Moïse Moni Della : « Kabila et Tshisekedi, deux faces d’une même pièce ? »

N’ayons pas la mémoire courte. Je ne comprends pas la tendance à la mode aujourd’hui qui consiste à sanctifier Joseph Kabila et à diaboliser Félix Tshisekedi. Je peux comprendre que les gens disent : Avant Kabila égal après Kabila, comme disait le Général Janssens : Avant l’indépendance est égal à l’après indépendance.
Nous ne devons pas avoir la mémoire courte et oublier tous les crimes politiques et économiques perpétrés par Kabila et sa famille, ses partisans et courtisans.
Albert Yuma, PCA de la Gécamines, nous a révélé comment le pays était saigné à blanc par le régime de Kabila qui a bradé ses richesses minières.
Les enquêtes de RFI et France 24 ont démontré plusieurs fois combien la RDC sous Kabila a été vendue à vil prix. L’ancien vice-président américain Al Gore vient d’affirmer dans un livre que la RDC a vendu plus de la moitié de sa forêt et de ses terres. Je ne sais pas si les gens réalisent un tel crime. On peut tout vendre mais pas la terre de nos ancêtres.
Ce scandale a été produit sous le règne de Kabila. Je suis témoin oculaire et auriculaire du bradage d’une société minière de l’État, en tant qu’ancien mandataire de la Sodimico (Société de développement industriel et minier du Congo), une ancienne filiale de la Gécamines aujourd’hui en faillite à cause de Kabila et ses acolytes que j’avais dénoncés, occasionnant mon éviction abusive.
Je suis également témoin oculaire et auriculaire des massacres à grande échelle perpétrés sous les ordres de Kabila et exécutés d’une manière chirurgicale, criminelle, sans état d’âme par le général de pacotille, de façade et de parade Amisi Kumba, dit « Tango Four », le 19 septembre 2016 dans la ville de Kinshasa. J’ai arpenté huit couloirs de la mort après un traitement inhumain et dégradant avant d’être jeté comme un animal à la prison de Makala que je qualifie, dans un ouvrage en chantier, de « La République de Makala, une prison au service d’un pouvoir ».
Plusieurs combattants de forces politiques et sociales de l’époque ont été arrêtés, torturés et tués comme des mouches, plus particulièrement ceux du CONADE, du MLP et surtout de l’UDPS dont certains étaient même calcinés au siège de Limete. Pour ces crimes de sang, crimes contre l’humanité, tous indescriptibles, j’ai porté plainte à la Cour constitutionnelle et fait la dénonciation à la Cour pénale internationale.
Alors, en quoi Kabila est-il saint aujourd’hui pour le regretter jusqu’à souhaiter son retour ? Si tel est le cas, cela voudrait tout simplement dire que les Congolais que nous sommes avions une mémoire très courte. Un peuple sans mémoire est un peuple sans espoir, sans avenir. C’est ce qui explique d’ailleurs la répétition des crimes par les pouvoirs successifs, comptant sur l’amnésie collective. « Bakomesana ! »
Il est vrai que nous qui avions lutté contre les antivaleurs des régimes de Mobutu et des Kabila père et fils, sommes déçus de voir qu’un de notre Félix Tshisekedi, de surcroît fils de notre père politique, l’un des treize parlementaires, défenseur acharné de la démocratie, de l’État de droit et du bien-être du peuple congolais, ne pas apporter le changement tant attendu. Le clientélisme, le népotisme, le favoritisme, le sectarisme, la coterie tribale, la corruption, la concussion, le trafic d’influence, les détournements des derniers publics ont la peau dure aujourd’hui comme hier. Mais ses égarements ne sont pas à comparer à ceux de son prédécesseur. Bien que les scandales déplorés sous Kabila persistent. On peut même remonter le temps jusqu’à l’époque de Mobutu sauf qu’à cette époque, il n’y avait pas des autoroutes de l’information comme les réseaux sociaux aujourd’hui. Les rétro-commissions que le président de la République avait classés sur la liste de non- illégales dans une émission mémorable sur France 24 et TV5 Monde se pratiquaient aussi par Kabila et son entourage. L’acte posé par le conseiller du président en matière stratégique, Vidiye Tshimanga, est certes condamnable mais c’est une goutte d’eau dans l’océan de la corruption, l’une des raisons qui découragent les investisseurs. Ce qui se passe ailleurs se passe en RDC, mais ce qui se passe en RDC ne se passe nulle part ailleurs.
Le développement étant un processus cumulatif, la destruction l’est aussi. La destruction de la RDC a commencé avec Mobutu en passant par les Kabila et Félix est le continuateur de cette sale besogne.
On ne peut pas avoir la mémoire courte jusqu’à oublier la répression des Lumumbistes, des 13 parlementaires, des fondateurs, co-fondateurs, pionniers et combattants de l’UDPS par les régimes de Mobutu.
Imputé la destruction du pays à un seul président et son régime serait injuste et subjectif. On est face à une œuvre successive. Les responsabilités sont partagées à tous les niveaux, à des degrés différents.
Moïse Moni Della
Porte-parole du peuple, président de Conade et co-fondateur de l’UDPS