L’enlisement du conflit interethnique qui sévit dans le Grand Bandundu entre les communautés Teke et Yaka est finalement remonté jusqu’au plus sommet de l’Etat. Samedi, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a engagé des consultations avec les autorités coutumières. Objectif : désamorcer le plus rapidement possible cette bombe. De plus en plus, on soupçonne une «main noire» derrière le conflit qui sévit dans la province de Mai-Ndombe.
Le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a reçu, samedi à la cité de l’Union africaine, une délégation des chefs traditionnels Teke et Yaka, en conflit de terres dans le territoire de Kwamouth (province de Maï-Ndombe). Cette délégation a été conduite par le grand chef traditionnel Suku, Fabrice Mini Kongo Kavabioko Zombi, mandaté dernièrement par le Président de la République pour servir de médiateur dans le conflit opposant les deux tribus, pour un retour à la paix et à une cohabitation pacifique entre les deux communautés, rapporte une dépêche de la Présidence de la République.
Dans sa mission de pacification, le grand chef mini Kongo dit avoir été informé de la présence d’une «main invisible» derrière ce conflit qui a occasionné mort d’hommes et d’importants dégâts matériels. Aussi, a-t-il interpellé la classe politique, notamment les députés de cette partie du pays, à «ne pas s’ériger en tireurs de ficelles, pour allumer davantage le feu».
Pour sa part, la ministre près le Président de la République, Nana Manwanina, qui a accompagné ces autorités traditionnelles auprès du Chef de l’État, a fait savoir que des avancées pour la résolution de ce conflit sont très significatives, ajoutant que le Président de la République, qui s’est impliqué personnellement pour une solution définitive à ce conflit, attend les desiderata des uns et des autres dans les meilleurs délais.
En attendant, tous ces chefs traditionnels ont été sommés de rester à Kinshasa jusqu’à ce qu’ils se mettent totalement d’accord avec la bénédiction du Chef de l’État.
Origine du conflit
Ce conflit interethnique, causé par des différends sur les redevances coutumières à verser aux autorités locales issues de la communauté Teke – qui s’estime première occupante des lieux – aux Yaka, non-originaires de la région, dure depuis près de deux mois. Les Teke se considèrent comme originaires et propriétaires des villages situés le long du fleuve Congo sur une distance d’environ 200 kilomètres. Les Yaka sont venus s’installer après.
Près de 70 personnes, dont des militaires et des policiers, ont été déjà tuées dans ces affrontements et des centaines de maisons ont également été incendiées.
Les provinces voisines du Kwango et du Kwilu ont accueilli respectivement plus de 18.000 et plus de 4.000 déplacés fuyant les affrontements entre les Teke et les Yaka, selon la presse congolaise.
Début août, les membres des communautés Teke et Yaka se sont affrontés à l’arme blanche, notamment dans la cité de Kwamouth, à une centaine de kilomètres de la capitale, Kinshasa.
Pour Fidèle Lizorongo, membre de la Société civile de la province de Maï-Ndombe, le recours à la justice aurait été plus efficace que le recours à la force.
«Le vrai conflit entre les Teke et les Yaka est né d’une brutale exigence de redevance que les Teke ont demandée aux Yaka », expliquait-t-il. Et d’ajouter : «Cela est passé de cinquante mesurettes de maïs à 150 mesurettes et d’un sac de cossette de manioc à cinq sacs. Mais du moins, il me semble que les Yaka n’auraient pas dû faire la guerre mais ils devaient en principe saisir la justice pour qu’elle puisse les départager ».
La situation entre les Teke et les Yaka est complexe et difficile à décortiquer, estimait, pour sa part, le député Guy Mosomo. Cet élu du territoire de Kwamouth, où se déroulent les conflits, soupçonnait une instrumentalisation du conflit.
«Lorsque nous sommes allés à Kwamouth avec la délégation gouvernementale, racontait Guy Mosomo, dans le groupe que nous avons reçu, ils nous ont tous dit qu’ils ne comprenaient pas la situation parce que les Teke et les Yaka ont toujours vécu ensemble, il y a eu des mariages entre les deux communautés. Mais le fait que certains prennent des armes pour s’attaquer aux Teke, ils ne le comprennent pas. La situation s’est enlisée à un moment mais maintenant il y a une certaine stabilité parce que les auteurs des massacres sont en train d’être arrêtés. Aujourd’hui par exemple, on en a arrêté quelques-uns vers le village Mibe, ils sont à la police de Mashambio ».
Sur place, Rita Bola, fraîchement élue gouverneure de la province, est revenu au micro de la DW sur les problèmes auxquels elle a dû faire face depuis sa prise de fonction : «Pour moi, la première des choses c’était d’entendre les vraies causes et de faire agir le gouvernement central. Nous ne sommes ni la police ni l’armée. Politiquement, nous venons rétablir la paix pour qu’elle puisse perdurer. A l’heure actuelle, les gens sont en train de retourner dans leurs villages ».
La province de Mai-Ndombe avait été, auparavant, victime des conflits communautaires fin décembre 2018, dans le territoire de Yumbi. Les violences qui avaient opposé les membres des ethnies Tende et Nunu avaient causé la mort des centaines de personnes et poussé des centaines de milliers d’autres à l’exil au Congo voisin.
Econews