La procédure de levée d’immunité de l’ancien président Joseph Kabila, sénateur à vie, divise les institutions congolaises. Alors que l’auditeur général des FARDC a contourné la voie constitutionnelle normale en saisissant directement le Sénat pour «urgence», une commission ad hoc doit trancher ce dossier hautement politique. Entre respect des procédures (requérant un vote des 2/3 du Parlement réuni en Congrès) et demande de célérité judiciaire, la décision attendue cette semaine pourrait marquer un tournant dans la vie politique nationale. Tous les regards sont braqués sur la chambre haute dont le verdict risque d’embraser ou d’apaiser le climat politique.
Le Sénat congolais se trouve au cœur d’une bataille institutionnelle et politique alors qu’une commission ad hoc a été mise en place pour examiner la demande de levée d’immunité de l’ancien chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, visé par des accusations portées par l’auditeur général des Forces armées de la RDC (FARDC).
Si la Constitution prévoit clairement les modalités de levée d’immunité d’un sénateur – notamment celle d’un ancien président de la République jouissant du statut de « sénateur à vie» –, la démarche engagée par l’auditeur général des FARDC suscite des interrogations. Ce dernier a en effet contourné la procédure classique, qui exige normalement la réunion en Congrès des deux chambres du Parlement et un vote à la majorité des deux tiers, pour saisir directement le Sénat en invoquant «l’urgence» de l’affaire.
Cette approche accélérée, perçue par certains comme une manœuvre politique, pourrait être contestée, d’autant que le dossier de Joseph Kabila, bien que juridique dans sa forme, est largement analysé sous un angle politique. Les partisans de l’ancien président de la République dénoncent une instrumentalisation de la justice, tandis que ses détracteurs estiment que personne ne devrait être au-dessus des lois.
QUEL SCENARIO POUR LE SENAT ?
La commission ad hoc, dont la décision est attendue dans les prochains jours, devra trancher entre deux options : valider la procédure d’urgence et permettre l’ouverture d’un procès contre Joseph Kabila, ce qui marquerait un tournant sans précédent dans la vie politique congolaise; exiger le respect strict de la Constitution, renvoyant ainsi le dossier devant le Congrès (Assemblée nationale + Sénat), une procédure plus longue et incertaine.
Dans les couloirs du Sénat, les tractations seraient intenses, chaque camp tentant d’influencer le vote. Certains sénateurs, proches du pouvoir actuel, plaident pour une levée rapide d’immunité, tandis que d’autres, fidèles à Kabila, dénoncent une tentative de «persécution judiciaire».
UN PRECEDENT DANGEREUX OU UNE NECESSITE POUR L’ÉTAT DE DROIT ?
Au-delà du cas spécifique de Joseph Kabila, cette affaire pose une question fondamentale : jusqu’où peut-on aller dans la mise en cause judiciaire d’un ancien chef d’État sans risquer une instrumentalisation politique de la justice ?
Si la levée d’immunité est actée, elle pourrait ouvrir la voie à d’autres procédures contre des figures politiques de haut rang. À l’inverse, un rejet de la demande de l’auditeur général des FARDC pourrait être interprété comme une protection des élites contre les poursuites judiciaires.
Quelle que soit la décision du Sénat, elle risque de provoquer des remous. Si Joseph Kabila est effectivement mis en accusation, ses soutiens pourraient réagir vigoureusement, y compris par des mobilisations. À l’inverse, un blocage de la procédure pourrait alimenter les critiques sur l’impunité des dirigeants.
Hugo Tamusa