Lithium de Manono : les dessous du parcours d’AVZ International, Green Lithium et Dathcom Mining SA

Il faut remonter à l’histoire pour comprendre le plan mis en place par certains Congolais pour déclasser l’Australien AVZ de Dathcom Mining au détriment des populations de Manono, de l’industrie congolaise du lithium et de la Zone Spéciale Economique de Manono. Décryptage.
La création, annoncée avec pompe par le Chinois Zijin Mining, de «Manono Lithium» a eu l’effet d’une bombe dans l’industrie minière de la République Démocratique du Congo. Que reste-t-il de la joint-venture Dathcom dans laquelle l’Australien AVZ est majoritaire à côte de Cominière, une entreprise du Portefeuille de l’Etat et de Dathomir ? Le suspense est bien réel.

Au commencement…
En effet, une référence rapide à la structure de l’entreprise révèle ceci : AVZ Minerals Limited est l’entité mère établie en Australie et cotée à l’ASX (Bourse d’Australie) ; AVZ International Pty Ltd est une filiale détenue à 100 % par AVZ Minerals, constituée pour détenir la participation directe dans Dathcom Mining SA, la coentreprise détenue à 75 % par AVZ après l’achat de 15% de Dathomir selon un contrat commercial liant les parties ; Green Lithium Holdings, établie à Singapour, est une filiale détenue à 100 % par AVZ Minerals et doit être utilisée pour l’investissement dans le développement du projet Manono;
De ce fait, Dathcom est l’entité de coentreprise constituée en RDC, à l’origine par Dathomir et Cominière, détenue aujourd’hui à 25% par Cominière et à 75 % par AVZ Minerals International.
Dans le cadre de l’accord de coentreprise avec Cominière, le groupe AVZ est responsable de la gestion et du financement de toutes les activités du Permis minier,a dépensé à ce jour plus de 110 millions de dollars dans le projet et l’a amené à la phase de construction en un temps record. L’Etude de Faisabilité Définitive (ou Definitive Feasability Study – DFS) qui doit être déposée au cours de la 4e année suivant la période initiale de l’octroi du Permis l’a été à la troisième année et a reçu tous les avis techniques favorables exigés par le Code minier.
Pour y parvenir, AVZ a travaillé avec les différents services gouvernementaux dont quelques ministères dont les plus concernés sont les suivants :
Du côté du ministère des Mines, l’on apprend que l’exploration à partir de 2017 a fait part de l’établissement des ressources présumées, indiquées et mesurées et enfin au calcul des réserves qui ont défini la taille et le classement mondial du gisement par AVZ. La réalisation et la publication de l’étude de faisabilité et des études environnementales par AVZ ont été finalisées en avril 2020, suivi du dépôt des études de faisabilité et environnementales en mai 2021.
De ce fait, la société Dathcom Mining SA a scrupuleusement suivi les exigences du Code minier congolais tel que modifié le 9 mars 2018.
Sur papier, Dathcom Mining SA a cru aux écrits et à l’esprit du Code minier congolais lorsque le législateur rassure que la procédure d’octroi des mines et de délivrance des titres miniers et de carrières doit se dérouler « en toute transparence, objectivité, efficacité et rapidité dans les processus de réception, d’instruction, de décision et de notification».
A cet effet, la requérante avait introduit sa demande de droits miniers auprès du Cadastre minier (CAMI) dans le strict respect des procédures prévues aux articles 35 (les documents à déposer), 36 (les dossiers ont été déposés en français), 37 (paiement des taxes de dépôt), à l’article 71 du Code minier congolais et aux autres dispositions de son Règlement minier.

