et d’autre -, ce qu’il faut, c’est privilégier la diplomatie et le dialogue, dans le but de trouver une solution politique aux défis de la région, ont estimé l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région, M. Huang Xia, et le Secrétaire exécutif de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), M. João Samuel Caholo.
Alors que, pour tenter de renforcer la confiance au niveau régional, le Secrétaire général a lancé des missions de bons offices auprès des dirigeants de la région et que les Présidents de l’Angola et du Burundi ont eux aussi pris des initiatives pour faciliter le dialogue entre la RDC et le Rwanda, les deux hommes ont estimé que la volonté politique et la bonne foi sont les facteurs qui feront la différence, conformément à l’esprit et à la lettre de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. Les solutions militaires à elles seules ne seront pas suffisantes, ont-ils averti.
L’implication de la société civile dans le dialogue a été réclamée par la Présidente de la Concertation des Collectifs des Associations Féminines de la région des Grands Lacs (COCAFEM/GL), qui a misé sur la participation de ces femmes venant du Burundi, de la RDC et du Rwanda dans les échanges de haut niveau. Mme Joséphine Malimukono a ainsi appelé à la tenue d’une session spéciale sur la situation des Grands Lacs à laquelle «nous pourrons, en tant que femmes, présenter notre agenda pour la paix et la sécurité ».
Les membres du Conseil de sécurité ont insisté sur le rôle central des initiatives de paix régionales en cours et sur la nécessaire cessation des activités de tous les groupes armés agissant dans la région pour l’exploitation illégale des ressources naturelles. C’est une des sources du conflit, ont-ils reconnu, l’Équateur, la Suisse et le Japon soulignant que cette activité illégale compromet en outre les efforts de développement menés dans la région. Les A3 (Gabon, Ghana et Mozambique) ont appelé à faire taire les armes et à avancer dans le processus de paix en cours, par une coordination entre les initiatives politiques et militaires en RDC.
Kigali et Kinshasa doivent engager un dialogue et instaurer la confiance, ont aussi plaidé les Émirats arabes unis. La France, rejointe par Malte, a recommandé d’inclure dans ce dialogue le respect des principes cardinaux de l’Accord-cadre, c’est-à-dire l’absence de soutien aux groupes armés; le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale des États voisins; et l’engagement à ne pas héberger ni fournir de protection aux personnes accusées de crimes et de violations du droit international. Il faut mettre à contribution les processus de Luanda et de Nairobi pour encourager les groupes armés à renoncer à la violence par le biais du dialogue, a suggéré le représentant chinois. Pour les États-Unis et la Suisse, les parties doivent d’abord honorer les engagements issus du communiqué de Luanda et faire notamment en sorte que le M23 opère un désengagement, après un cantonnement et un désarmement.
La Fédération de Russie, qui défendait également lesdits processus et l’engagement de l’Union africaine, a replacé le débat dans le contexte des plans de reconfiguration et de retrait progressif de la MONUSCO. La délégation russe a souhaité que l’on tienne compte de l’évolution de la situation sur le terrain en agissant « étape par étape » et de façon responsable. Le Royaume-Uni a encouragé le Gouvernement de la RDC à s’engager de manière constructive pour garantir ce retrait responsable, alertant qu’un départ précipité de la Mission créerait un vide sécuritaire.
Avec un.org