Un journaliste congolais a été interpellé et était interrogé mardi comme témoin à propos d’une vidéo du meurtre de deux experts des Nations unies en mars 2017, rapporte l’AFP, citant le parquet militaire de Kinshasa. Le 12 mars 2017, l’Américain Michael Sharp et la Suédoise d’origine chilienne Zaida Catalan, deux jeunes experts missionnés par l’ONU pour enquêter sur des violences dans l’espace Kasaï, ont été tués.
Une trentaine de personnes sont accusées d’avoir participé à ce meurtre. Mais le procès ouvert le 5 juin 2017 piétine. L’ONU a désigné un expert judiciaire pour accompagner la justice militaire congolaise.
Sosthène Kambidi, correspondant de l’AFP et du média congolais en ligne actualite.cd à Kananga, chef-lieu du Kasaï-central, a été arrêté à Kinshasa dans sa chambre d’hôtel dans la nuit de lundi à mardi.
En fin d’après-midi mardi, il était «interrogé en visio-conférence par le mécanisme de suivi des attentats des Nations Unies comme renseignant (témoin, ndlr) parce que son nom a été cité par deux autres témoins», a déclaré à l’AFP un haut responsable du parquet militaire congolais.
«Pour la justice militaire congolaise, le journaliste Sosthène Kambidi est un renseignant important parce qu’il a été parmi les premières personnes qui détenaient la vidéo du meurtre de Zaida Catalan et Michael Sharp », a ajouté ce haut magistrat militaire.
Le journaliste « doit dire à la justice qui lui a remis la vidéo, comment il l’a obtenue», a insisté la source. «Était-il témoin direct? Était-il en contact avec ceux qui avaient tué les deux experts? Était-il lui-même acteur? Il nous faut des réponses », a insisté le haut magistrat militaire.
A la question de savoir ce que fera le parquet militaire si le journaliste refuse de livrer ses sources, le haut magistrat a refusé de faire des commentaires.
Rappel des faits
Le 12 mars 2017, des assaillants ont sommairement exécuté Zaida Catalán, une Suédoise, et Michael Sharp, un Américain, alors qu’ils documentaient, pour le compte du Conseil de sécurité de l’ONU, de graves violations des droits humains perpétrées dans la province du Kasaï Central. Les casques bleus de l’ONU ont retrouvé leurs corps deux semaines plus tard près du village de Bunkonde. Leur interprète congolais, Betu Tshintela, est toujours porté disparu, de même que les trois chauffeurs de moto qui les accompagnaient – Isaac Kabuayi, Pascal Nzala et Moïse (nom de famille inconnu). Le procès d’une cinquantaine de prévenus, s’est ouvert en juin 2017 devant un tribunal militaire de Kananga, la capitale provinciale, et une équipe spécialisée de l’ONU, le Mécanisme de suivi, y apporte soutien et conseil.
A l’époque, le gouvernement Kabila avait rapidement imputé ces meurtres à la milice Kamuina Nsapu. Mais un nombre croissant de preuves a mis en évidence le rôle de responsables de l’Etat, notamment grâce aux enquêtes menées par Human Rights Watch, aux reportages de Radio France Internationale (RFI) et de Reuters, ainsi qu’une investigation conduite par un consortium de médias internationaux connue sous le nom de « Congo Files ».
Selon la version officielle des autorités de l’époque, Michael Sharp et Zaida Catalan ont été tués par des miliciens de la secte Kamuina Nsapu, alors en guerre contre l’armée régulière. Le conflit a fait 3.400 morts et des dizaines de milliers de déplacés entre septembre 2016 et mi-2017 dans la région du Kasaï.
Econews avec AFP