«Mbok’elengi ! Mboka-goût !»

On savait de date immémoriale que le Congolais en général et le Kinois en particulier ont un sens profond de la dérision ou mieux, de l’autodérision. Voici un peuple capable de transformer ses malheurs en sujets d’une moquerie grinçante, et de tourner tout acte qui sort de l’ordinaire en une comédie collective dans laquelle il s’amuse à jouer à son tour un rôle qui, espère-t-il, marquerait durablement les esprits.
Cette autodérision se traduit dans des expressions qui, une fois «larguées» dans le public, font le bonheur de la communauté qui…
s’en empare, sans distinction d’appartenance sociale. L’utiliser, c’est être à la mode, c’est afficher aux yeux de tous qu’on n’en perd pas une miette des faits de l’actualité politique et sociale, ou des galipettes déjantées de la haute société.
Aujourd’hui, l’expression tendance est «Mbok’elengi !». Presque intraduisible, elle est la contraction du lingala «Mboka ya elengi» ou pays de la joie. sur les réseaux sociaux, elle est venue en détrôner une autre, similaire, bien que d’un impact sonore plus évident. «Mboka-goût» fait encore de la résistance et apparaît occasionnellement dans des postscoquins de la gent féminine principalement.
«Mbok’elengi !» est en réalité une expression interpellatrice à un degré avancé. Son caractère enjoué ne devrait pas tromper des dirigeants la plupart du temps distraits. Au contraire. Ils seraient bien inspirés de décortiquer le message caché derrière les deux mots d’apparence faussement inoffensive.
Quand à la moindre pluie la moitié de la ville de Kinshasa, l’Hôtel de ville en tête, est sous eaux, que le nom d’un mort apparaît sur une liste de nominations; qu’un voleur notoire des deniers publics recouvre la liberté sous le régime d’une liberté provisoire; qu’un kabiliste d’hier se métamorphose subitement en un tshisekediste enragé; qu’un pasteur présente fièrement à ses ouailles sa treizième femme de 40 ans sa cadette… l’opinion dépitée n’a plus qu’une seule ressource de liberté : celle de tapoter son clavier et de soupirer en légende d’images bien senties sur les réseaux sociaux : «Mbok’elengi !».
Eh oui ! «Mbok’-elengi», humour grinçant d’un peuple qui n’en peut plus. Un cri de détresse d’une population qui assiste, impuissante, à l’enrichissement effréné d’une minorité de privilégiés, et la descente dans les abysses de la pauvreté pour le plus grand nombre.

Econews