L’ombre d’un glissement : Tshisekedi peu enthousiaste aux élections sans Masisi, Rutshuru et Kwamouth 

Vendredi en Conseil des ministres, le Président de la République a insisté sur la participation des électeurs de Kwamouth (Mai-Ndombe), Rutshuru et Masisi (Nord-Kivu) aux prochains scrutins, estimant que tous les Congolais avaient le droit de s’exprimer dans les urnes. Que dire de cette position du Président de la République, à moins de deux mois des élections générales de décembre prochain ? Le Chef de l’Etat préparerait-il déjà l’opinion publique à un éventuel glissement du processus électoral en cours ? Suspense !
Plus que deux nous séparent des élections générales du 20 décembre 2023. A la CENI (Commission électorale nationale indépendante), on affûte les armes pour ce quatrième rendez-vous électoral de la 3ème République.
Mais, vendredi en Conseil des ministres, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a créé la surprise en relevant qu’aucun Congolais ne devait être mis de côté dans le processus électoral en cours. A cet effet, il a insisté sur la possibilité de faire participer tous les Congolais aux élections de décembre prochain, mettant un accent particulier sur ceux vivant dans les zones en proie à l’insécurité.
Dans sa communication au Conseil des ministres, le Chef de l’Etat a fait part de «la reprise et la sécurisation des opérations électorales dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Kwamouth ».
«A quelques semaines du lancement de la campagne électorale et de la convocation des scrutins, le Président de la République tient à garantir à tous les citoyens congolais, la possibilité d’exercer l’un de leurs droits les plus fondamentaux, celui de se choisir leurs représentants», peut-on lire dans le compte-rendu du Conseil des ministres, lu à la télévision nationale par le porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya Katembwe.
«Compte tenu de l’évolution sur terrain de la situation sécuritaire, indiquant un apaisement significatif du côté de Kwamouth et une libération progressive des territoires de Masisi et Rutshuru en proie à l’agression rwandaise à travers les terroristes M23, il s’avère impérieux pour le Gouvernement et la Commission électorale nationale indépendante d’évaluer cette situation et de mettre tout en œuvre, chacun dans la limite de ses compétences, afin de permettre à nos concitoyens de recouvrer leur quiétude et de se rendre aux différents centres de vote qui devront être ouverts en prévision des scrutins », a souligné le Président de la République.
De manière spécifique, le Président de la République a instruit le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Sécurité et Affaires coutumières de «procéder au déploiement et au renforcement des effectifs de la Police nationale congolaise à Kwamouth» et «superviser », avec le vice-Premier ministre en charge de la Défense et Anciens combattants, en collaboration avec tous les acteurs nationaux et internationaux sur terrain, «le retour des populations déplacées dans les zones libérées de Rutshuru et de Masisi ».
Il est également attendu du Gouvernement la sécurisation des opérations de la CENI dans les territoires concernés moyennant une évaluation préalable de la situation, particulièrement celles relatives à l’ouverture des centres d’inscription en vue de l’enrôlement de la population et de la convocation du corps électoral pour les élections générales.
Quelles seront donc les premières conséquences du vœu exprimé par le Président de la République? Tendrait-on déjà vers un léger glissement du cycle électoral ? Comment dès lors enrôler les électeurs de Kwamouth, Rutshuru et Masisi sans réajuster le calendrier de la CENI ? Autant de questions qui restent – en tout cas pour l’instant – sans réponses, après l’intervention du Président de la République vendredi en Conseil des ministres.

Scepticisme dans la Société civile
Pendant ce temps, la Société civile ne cache plus ses craintes par rapport au non-respect de la date du 20 décembre 2023.
«Au lieu d’être la solution, les élections du 20 décembre 2023, risqueraient d’être l’élément déclencheur du chaos en RDC », a alerté récemment la Coordination nationale de la Société Civile Forces vives de la RDC. Pour la Société civile, il est quasi-impossible d’organiser les élections dans le contexte actuel.
«Dans le contexte actuel, les élections ne sont plus possibles et si par impossible il y aurait une parodie d’élections, la Société civile/Forces vives et ses partenaires se réservent le droit de mobiliser la population pour contester ouvertement le résultat qui en sortirait », indique un communiqué de cette Coordination de la Société Civile.
Ce communiqué rappelle les raisons de ses frustrations, notamment : «l’adoption cavalière de la loi organique de la CENI; la désignation frauduleuse du Président de la CENI en violation flagrante de l’article 12 de la loi organique; l’adoption non consensuelle de la Loi électorale; la nomination des personnes de la même zone linguistique aux postes ministériels directement concernés de très près du circuit électoral; la publication d’un calendrier électoral irréaliste et fantaisiste; l’absence d’un cadre de concertation formel entre la centrale électorale, les acteurs politiques et ceux de la société civile; mauvaise qualité des kits d’enrôlement; monnayage de l’enrôlement; l’absence d’un fichier électoral audité et accepté par les parties prenantes; le refus d’affichage des listes des électeurs par bureau de vote; l’opacité totale dans la gestion des budgets électoraux depuis le début (même l’IGF n’a pas produit le résultat de son inspection).»
Au vu de tous ces signaux qui ne trompent pas, la Société civile note que «Monsieur Denis Kadima ferait pire que Corneille Nangaa, au risque de perdre tous les acquis de la démocratie obtenus au prix d’énormes sacrifices des congolais.»

Econews