Veiller à ce que l’exceptionnelle biodiversité des aires protégées du pays soit préservée : c’est la mission de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN). Mais son directeur, Olivier Mushiete, ne peut y parvenir sans la participation active des populations locales.
Créé en 1974, l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) est chargé de veiller sur 72 aires protégées, qui couvrent 13,5% du territoire national. Nommé directeur général par intérim de cette institution le 12 août 2021, Olivier Mushiete est ingénieur agronome. Il a, entre autres, installé une plantation agroforestière de 1.500 hectares sur les plateaux des Batéké, région où il a, par ailleurs, dirigé le domaine de chasse et la réserve de Bombo-Lumene.
Depuis votre nomination, quelle a été votre priorité ?
Dès ma prise de fonction, mon équipe et moi nous sommes attelés à faire l’état des lieux de l’ICCN. Nous devons aussi établir une programmation sur le long terme dans un contexte perturbé, sur le terrain, par des problèmes en tout genre. Nous devrions néanmoins être en mesure de présenter, d’ici à la fin de janvier 2022, une stratégie cohérente, qui permettra de mobiliser les ressources financières dont nous avons besoin.
Quels sont vos effectifs ?
L’ICCN compte 3.500 agents de surveillance – des écogardes ou gardes-chasse, qui ont la responsabilité de sécuriser les aires protégées. Ces agents contractuels sont mal payés, mal équipés. En outre, près de 60% d’entre eux ont atteint l’âge de la retraite. Nous comptons porter nos effectifs à 6.000 agents d’ici à 2026, en recrutant davantage de jeunes et de femmes.
Qu’est-ce que les femmes peuvent apporter de «plus » ?
Ma philosophie est de créer un esprit de famille. Or les femmes jouent un rôle clef dans l’organisation et la cohésion des familles. Renforcer leur présence dans nos effectifs, à tous les niveaux, nous aidera à nous rapprocher des communautés locales. Ceci étant, recruter de manière paritaire n’est pas chose aisée : en milieu rural, la formation des jeunes filles est faible et seulement 30 % d’entre elles accèdent à l’enseignement secondaire. Peu savent lire et écrire un rapport – une aptitude requise pour devenir éco-garde.
L’une de vos priorités est de défendre l’intégrité des limites des aires protégées. Par quoi sont-elles menacées ?
La menace va du paysan qui cherche des terres à cultiver aux autorités publiques et aux en reprises privées, qui investissent ces espaces pour y installer des infrastructures ou des activités, notamment minières. D’où l’intérêt de mettre en œuvre une conservation communautaire sur l’ensemble des aires protégées.
Pour sécuriser ces zones, nous avons besoin de plus de gardiens. Nous devons aussi matérialiser leurs limites et expliquer aux populations, par des dispositifs participatifs, pourquoi il faut les respecter. Pour obtenir l’adhésion des communautés locales vivant à la périphérie de ces aires protégées, il faut les impliquer dans une palette d’activités, dont l’agroforesterie durable. Or, depuis soixante ans, les populations rurales sont laissées à l’abandon. Les amener à être des alliés et non des opposants passe par la conservation communautaire. D’ici à 2025-2026, chacun de nos agents devra être en mesure d’assurer des animations selon cette approche, qui a donné d’excellents résultats ailleurs.
Comment augmenter les capacités d’autofinancement de l’ICCN, localement ?
Nous pouvons compter sur quatre leviers. Primo, notre implication dans l’encadrement de l’agroforesterie, ainsi que dans la production et la distribution d’énergies propres, qui peuvent être sources de revenus. Deusio, l’éco-tourisme. Mais, pour l’heure, seulement 5% de notre potentiel écotouristique est mis en valeur. Tertio, le rétablissement de la paix, notamment en Ituri et dans le Nord-Kivu, et l’amélioration de l’accès à nos aires protégées, indispensables si l’on veut voir croître le nombre de touristes. Quatrième levier : la composante climat-carbone. Nos aires protégées ont un grand potentiel de stockage de CO2 et de réduction des émissions liées à la préservation des forêts, qui sont génératrices de crédit carbone.
En dehors de cela, reste le budget national. Il participe déjà à nos frais de fonctionnement et participera, nous l’espérons, à nos dépenses d’investissement. Mais cette contribution est faible et irrégulière.
Econews avec Jeune Afrique