Une couche d’argile dans le cratère du volcan McDermitt, aux Etats-Unis, pourrait contenir 20 à 40 millions de tonnes de lithium. Un record. Mais si la carte des ressources de ce métal abondant se dessine encore, monter des mines n’est ni simple, ni rapide. Ramenée dans le contexte de la République Démocratique du Congo, cette découverte relègue au second plan l’intérêt pour le site de Manono qui regorge également d’un important gisement de lithium. Le site de Manono, censé être assuré par l’Australien AVZ dans le cadre de la joint-venture Dathomin, est pris en otage par des décisions en contre-sens de Kinshasa. A Manono, tout est à l’arrêt, alors qu’à travers le monde, les découvertes de gisements de lithium s’enchaînent.
Des volcanologues ont découvert ce qu’ils pensent être le plus grand gisement de lithium au monde dans l’ouest des États-Unis. Cette découverte est évidemment très importante pour les États-Unis et l’après- pétrole, à l’aube de la révolution électrique…
La nouvelle a tout ce qu’il faut de spectaculaire. Le plus grand gisement de lithium du monde aurait récemment été découvert sur la côte ouest des Etats-Unis. Plus sensationnel, voire hollywoodien : ce dernier est composé d’un type de minerai, encore non exploité, localisé dans un gigantesque cratère volcanique formé il y a 16 millions d’années, la caldeira de McDermitt.
Sur la base des sondages et relevés réalisés, ses roches renfermeraient jusqu’à 120 millions de tonnes de lithium, soit douze fois plus que les salines de Bolivie, jusqu’à présent considérées comme le plus grand gisement de lithium au monde. De quoi dépasser le plus grand réservoir connu : le salar d’Uyuni en Bolivie, et ses 10,2 millions de tonnes. Un chiffre qui a mis l’industrie en éruption.
Le vieux volcan permettrait donc de répondre à la demande mondiale pendant des décennies.
La nouvelle donne
Les constructeurs automobiles jouent des coudes pour sécuriser cet ingrédient critique de leurs batteries électriques, et l’annonce provient d’une des entreprises minières reconnues et déjà présente sur le site, Lithium Americas, qui s’est payé le luxe de publier ses résultats via un article scientifique dans le prestigieux journal Science Advances.
Le lithium fait partie de ces matériaux dont tout le monde aimerait disposer à l’infini tant il est indispensable à la transition énergétique, puisqu’il est l’un des composants essentiels des batteries pour les voitures électriques.
Selon les prévisions actuelles, il faudra environ un million de tonnes de lithium pour répondre à la demande mondiale d’ici à 2040, soit huit fois plus que la production totale de l’année dernière. En plus, c’est la Chine qui domine le marché : elle raffine aujourd’hui sur son sol 60 % du lithium mondial, contrôle 77 % des capacités de production de cellules de batterie et 60 % de la fabrication mondiale des composants de batteries.
Argiles chargées de lithium
«Cette zone volcanique est connue depuis longtemps, contextualise Gaétan Lefebvre, géologue chargé de l’intelligence minérale au Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) et auteur d’une récente note sur le sujet pour le compte de l’Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi). La caldeira McDermitt s’étend sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés de superficie et compte déjà deux gisements bien identifiés dans la zone Sud : celui de Thacker Pass, développé par Lithium Americas, ainsi qu’un autre porté par Jindalee Resources.»
Dans les deux cas, des années d’exploration, de forages et d’études ont permis de prouver que les gisements font partie des plus grands des Etats-Unis.
Tous les indices
Selon les études publiées par Lithium America (qui porte aussi un grand projet de lithium issu de saumures en Argentine, Cauchari-Olaroz), Thacker Pass pourrait contenir 3 millions de tonnes de lithium (sous forme élémentaire, ce qui correspond à plus de 16 millions de tonne de carbonate de lithium, le composé chimique utilisé pour les batteries), dont 695 000 tonnes sont des réserves économiquement exploitables, rappelle le géologue du BRGM. Un trésor qui a convaincu le constructeur automobile General Motors d’investir 650 millions de dollars US en début d’année.
