Présidentielle 2023 : Didier Mumengi dirigera l’équipe de campagne de Denis Mukwege

Le sénateur Didier Mumengi, désormais directeur de campagne de Denis Mukwege à la présidentielle de décembre 2023

Sénateur élu de la ville de Kinshasa, ancien ministre de la Communication sous le règne de Mzée Laurent-Désiré Kabila, Didier Mumengi dirigera l’équipe de campagne de Denis Mukwege. L’annonce a été faite dimanche à Kinshasa par Denis Mukwege lui-même au cours d’une matinée d’échanges avec des jeunes.
«J’ai accepté de travailler avec le docteur Denis Mukwege pour que nous puissions former une équipe d’intellectuels afin de transformer le Prix Nobel de la paix en un plan de paix pour ce pays », a-t-il déclaré juste après le choix porté sur lui.
Fin intellectuel, très respecté dans les milieux de l’élite congolaise, Didier Mumengi aura donc la lourde charge de porter la campagne du Nobel Denis Mukwege, candidat surprise à la présidentielle de décembre prochain.
Petit à petit, Denis Mukwege reconstitue son état-major politique. Déjà, il a fait appel à Albert Moleka, ancien proche de Etienne Tshisekedi wa Mulumba, comme conseiller politique. Pour l’instant, on ne sait pas encore grand’chose sur le programme politique du candidat Mukwege, moins encore son contenu. Son entourage rapporte que le célèbre docteur a promis de dévoiler les grandes lignes de son programme le 19 novembre prochain, jour de lancement de la campagne électorale des élections générales du 20 décembre 2023.
Dans un entretien avec Afrikarabia, un site international spécialisé sur la RDC et l’Afrique, Denis Mukwege a dévoilé ses motivations à s’engager dans la course présidentielle de décembre prochain.
Econews
Denis Mukwege : «Je souhaite mettre l’Homme au centre de mes préoccupations»
Dans un entretien accordé à Afrikarabia et Mining & Business, Denis Mukwege revient sur les raisons qui l’ont poussé à déposer sa candidature à la présidentielle. Le célèbre médecin demande aux Congolais d’aller voter massivement et de s’assurer que leur vote soit respecté dans un scrutin où il redoute «une fraude programmée ». Interview.
Afrikarabia : Vous avez beaucoup attendu avant d’annoncer votre candidature, qu’est-celui vous a décidé à vous lancer dans la course à la présidentielle ?
Cela fait bientôt trois décennies qui nous subissons une guerre qui a tout déstructurée à l’Est du Congo. Il n’y a plus d’économie, le tissu social est complètement détruit. Cette partie du Congo est en danger. Du côté médical, nous avons essayé de faire ce que nous pouvions. Sur le plan international, nous avons pu obtenir une loi de l’Union européenne sur les minerais des conflits. Malheureusement, cette loi a été contournée par les présidents Tshisekedi et Kagame qui ont décidé que ces minerais seraient traités au Rwanda. Nous avons également plaidé auprès des Nations unies sur la question des violences sexuelles. Nous avons l’impression d’avoir fait le maximum pour défendre la cause du Congo. Malheureusement, force est de constater un manque de volonté criant des autorités congolaises pour faire avancer la paix à l’Est du Congo. Que ce soit de la part du régime de Joseph Kabila ou de celui de Félix Tshisekedi,

Vous avez plaidé votre cause auprès du président Tshisekedi ?
Oui, ma dernière demande à Félix Tshisekedi concernait la mise en place d’une justice transitionnelle, pour engager des poursuites contre les auteurs de crimes, demander des réparations et prévenir ainsi de nouvelles violences. Il avait promis de le faire, mais cela n’a pas été fait. Ce qui est terrible, c’est que les solutions existent, mais s’il n’y a personne pour les mettre en pratique, on risque d’attendre encore trois décennies pour que la population vive en paix. Nous avons donc décidé de ne plus demander, mais de s’engager pour faire.

Il n’y a que le politique pour faire bouger les lignes ?
En tant que membre de la Société civile, j’ai été partout dans le monde, j’ai vu toutes les instances internationales où des décisions importantes pouvaient se prendre, mais ce n’est plus suffisant.

Dans cette course à la présidentielle, les autres candidats de l’opposition dressent les mêmes constats. En quoi votre candidature est différente ?
Je suis avant tout un défenseur des droits humains. Nous partons d’une base qui est tout à fait différente. Toutes mes actions seront centrées sur l’Homme. Cela fait une très grande différence. Je souhaite mettre l’Homme au centre de mes préoccupations.

