Processus électoral en RDC : protéger les journalistes et garantir la liberté de la presse

La République Démocratique du Congo (RDC) est entrée en période pré-électorale où passions et tensions s’exacerbent. Les débats politiques sur les chaînes You Tube s’enchaînent et les réseaux sociaux s’enflamment. Des militants s’invectivent, se provoquent. On ne peut que déplorer, ici, la manière dont les journalistes, proches de l’opposition, sont traités par les partisans du pouvoir en place : menaces, agressions…Dans un tel contexte, les autorités congolaises doivent prendre la mesure des choses et s’engager à respecter le fait que tous les journalistes, liés au pouvoir ou pas, puissent couvrir la campagne dans des conditions satisfaisantes.
Des images insoutenables des cas d’agressions violentes de journalistes empêchés d’effectuer leur travail sont souvent diffusées en boucle sur les chaînes YouTube et font le tour des réseaux sociaux. Des journalistes sont brutalisés, molestés, interpellés, notamment lors des rassemblements et manifestations organisés par les partispolitiques d’opposition. D’aucuns sont arrêtés, emprisonnés ou doivent s’exiler. Un comportement abject que l’on a eu à déplorer pendant le règne de Joseph Kabila se reproduit sous l’ère de Félix Tshisekedi. Donc, les tares décriées du passé persistent. À travers ces agissements, c’est toute la corporation (journalistes à la botte du pouvoir et proches de l’opposition) qui est humiliée.
À moins d’un mois du lancement officiel de la campagne électorale en RDC, soit le 19 novembre 2023, les journalistes se posent déjà des questions sur les obstacles qu’ils peuvent rencontrer pour informer le public. Car leur sécurité n’est pas toujours assurée, surtout ceux qui sont connus pour leur opposition au pouvoir en place, font l’objet d’attaques fréquentes.

LA CONSTITUTION, LA LIBERTÉ ET LA PROTECTION DE LA PRESSE
Force est de reconnaître qu’en RDC les journalistes sont souvent confrontés à des difficultés insurmontables les empêchant d’effectuer sereinement leur métier. Pourtant, la liberté d’expression est reconnue dans l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Une presse libre est essentielle à la liberté d’expression, et joue un rôle tout aussi important pour la protection des droits humains. Lorsque des journalistes sont maltraités, lorsque la peur et la censure étouffent la liberté d’expression – qui inclut la liberté de la presse et c’est à partir du XVIIe siècle, dès la création de la presse, qu’on en a fait la promotion, la société tout entière en paye le prix, car c’est l’un des fondements d’un État démocratique et fédérateur.
La liberté et la protection de la presse font partie des droits inaliénables des citoyens congolais et sont inscrites dans la Constitution. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) est censé y veiller. Au regard de la Constitution congolaise, il a pour mission de «garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse, ainsi que tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi », et également de « veiller au respect de la déontologie en matière d’information et à l’accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication» (Article 212). Ce texte est-il respecté et appliqué dans les règles de l’art ? Point du tout.

DE VIVES INQUIÉTUDES
Dans le pays, les militants commencent d’ores et déjà à s’activer en prévision des élections du 20 décembre prochain. En cette période pré-électorale, la pression sur les journalistes augmente : ils sont menacés, attaqués, intimidés, interpellés et arbitrairement arrêtés. Ceci donne l’impression qu’il est impossible pour un journaliste congolais de travailler en toute liberté. Il faut être un «Djaleloliste», un haut-parleur du régime, pour vivre en liberté.
La montée des actes d’intolérance sur les réseaux sociaux à l’encontre des journalistes – voire des invectives personnelles lancées contre certains candidats à la présidentielle – suscite de vives inquiétudes.
Selon certaines indiscrétions, le pouvoir chercherait à réduire au silence les journalistes proches de l’opposition et les observateurs indépendants pour les empêcher de rendre compte de l’actualité électorale. Les restrictions et la répression effrénée pourraient s’intensifier dans les prochains jours.
La situation de la liberté de la presse en RDC ne s’est pas du tout améliorée depuis l’organisation à Kinshasa, du 25 au 29 janvier 2022, des états généraux de la communication et des médias. Ces assises présidées par le président Félix Tshisekedi lui-même avaient fondé l’espoir légitime pour les professionnels des médias, qui ont cru que cette réunion ouvrait une nouvelle ère pour la liberté de la presse en RDC. Une désillusion. Ce séminaire n’a été suivi d’aucun acte concret dans le sens d’améliorer l’environnement global du travail des journalistes, de renforcer la sécurité des journalistes. L’état actuel des faits montre que la réorganisation du secteur de la communication et des médias congolais n’est pas pour demain.
La question de la liberté de la presse et de la protection des journalistes se pose avec une acuité particulière en RDC, qui souffre d’un grave déficit organisationnel en la matière, même si le gouvernement congolais prétend travailler pour la refondation d’une profession tirée vers le bas et qui peine à jouer pleinement son rôle de quatrième pouvoir. Les promesses des hommes politiques n’engagent que ceux qui les reçoivent, dixit l’ancien ministre de l’Intérieur de France (1986-1988/1993-1995), Charles Pasqua.

PRÉSERVER ET CONFORTER LA LIBERTÉ DE LA PRESSE
La liberté de la presse est sacrée. Et le respect de la liberté de la presse n’étant pas le privilège des pays riches, il ne doit faire l’objet d’aucune entrave. Étant un droit fondamental des citoyens, l’accès à l’information, qui inclut le droit d’être informé de tous les évènements, présente un grand intérêt pour la société, même s’ils ont lieu dans un autre pays. Il n’est donc pas question de remettre en cause la liberté des journalistes. En RDC – comme ailleurs – cette liberté doit être préservée et confortée.
Pendant cette campagne électorale qui s’annonce chaude, les journalistes vont couvrir les rassemblements et les manifestations, ce qui va sans doute accroître leur risque d’être attaqués, harcelés et détenus. On peut espérer que, au bout du compte, les autorités congolaises prendront toutes les mesures nécessaires pour protéger les journalistes et garantir la liberté de la presse. Que les autorités congolaises favorisent cette grande liberté, qu’elles ne lui fassent pas obstacle et qu’elles n’amoindrissent pas ce principe sacré, ce principe lumineux. Sinon, ça ferait, en RDC, l’effet d’un flambeau qui s’éteint.
Robert Kongo (CP)