…puis vinrent les ennuis
C’est avec la publication de l’étude de faisabilité que les ennuis commencent pour AVZ en pleine ère de «l’énergie verte» et en essayant de développer l’un des plus grands gisements de lithium qui intéressent les puissants et les sans scrupules de cette terre.
La demande de conversion du PR13359 en PE ne se déroule pas sans heurts et AVZ s’en rend compte très rapidement après être passée par deux étapes importantes du processus, notamment des avis favorables pour les aspects environnementaux et cadastraux.
Quant à l’aspect technique, dernière étape avant la conversion, le premier obstacle est sérieusement posé par le partenaire représentant l’État. Nous sommes déjà en décembre 2021.
Puis vint le revirement lorsqu’à l’insu d’AVZ, l’associé, représentant l’Etat congolais, en l’occurrence Cominière, écrivit chef de service pour lui dire de ne pas donner d’avis favorable car l’étude de faisabilité contenait, selon lui, des faits erronés.
« Le chef du département nous en a informés parce que nous n’étions pas en copie et a finalement organisé une réunion tripartite entre son département, AVZ et le partenaire représentant l’Etat. Ce dernier n’est pas partant et s’excuse. Le jour de la rencontre, AVZ se présente et apprend que le partenaire s’est excusé », a fait part le collectif des avocats d’AVZ.
Il se fait que le partenaire étatique, en l’occurrence Cominière, s’est plaint essentiellement qu’AVZ n’avait pas exploré toute l’étendue de la concession minière du PR13359. « C’est d’autant plus vrai que Dathcom a effectué une première reconnaissance, un échantillonnage et une cartographie de l’ensemble du permis, suivis d’une excavation plus poussée des puits et des tranchées, et a concentré sa campagne de forage dans le sud, où l’on disposait de la plupart des connaissances géologiques provenant des activités minières historiques. Entre parenthèses, l’exploration minière d’une concession minière ne se fait pas dans son intégralité, les exemples en sont nombreux car il est nécessaire de renouveler les réserves qui sont consommées par l’exploitation minière actuelle », notent les experts proches de ce dossier.
Pour aller de l’avant, le directeur du Département des mines au secrétariat général aux Mines a proposé une issue à cette première crise. Il a donc proposé par écrit que le Permis d’exploitation (PR) soit divisé en deux, soit un PE dans la partie Sud et un PR (Permis de recherche) dans la partie Nord.
« Cela a été fait plus tard mais n’a pas été officiellement annoncé car Dathcom Mining SA n’a reçu aucune notification », révèle le collectif des avocat de l’entreprise australienne. Et de préciser : « Le lendemain de la proposition écrite, le directeur-chef de l’administration des Mines a quitté son poste … Une première indication qu’il y avait une sorte de manipulation derrière le gros plan des opinions populaires ».
Et de préciser : « La deuxième scène du projet est la proposition venant de sa hiérarchie selon laquelle nous devons abandonner la partie nord pour que la partie sud soit convertie en PE parce que le gouvernement voudrait aller vers d’autres investisseurs, autres qu’AVZ. Cependant, il y a eu plusieurs discussions à ce sujet avec plusieurs interlocuteurs ‘mandatés par le gouvernement’. L’une de ces variantes proposées par AVZ était qu’AVZ reste dans la partie nord de la coentreprise en injectant 20 millions de dollars dans l’exploration, car la société comprenait mieux que quiconque la géologie de la région après son expérience de près de quatre ans après le forage dans la roche dure (en bas) et la carrière orientale (encore à ses débuts) pour accélérer le processus d’exploration jusqu’à l’étude de faisabilité, en conservant 60-65% AVZ et 35%-40% du Gouvernement », avant de révéler : « Il n’y aura pas de suivi de cette proposition ».