Dans un scrutin à un seul tour, une alliance de l’opposition n’est-elle pas indispensable pour battre Félix Tshisekedi ?
Le fait qu’une grande partie de nos politiciens ont décidé de rejoindre l’Union sacrée de Félix Tshisekedi va nous faciliter la chose. Je pense que l’idéal serait de pouvoir trouver un candidat commun pour créer enfin une réelle alternance démocratique. Au vu de la situation désastreuse dans laquelle se trouve le pays aujourd’hui, c’est une lourde responsabilité de vouloir jouer la carte individuelle en espérant pouvoir y arriver seul. Je pense que ceux qui partagent les mêmes valeurs doivent mettre en commun leurs efforts.
Etes-vous compatibles avec les autres candidats, comme Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Matata Ponyo…?
Je n’exclus personne. Le plus important est d’obtenir l’alternance.

Etes-vous prêt à nouer des alliances ou à proposer un «ticket» avec un autre candidat ?
Oui. Il faut que ceux qui sont dans l’opposition comprennent que dans la situation du pays, on ne peut pas jouer individuel. Il faut jouer collectif. Je suis très ouvert par rapport à cela.

Nous sommes à deux mois et demi du scrutin, vous ne vous êtes pas lancé un peu trop tardivement?
En deux mois et demi, nous pouvons faire beaucoup de choses.

Que faut-il retenir du bilan de Félix Tshisekedi?
Félix Tshisekedi avait déclaré au début de son mandat que s’il n’arrive pas à ramener la paix à l’Est du Congo, il considérera qu’il a échoué. C’est à lui d’en tirer les conclusions.

L’opposition dénonce depuis des mois un fichier électoral «frauduleux», une CENI et une Cour constitutionnelle «caporalisées» par Félix Tshisekedi. Comment s’assurer que les élections de décembre se dérouleront sans tricherie ?
Il y avait un choix cornélien à faire : ou on s’engage dans ces élections pour être présents et pouvoir dénoncer s’il y a fraude, ou alors on ne participe pas au scrutin et on laisse un boulevard au président Tshisekedi. Nous avons fait un choix en connaissant ces risques. Je pense que la fraude a été programmée : un fichier qui n’est pas audité de façon indépendante, des cartes d’électeurs qui s’effacent… Ces élections seront chaotiques. Mais je ne veux pas donner un chèque en blanc au président sortant. Je demande à la population d’aller voter massivement. Mais je demande aussi aux électeurs de s’assurer que son vote sera respecté. Il faudra s’assurer qu’à la fermeture du bureau de vote, les résultats soient bien affichés. Il faudra que ces résultats soient envoyés à des organisations qui pourront faire un contrôle parallèle de celui de la Commission électorale (CENI). Nous encourageons également la CENCO, l’ECC, de publier les résultats.

Ce week-end, le président Félix Tshisekedi a déposé sa candidature à la CENI et a déclaré vouloir mettre en garde la population contre «les candidats de l’étranger », et «ces étrangers qui fabriquent des candidats».
Ce sont des déclarations malheureuses, populistes, qui n’aident pas à la construction d’une Nation où la population vit en cohésion. C’est triste. Je suis au Congo depuis 40 ans, avec la population congolaise. J’ai construit des écoles avec cette population. J’ai été cherché de l’eau pour construire des centres de santé avec cette population. Nous avons été aux côtés de cette population dans toutes les difficultés pour subvenir à leurs besoins de santé. J’ai toujours travaillé avec mes mains, avec ma tête en République Démocratique du Congo. C’est malheureux pour des gens qui vivent en Europe, qui vivent grâce à l’assistance sociale en Europe, qui n’ont pas d’adresse au Congo… ils ont peut-être l’adresse de leur père. C’est incroyable que ces gens puissent me traiter, moi qui vit au Congo, d’être «le candidat des blancs». Je crois que le contraire serait vrai. Je suis le plus Congolais de tous.

Vous n’avez pas peur d’abîmer votre image de prix Nobel dans le marigot de la politique congolaise ?
Je crois que c’est l’image du Congo et du Congolais qui est très abîmée. A quoi cela sert d’avoir tous les honneurs alors que mon peuple vit dans l’humiliation. Je crois qu’aujourd’hui, nous avons tout pour être respecté.

Une raison de déposer un bulletin de vote Denis Mukwege le 20 décembre ?
C’est la dernière chance. La dernière chance de pouvoir refonder l’Etat congolais. Vous avez un choix à faire. Ce que vous vivez est une forme d’esclavage. C’est vous, Congolais, qui avez le bulletin de vote entre vos mains. Vous pouvez participer à la réforme de votre Etat.
Propos recueillis par Christophe Rigaud (Afrikarabia) et Olivier Delafoy (Mining & Business)