De son côté, Jindalee Resources parle de 2,1 millions de tonnes de lithium… Mais tout l’enjeu de l’étude scientifique a été de clarifier les mécanismes géologiques ayant abouti à une telle richesse minérale, et de les extrapoler à toute la zone, au moment même où les Etats-Unis cherchent des sources domestiques de lithium.
«Le lithium est un élément chimique très léger, ce qui favorise son lessivage, son transport et sa concentration. Ici, la source d’origine volcanique, combiné à l’activité de fluides hydrothermaux en profondeur ont contribué à sa sédimentation dans un lac volcanique et à sa concentration au sein d’argiles, une famille de minéraux compliquée, mais qui a une capacité d’absorption énorme», résume Gaétan Lefebvre. Ce processus en deux étapes, détaillé par Lithium America, a donné naissance à une forme d’argile particulière, nommé illite. D’aspect meuble, elle contient d’importantes quantités de lithium à de faibles profondeurs, ce qui limite le travail d’excavation nécessaire, souligne l’entreprise américaine.
Comme le note l’Ofremi, les teneurs de l’illite découverte par Lithium Americas sont deux fois plus élevées que celles des argiles classiques de la zone, avec 1,3 à 2,4% de lithium. Autres avantages : l’illite est relativement facile à séparer des autres minéraux grâce à des opérations de centrifugation avant dissolution dans de l’acide sulfurique pour obtenir la pureté requise pour servir à produire des véhicules électriques.
Un élément relativement abondant
De quoi changer la donne sur le marché américain ? «L’annonce ne sort pas du tout de nulle part, elle apporte des éléments chiffrés à partir de travaux anciens, c’est d’ailleurs pour cela que c’est du sérieux», note Gaétan Lefebvre.
Prudent, il rappelle qu’il faut différencier les ressources identifiées (caractérisant un potentiel), des réserves exploitables économiquement. Les besoins en eau et les oppositions locales, notamment de peuples autochtones qui luttent déjà contre la mine de Thacker Pass (dont les autorisations administratives ont été validées début 2023), peuvent aussi limiter l’activité industrielle. Par exemple, le projet de Rio Tinto de Jadar en Serbie – qui voulait exploiter un argile similaire baptisé jadarite – n’a pour l’instant pas vu le jour, malgré son potentiel.
«Les ressources et les réserves évoluent chaque année. Le lithium est abondant et il y a d’autres zones dans le monde où l’on sait qu’il y a un potentiel. Avec des travaux d’exploration supplémentaires, d’autres gisements considérables pourraient être découverts», rappelle le géologue. En Australie, en République Démocratique du Congo, ou même en Inde, des travaux d’explorations en cours pourraient mettre à jour d’importantes quantités de lithium. Et battre à nouveau les cartes de cette filière, dont la production doit être multipliée par 10 d’ici 2040 pour ne pas dépasser la barre des 1,5°C à la fin du siècle, estime l’Agence internationale de l’énergie.
L’exploitation pourrait démarrer en 2026
Indépendance. «Le développement d’une chaîne d’approvisionnement durable et diversifiée pour atteindre les objectifs en matière d’énergie à faible émission de carbone nécessite l’exploitation des ressources de lithium à la teneur la plus élevée avec les ratios déchets/masse de minerai les plus faibles afin de minimiser le volume de matière extraite de la Terre», soulignent les auteurs de l’étude.
«Les ressources en lithium des sédiments volcaniques sont susceptibles de répondre à cette exigence, car il s’agit généralement de gisements peu profonds, à fort tonnage et à faible ratio déchets/masse de minerai », ajoutent-ils.
L’exploitation pourrait démarrer en 2026. Ce serait vraiment spectaculaire. Les Etats-Unis ont quasiment doublé leur budget d’exploration pour le lithium entre 2021 et 2022, motivés par la volonté d’indépendance vis-à-vis de la Chine concernant l’approvisionnement en métaux stratégiques.
Le but pourrait être atteint. L’idée d’exploiter un tel gisement est cependant déjà contestée par des organisations environnementales et par deux tribus d’Amérindiens pour lesquelles la région du super-volcan est sacrée.
Econews