Alors que Donald Trump affirme avoir livré son « meilleur débat », la presse et la plupart des observateurs jugent que Kamala Harris est sortie gagnante de ce premier duel télévisé. Elle est apparue offensive et sûre delle, même si elle est restée vague sur le fond de son projet politique.
Attendu et redouté, le premier face-à-face entre la démocrate et le républicain a été incontestablement remporté par Kamala Harris. Malgré sa réputation de bon orateur, Donald Trump a été poussé dans ses retranchements, piqué dans son ego, corrigé sur ses fake news. Pourtant, il nie la réalité.
« Je pense que c’était un super débat », a lancé Donald Trump quelques minutes après la fin du débat, lors dune apparition surprise en salle de presse. « Jai trouvé que c’était ma meilleure performance », a-t-il dit, estimant avoir « mis en évidence » que les États-Unis sont « une nation en déclin ».
Après quelques minutes d’effervescence et de cacophonie, Donald Trump a fait le tour de la salle de presse avant de s’éclipser (vidéo disponible sur BFMTV). « Le fait qu’il se soit présenté dans le centre des médias et dans le spin room à la fin (Espace dans lequel les journalistes peuvent parler avec les participants au débat et/ou leurs représentants après le débat. NDLR) nous n’avions pas vu ça depuis des années », a souligné Ulysse Gosset, éditorialiste politique internationale BFMTV. Selon lui, cela montre que le républicain veut « changer de sujet le plus vite possible ».
UNE STRATÉGIE PAYANTE
Et pour cause : pour ce premier grand test, Kamala Harris a clairement cherché à énerver le républicain, et sa stratégie a fonctionné. Elle a souvent réussi à le faire sortir de ses gonds. Donald Trump a parlé cinq minutes de plus alors quelle est apparue calme et à l’aise, s’adressant souvent directement à la caméra pour faire passer ses messages.
À l’inverse, Donald Trump est apparu agacé à plusieurs reprises, perdant parfois le contrôle. Il a notamment affirmé que les sans-papiers haïtiens mangeaient les animaux de compagnie (des chats et des chiens) des Américains, soit précisément le genre de réponses chaotiques que son équipe de campagne espérait éviter.
Toutefois, si les téléspectateurs ont vu s’affronter deux visions diamétralement différentes de l’Amérique, sur le fond, ils n’en ont pas appris beaucoup plus sur les différentes propositions politiques, le débat se résumant souvent à une continuité des invectives que le républicain et la démocrate échangent depuis plusieurs semaines sur leurs réseaux sociaux.
« HARRIS NEST PAS BIDEN »
Du côté de la presse américaine (Lu sur le net), le New York Times parle dune « réussite totale » pour Kamala Harris parce quelle a pu « se définir et présenter ses projets », et quelle est parvenue à irriter Donald Trump en insistant sur ses condamnations pénales, la taille de ses meeting ou ses relations avec les dictateurs. À chaque fois, l’ancien président a mordu à l’hameçon, relève le journal.
Politico titre de son côté : « Kamala Harris a commencé à cogner. Et elle ne s’est pas arrêtée. » « Mauvaise nouvelle pour Trump : Harris n’est pas Biden », ironise une éditorialiste du Washington Post.
Le Wall Street Journal parle quant à lui d’un débat « houleux ». Comme d’autres publications à tendance républicaine, le New York Post estime pour sa part que le débat était un « match à trois contre un » avec une modération partisane qui na fait du fact-checking que contre Donald Trump.
ALLÉGATIONS SUR LÉCONOMIE, LIMMIGRATION ET LAVORTEMENT SOUS LA LOUPE
Au cours de ce premier débat, Kamala Harris et Donald Trump se sont invectivés sur leur bilan et leur programme respectif, à renfort d’approximations et de fausses informations. LAFP a vérifié certaines d’entre elles sur les grands thèmes de la campagne.
Chômage et inflation : à la question de savoir si les Américains vivaient aujourd’hui dans de meilleures conditions qu’avant le mandat de Joe Biden, la démocrate na pas répondu directement mais a accusé son adversaire d’avoir laissé à son départ de la Maison Blanche le « pire taux de chômage depuis la Grande Dépression ». Cette affirmation est trompeuse, car si le taux de chômage aux États-Unis a bel et bien atteint, en avril 2020, un sommet depuis les années 1930, c’était en pleine pandémie de Covid-19 et il était redescendu rapidement après.
Kamala Harris a aussi accusé son adversaire de vouloir mettre en place une taxe sur la vente de produits qui aurait un impact conséquent sur le pouvoir d’achat, ce que Donald Trump a nié. Il a toutefois reconnu qu’il imposerait des droits de douane de minimum 10% à certains pays, ce qui, selon de nombreux économistes, ferait grimper les prix à la consommation.
De son côté, Donald Trump a accusé l’administration Biden d’avoir ouvert la porte au plus haut taux d’inflation de l’histoire des États-Unis, affirmant que celui-ci avait atteint 21%, voire 60% pour certains produits. Cette affirmation est fausse, l’inflation ayant atteint un pic à 9,1% en 2022 après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Moins de criminalité des immigrants : le candidat républicain a faussement affirmé que « des millions de personnes » affluaient aux États-Unis « depuis les prisons, les établissements psychiatriques et les asiles d’aliénés » de l’étranger pour commettre des crimes.
Or, les crimes violents et les vols sont proches de leurs niveaux les plus bas depuis des décennies, selon les données du FBI de 2022. Une étude publiée en juin 2023 a montré un déclin des taux d’incarcération parmi les immigrants depuis 1960. D’autres ont montré que les migrants commettent moins de crimes violents que les citoyens américains.
Pas « d’avortement après la naissance » : enfin, le candidat républicain a dénoncé la « radicalité » supposée des démocrates sur la question de l’avortement, accusant notamment le candidat à la vice-présidence, Tim Walz, de soutenir « l’exécution de bébés après leur naissance », une allégation évidemment fausse, l’infanticide étant bien entendu illégal aux États-Unis. Un modérateur du débat a d’ailleurs corrigé le candidat républicain quand celui-ci a persisté.
« Nulle part en Amérique, une femme ne va aller au terme de sa grossesse pour demander un avortement », a ajouté Kamala Harris, accusant que Donald Trump prévoyait, sil était élu, une interdiction fédérale de l’avortement. Ce que l’intéressé a immédiatement nié, renvoyant cette décision aux États.
Les thématiques centrales sont pourtant nombreuses dans cette campagne. Seront-elles abordées avec plus de profondeur à l’occasion d’un prochain débat ? Rien n’est moins sûr. Si l’équipe de Kamala Harris s’est empressée de demander une deuxième confrontation, le camp républicain reste pour le moment silencieux.
Robert Kongo (CP)