La contre-attaque
Dans tous les cas, Dathcom Mining SA revendique l’ensemble du périmètre de 221 parcelles minières parce qu’il s’agit d’une expropriation en bonne et due forme.
L’intransigeance d’AVZ finira par révéler le pot-aux-roses, justifiant toutes les hésitations du Gouvernement à faire avancer le projet d’exploitation du lithium de Manono.
Finalement, ce qui se passait derrière le rideau s’est matérialisé avec l’apparition d’une filiale de Zijin, au regard de sa proposition d’acheter 15% des 25% des parts du partenaire représentant l’Etat congolais en défiant le droit de préemption d’AVZ au sein de la société Dathcom Mining pour participer au développement du fameux gisement de Manono. Le processus de respect du droit de préemption d’AVZ n’a pas été respecté.
Au-delà de cet aspect, l‘Inspection générale des Finances (IGF) est impliquée dans son enquête sur cette transaction.
Les conclusions de l’IGF sont connues du public : «Au nom de l’obtention des moyens d’exploitation, Cominière a vendu 15% des 25% de ses parts dans Dathcom Mining. Pour IGF, cette vente d’actifs miniers autorisée par le Ministère du Portefeuille est faite en violation des dispositions légales. La responsabilité pénale de la direction de Cominière ainsi que celle du Ministère du Portefeuille sont établies, les irrégularités constatées : empiètement sur les prérogatives de l’organe technique du gouvernement dans le choix des experts indépendants chargés de l’évaluation des 15% des actions cédées, valeur vénale des 15% des actions de Cominière SA dans Dathcom Mining vendues à Zijin MINING, dilapidation totale de USD 33,4 millions du produit de la vente des 15% des actions de Cominière dans Dathcom. Tout cela laisse imaginer la motivation du bradage : la quête d’argent par Cominière ».
Une procédure qui énerve les avocat d’AVZ qui estiment que « conformément à l’article 11 de la loi sur le désengagement, l’évaluation des actifs doit se faire par des experts indépendants sous la responsabilité de l’organe technique du gouvernement, qui est en l’occurrence la COPIREP (Comité de Pilotage pour la Réforme des Entreprises Publiques) qui est un organe de l’Etat », notant que « par ailleurs et contrairement à ce que Cominière déclare, le rapport de l’IGF note que la cession de 5% de Cominière à Dathomir à titre de prêt afin que cette dernière puisse lever des fonds pour rénover les infrastructures est irrévocable et non temporaire. L’IGF a noté que cette cession était définitive sans considération. Encore une irrégularité !».
Il est à noter que nous avons ici deux partenaires de Dathcom Mining, à savoir Cominière et Dathomir, qui n’ont pas été très efficaces dans l’avancement du projet pendant la période d’exploration et de recherche, avant et après l’arrivée de AVZ dans Dathcom. «Ces partenaires sont devenus plutôt nuisibles et avides d’argent dès la publication de l’étude de faisabilité dans le but de nuire à AVZ en utilisant des instruments étatiques, du trafic d’influence pour gagner là où ils n’ont rien investi comme il en est du cas de Dathomir», commentent les avocats d’AVZ.
Ce genre de plan machiavélique a été renforcé avec la coalition des partenaires minoritaires Dathomir Mining Resources, Cominière et le soi-disant nouveau venu, le Chinois Zijin, dont des actes aux allures coordonnées contre AVZ et Dathcom en disent plus, spécialement marqués par les faits ci-après : « résiliation du contrat d’achat par AVZ des parts de Dathomir, résiliation du contrat de JV, rapport de la partition de la PR13359, dissolution de la société Dathcom Mining, le recouvrement de l’ensemble des carrés du permis PR13359 par Cominiere par l’intermédiaire du tribunal de Kalemie tels que récemment enregistrés au Cadastre minier, etc. Et plus récemment, l’attribution de la partie nord du Permis de Recherche de Dathcom Mining à titre de PR15775 à Manono Lithium SAS, une nouvelle joint-venture créée entre Jinxiang Lithium Limited (‘Jinxiang Lithium’, filiale étrangère de Zijin Mining Group Co., Ltd) et La Congolaise d’Exploitation Minière (‘’COMINIÈRE’’), dans laquelle Jinxiang Lithium détient une participation de 61 % et Cominière détient la participation restante de 39 % ».
Des révélations, recoupées par Econews, ont finalement prouvées que « la partie nord (125 carrés miniers) était l’objectif ultime des chinois quels que soient les moyens utilisés, tandis que la partie sud (96 carrés miniers) fait l’objet d’un avis de force majeure. Tout est totalement illégal. Ainsi, AVZ, Green Lithium et Dathcom ont saisi conjointement le Tribunal de Commerce de Paris et le Centre International pour le Règlement des Litiges d’Investissement pour le règlement de l’ensemble de ces litiges dans le respect du Code minier à propos de l’arbitrage. Cependant, AVZ, Dathcom et GREEN LITHIUM restent disposés et de bonne foi à un règlement à l’amiable équitable avec les responsables étatiques en République Démocratique du Congo ».
La question importante est la suivante : Est-il dans l’intérêt de la RDC de donner un autre pilier de l’énergie verte et de la transition énergétique à un acteur chinois en RDC alors que les secteurs du cuivre et du cobalt du pays, très utilisés et recherchés par le monde entier dans le développement de l’énergie verte, restent dominés par des chinois dont Zijin, avec une réputation sulfureuse si on considère des rapports de la Société civile et des bras de fer avec Gécamines?
Tout compte fait, la politique minière cohérente oblige une diversification d’acteurs en tenant compte des équilibres géostratégiques sans ignorer les luttes commerciales et technologiques entre la Chine et l’Occident.
« L’économie minière de la RDC doit cesser d’être dangereusement dépendante de la Chine », se dit-on dans la Société civile.
Ayant décelé et compris le plan machiavélique mis en place pour déloger AVZ, le Groupe australien a désormais privilégié une double approche : Négocier en interne avec le Gouvernement congolais ou aller au tribunal à l’extérieur.
Évidemment, la première étape de l’approche pour une solution durable a préséance, comme certains peuvent le penser.
Tout dépendra de l’attitude du Gouvernement dans ce dossier qui ternit, une fois de plus, l’image de la RDC et remet totalement en cause les efforts dans l’amélioration du climat des affaires.
Dossier à suivre.
Avec Ben Nkaya pour FKF Softpress

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