Près de 150 milliards de FC détournés chaque mois à la Fonction publique : l’IGF crève l’abcès

Près de 150 milliards de FC échappent chaque mois au Trésor dans la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat relevant des Forces armées de la RDC (FARDC), de la Police nationale congolaise (PNC), de l’ex SECOPE ainsi que des secrétaires généraux de l’administration publique. C’est ce qu’on retient des conclusions rendues publiques jeudi 27 avril 2023, par l’Inspection générale des finances (IGF) au terme d’une mission d’audit du fichier de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat. Les révélations de l’IGF font état d’une calamité qui rognait impunément le Trésor en prenant en otage le fichier de la paix d’une partie de l’administration publique. Car, le travail de l’IGF ne s’est limité qu’à une partie des services dont la paie émarge du budget de l’Etat. Le virus étant certainement enraciné dans toute l’administration publique, l’IGF promet, avec l’accompagnement du vice-Premier ministre en charge de la Fonction publique, de poursuivre « le travail de nettoyage du fichier des effectifs des agents de l’Etat ».
Un réseau maffieux opère dans la gestion de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat relevant des FARDC, de la PNC, de l’ex-SECOPE et des secrétariats généraux de l’administration publique. Chaque mois, ce réseau fait perdre à l’Etat congolais la somme astronomique de 148.999.149.440,95 de FC, soit plus de 65 millions USD, a fait part jeudi l’Inspection générale des finances (IGF), au terme d’une mission d’audit du fichier de la paie.
Les détails de cette machine de détournement donnent l’étendue de l’entreprise criminelle qui s’est développée autour de la paie des agents de l’Etat.
Dans ses conclusions, l’IGF révèle : «145.604 agents sont payés alors que disposant de numéros matricules incorrects, fantaisistes et fabriqués pour les besoins de la paie; 53.328 agents disposent, à eux seuls, plus d’un numéro matricule dans le fichier avec le même nom; 93.356 agents partagent un même numéro matricule avec d’autres agents également payés; 43.725 agents payés sans que leurs noms ne figurent sur les listes déclaratives provenant de leurs services d’origine ».
Selon l’IGF, cette machine de détournement, qui ponctionnait indûment 148.999.149.440,95 de FC, soit plus de 65 millions USD, du Trésor public, est entretenue par «961 agents chargés du traitement de la paie qui se retrouvent sur les listes de paie de plusieurs ministères. Plusieurs d’entre eux sont sur plus de quinze listes de paie».
Pour l’IGF, ces révélations ne sont que le reflet d’une face révélée de l’iceberg. Aussi, promet-elle d’étendre le contrôle sur l’ensemble du fichier de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat jusqu’à démonter les éléments du puzzle.

Un rapport de plus
Dans tous les cas, contrairement aux attentes de l’Inspection générale des finances, le rapport rendu public, jeudi 27 avril 2023, se rapportant aux missions d’audit conduites dans divers services de l’administration publique, de l’armée et de la police, n’a pas produit l’effet escompté. Ni l’incroyable volume du personnel inscrit sur plusieurs listes de paie parfois dans plusieurs ministères ni le montant astronomique détourné de ce fait mensuellement (près de 150 milliards de francs congolais, soit l’équivalent de plus 65 millions USD), encore moins la traduction en justice des agents de l’ex SECOPE commis à la paie des enseignants, n’auront entraîné tout au plus qu’un haussement d’épaules désabusé.
C’est que Jules Alingete, le patron de l’IGF, a le don de s’attaquer aux effets, alors que les causes – un secret de polichinelle dont il est informé du reste – font partie de la tradition congolaise d’une gouvernance de copinage, de népotisme et d’affinités ethno-tribales.
Qu’un obscur chef de bureau se fasse construire un authentique palais; qu’un simple lieutenant change de grosses cylindrées tous les trimestres, ou qu’un secrétaire général de l’administration publique se trouve à la tête d’une grosse fortune n’a jamais ému quiconque. Aucun service n’a jamais mené d’investigations destinées à retracer l’origine des fortunes aussi brusques qu’inexplicables.
Que «145.604 agents payés disposent de numéros matricules incorrects, fantaisistes et fabriqués pour les besoins de la paie ou que 43.725 agents soient payés sans que leurs noms ne figurent sur les listes déclaratives provenant de leurs services d’origine», les dysfonctionnements sont à rechercher d’une part, dans les pressions exercées par le parti au pouvoir, exigeant à tout prix, et sous la menace, l’embauche de «combattants», et d’autre part, dans l’existence de réseaux maffieux fortement ancrés dans les ramifications de la Fonction publique.
Les dénonciations de l’IGF, devenues à ce point cycliques, finissent par lasser l’opinion publique, tout comme il est surprenant que les systèmes informatiques des banques commerciales, (pourtant sophistiqués) où sont logées les rémunérations des agents de l’administration publique n’aient jamais détecté des cas de doublons, fer de lance de la fraude généralisée.
Le rapport de l’IGF a au moins le mérite de remettre en question les conclusions des multiples contrôles physiques d’agents et fonctionnaires de l’Etat claironnés à grand tapage médiatique par les ministres successifs de la Fonction publique.
A quoi ont donc servi toutes les réformes de l’Administration publique congolaise engagées, depuis des années et à coup de millions de dollars américains, pour s’assurer d’une réelle maîtrise des effectifs des agents et fonctionnaires de l’Etat ? Difficile à dire.
Toujours est-il que le rapport de l’IGF a l’avantage de démontrer que tous les ministres qui se sont succédé au ministère de la Fonction publique nous ont vendu du vent dans leur effort de contrôle des effectifs de l’administration publique. Jean-Pierre Lihau, vice-Premier ministre en charge de la Fonction publique, ferait-il exception ? Seul Jules Alingete a la réponse à cette question.

Econews

726 32