telechargement 7

Museveni et Kagame refont « Berlin II » : l’Est congolais, otage des ambitions régionales

Depuis trente ans, l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) est le théâtre d’une tragédie aux relents coloniaux. Une tragédie où les acteurs ont changé, mais où le scénario reste inchangé : le dépeçage méthodique d’une région riche en minerais, sous le regard complice d’une communauté internationale distraite et d’un État congolais fragilisé. Aujourd’hui, le Rwanda et l’Ouganda, drapés dans des discours sécuritaires ou économiques, réécrivent à leur profit la Conférence de Berlin de 1885. Cette fois, ce n’est plus autour d’une table européenne, mais par drones et milices interposés, que se joue le sort de millions de Congolais.

Ituri et Kivu : un partage cynique

Dans l’Ituri, le fils du président ougandais Yoweri Museveni, général en chef de l’armée ougandaise (UPDF), mène des incursions comme en terrain conquis. Kampala considère cette province, avec ses gisements d’or et ses terres fertiles, comme une extension naturelle de son territoire. L’absence de réaction ferme de Kinshasa, paralysé par des calculs diplomatiques opaques, légitime cette occupation déguisée. Plus au sud, dans les Kivu, le Rwanda de Paul Kagame orchestre son règne par procuration. Le M23, rebaptisé AFC/M23 pour l’occasion, n’est qu’un écran de fumée : derrière chaque avancée de ce groupe, se profile l’ombre de Kigali, avide de coltan et de terres rares. Goma et Bukavu, symboles de résistance effacés, ne sont plus que des villes-fantômes sous tutelle rwandaise.

Ce « partage » rappelle sinistrement la logique des empires coloniaux, où des frontières étaient tracées au compas, ignorant peuples et droits. Sauf qu’en 2023, les envahisseurs sont Africains, et leurs armes, financées par l’exploitation illicite des ressources congolaises. Le silence de Kinshasa, souvent justifié par la crainte de froisser des « partenaires » régionaux, devient complice.

Kinshasa entre résignation et complicité passive

La passivité des autorités congolaises interroge. Comment expliquer qu’un pays de 100 millions d’habitants, doté d’une armée théoriquement reconstituée, reste spectateur de son propre démembrement ? Les raisons sont multiples : corruption endémique, divisions politiques, et surtout, une économie de prédation qui profite à une élite indifférente au sort des provinces orientales. Le président Félix Tshisekedi, malgré ses discours enflammés à l’ONU, peine à convaincre qu’il a les moyens de ses ambitions. Les accords de sécurité signés avec les pays voisins ressemblent trop souvent à des chèques en blanc offerts aux prédateurs.

Pire, certains à Kinshasa voient dans cette instabilité un business lucratif. Les minerais de la honte continuent de transiter vers les ports ougandais et rwandais, alimentant des circuits financiers opaques où se mêlent officiels congolais et intermédiaires étrangers. La guerre, pour eux, est une rente.

La communauté internationale, spectatrice impuissante ?

L’ONU, l’Union africaine et l’Europe se contentent de dénoncer « les violences » et appellent à des «dialogues inclusifs ». Des mots vides, face à la réalité d’un génocide économique et culturel. Les sanctions ciblées contre les dirigeants rwandais ou ougandais restent rares, tant les intérêts miniers et stratégiques pèsent lourd. La RDC, en devenant le « pays solution » pour la transition énergétique mondiale grâce à son cobalt, devrait pourtant bénéficier d’un sursaut de solidarité. Mais qui osera boycotter le coltan rwandais, sachant qu’il sort en réalité des mines du Kivu ?

L’Est congolais ne sera pas libéré par des hashtags ou des résolutions onusiennes. Il faut, d’abord, que Kinshasa assume sa souveraineté : enquêter sur les collusions entre certains généraux congolais et les forces étrangères, couper les flux financiers illicites, et exiger des partenaires comme les États-Unis ou l’Europe un soutien conditionné à la fin de l’ingérence régionale.

Ensuite, l’Union africaine doit cesser de se voiler la face. Le Rwanda et l’Ouganda violent ouvertement la Charte de l’UA en occupant des territoires membres. Leur exclusion des instances continentales serait un signal fort. Enfin, les Congolais eux-mêmes doivent incarner cette résistance. Les sociétés civiles locales, souvent héroïques, ont besoin de plus que de slogans : d’un État qui les écoute, et d’un peuple uni derrière un projet commun.

L’Est de la RDC n’est pas une terre sans maître. Ce n’est pas un « cœur de ténèbres », mais le cœur battant d’un continent. Le laisser tomber, c’est accepter que le rêve panafricain ne soit qu’un mirage. Le temps n’est plus aux lamentations, mais à l’action. Avant que «Berlin II » ne scelle, dans le sang, le partage définitif d’une nation.

Hugo Tamusa

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Verified by MonsterInsights