Thomas Lubanga et Floribert Ndjabu, respectivement coordonnateur et coordonnateur adjoint, ainsi que les colonels Lobo Désiré et Lobo Pisi, tous membres de la Task Force, restés en otages de la CODECO (Coopérative pour le développement du Congo), sont enfin libres depuis mardi. Ils ont été aperçus tôt le matin à Bunia.
«Pour le moment, ils sont entre les mains du commandant secteur opérationnel de l’Ituri », a indiqué le colonel Jean-Ladis Maboso, qui revèle qu’« ils se sont évadés la veille de là où ils étaient en captivité. Avant leur évasion, ils ont récupéré des armes des mains de leurs ravisseurs pour assurer leur sécurité durant leur cavale ».
Lors de cette prise d’otage, la CODECO a posé un certain nombre de conditions pour libérer les sept membres de la Task Force, notamment la suspension du gouverneur militaire soupçonné d’avoir donné l’ordre d’attaquer un village avoisinant.
Lors de la libération de Germain Katanga, il y a quelques jours, quelques membres de cette milice ont également été libérés. Doit-on affirmer que le gouvernement a encore cédé à une des conditions posées par ce groupe armé ? Difficile à dire. On a constaté que le gouverneur militaire n’a pas été limogé par Kinshasa. Ce qui peut être affirmé, la cellule de crise mise en place pour négocier la libération définitive des otages a réussi sa mission. Reste à savoir si la Task Force va continuer sa mission de sensibilisation ou va-t-elle faire rapport à Kinshasa ?
Pour rappel, Kinshasa a eu l’idée d’utiliser Thomas Lubanga et Floribert Ndjabu, fils du terroir, pour ramener la paix en Ituri. Ils ont été nommés respectivement coordonnateur et coordonnateur adjoint de la Task Force chargée de sensibiliser les groupes armés à déposer les armes pour le retour de la paix dans la province de l’Ituri. C’est dans l’exercice de leur mission que huit membres de la Task Force ont été pris en otage par la milice de la CODECO suite à une attaque des FARDC perpétrée non loin du lieu de la rencontre entre les représentants de cette milice et les membres de la Task Force, à en croire la CODECO. Depuis, Thomas Lubanga et sa suite ont été aux mains de cette milice.
Un membre de l’ONG ACIAR, qui a facilité les négociations, parlant sous le sceau de l’anonymat, précise qu’« à part le cahier des charges soumis au gouvernement congolais en novembre 2017, la FRPI lui a adressé une liste de ses anciens leaders détenus dans plusieurs prisons. «Sur cette liste manuscrite des prisonniers emblématiques à libérer, que la FRPI nous avait remise lors des négociations, figurait le nom de Germain Katanga », témoigne le négociateur.
«La libération de Germain Katanga était considérée comme un geste de bonne foi de la part du gouvernement congolais, dans la mise en œuvre de l’accord de paix», corrobore Xavier Maki, secrétaire exécutif de l’ONG Justice Plus basée à Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri.
C’est Thomas Lubanga, un fils de l’ethnie Lendu, qui devait le premier sortir de prison à l’issue de ces négociations. Mais la décision risquait de provoquer un séisme en Ituri, auprès de l’ethnie Hema, avec laquelle les Lendu se sont affrontés entre 1999 et 2003, exaspérée de voir son fils Lubanga croupir en prison.
Entre 1999 et 2003, l’Ituri a fait face à une guerre civile qui a opposé les ethnies Lendu et Hema. Christian Mbojima, avocat et enseignant en droit à l’Université de Bunia, estime pourtant que la libération de ces deux acteurs peut déclencher un processus de réconciliation entre les deux ethnies.
«Germain Katanga et Thomas Lubanga sont des personnalités qui maîtrisent les enjeux des conflits armés de l’Ituri, pour en avoir été des acteurs. À la CPI, ils ont eu l’occasion de se serrer la main. Et leur libération déclenche un processus crédible de pacification de l’Ituri », gage Mbojima, par ailleurs porte-parole des élites de l’ethnie Lendu-Bindi.
«Leur libération, c’est d’abord un résultat de l’accord entre la FRPI et le gouvernement congolais. C’est aussi un acte qui vise le rapprochement des communautés jadis en conflit, parce que ces deux personnalités sont des acteurs clés du processus de pacification de l’Ituri. La justice, c’est aussi la réconciliation. Voilà pourquoi la communauté de l’Ituri salue leur libération », renchérit Maki, de l’ONG Justice Plus.
Tighana Masiala