La Gécamines, entreprise du Portefeuille de l’Etat, jadis fleuron de l’industrie minière congolaise, traverse une zone de fortes turbulences. Le duo Guy-Robert Lukama (PCA) et Placide Nkala (DG) réussira-t-il à inverser la tendance ? C’est la mission que le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a confiée à la nouvelle équipe dirigeante de la Gécamines. Le défi est énorme, au regard de graves erreurs de gestion accumulées par l’entreprise. Un plan de relance est en gestation pour un nouveau départ.
A la Générale des carrières et des mines (Gécamines), l’ombre d’Albert Yuma, son ancien président du Conseil d’administration (PCA) est toujours présente. L’on se souvient qu’avec Yuma aux commandes de son Conseil d’administration, la Gécamines est sortie du gouffre, en parvenant à rééquilibrer – à son avantage d’ailleurs – un certain nombre de partenariats auxquels elle est liée. La Gécamines a pu renaître de ses cendres, s’ouvrant de belles perspectives et s’offrant aussi une bonne marge de progression. C’est dire qu’Albert Yuma a légué une entreprise financière en forme, prête à affronter de nouveaux défis.
Albert Yuma parti, la Gécamines a repris avec ses vieux démons de la prédation. Ainsi, tout l’édifice bâti par Albert Yuma s’est écroulé comme neige au soleil, si bien qu’aujourd’hui, tous les signaux de l’entreprise, jadis au vert, commencent à virer au rouge.
Premier indice : la production. Pour l’année 2022, la Gécamines a clos l’exercice, selon les statistiques recoupées par Econews, avec une production de 10.000 tonnes de cuivre, loin des années fastes de l’entreprise où elle battait le record de production dépassant la barre de 400.000 tonnes. Une nostalgie qui rappelle le degré de liquéfaction du géant minier congolais.
Avec une maigre production en 2022, la Gécamines a généré en termes de trésorerie un chiffre d’affaires de 620 millions de dollars américains.
Deuxième indice : une affectation irrationnelle. On pensait qu’avec cette manne financière, l’entreprise allait soutenir activement son plan de production par la modernisation de son outil d’exploitation. En lieu et place, ce sont les réflexes de la prédation qui ont primé sur la rationalité.
Des données parvenues à Econews renseignent que, sur cette enveloppe de 620 millions de dollars américains, plus de 180 millions de dollars ont été affectés au paiement des sous-traitants, alors que 100 millions de dollars américains ont été consacrés aux dépenses salariales.
Les mêmes sources indiquent que, sur les 30% des impôts, droits et taxes dues à l’Etat, au regard de la législation en vigueur, la Gécamines n’a versé au Trésor que la somme de 148 millions de dollars américains, bien en-deçà de la somme réelle que la Gécamines devait normalement allouer à l’Etat congolais via les régies financières nationales.
Que dire ? L’utilisation que la Gécamines a faite, en 2022, de son chiffre d’affaires soulève bien des interrogations.
A première vue, l’importante somme destinée au paiement des sous-traitants intrigue. Pour une production annuelle d’à peine 10.000 tonnes, on voit mal comment la Gécamines pouvait gratifier d’une aussi importante manne financière des sous-traitants qui n’ont pas eu d’impact sur la raison sociale de l’entreprise. Autant dire qu’il y a anguille sous roche.
Quant au paiement des impôts, droits et taxes dues à l’Etat, des statistiques recoupées par Econews prouvent qu’il y a eu minoration, pour des raisons difficiles à comprendre.
A ce jour, des sources internes de l’entreprise renseignent que la trésorerie, qui présente encore un solde positif d’environ 48 millions de dollars américains, est au bord de l’asphyxie. Avec cette maigre marge de trésorerie, la Gécamines aura vraisemblablement du mal à tourner en plein régime. Si l’on prend en compte les charges fixes, en termes des salaires et autres charges incompressibles qui s’imposent à l’entreprise, et qu’on y ajoute les charges variables liées à l’exploitation, l’entreprise n’est plus loin d’une situation de banqueroute.
Parer au plus pressé
A la Gécamines, tous les efforts entrepris par Albert Yuma pour remettre l’entreprise sur le rail sont en train de voler en éclats. L’entreprise, qu’on pensait s’être tirée du gouffre, après un rigoureux plan de stabilisation, est en chute libre. Ce qui donne, une fois de plus raison, à l’Ir Raphael Ngoy Mushiya qui considère, avec raison certainement, que la Gécamines est «ce nain minier et une sangsue nationale». Bref, une société de rentes qui ne tient plus que grâce aux revenus tirés de ses différents partenariats. En réalité, la Gécamines est une coquille vide, un géant aux pieds d’argile qui s’affaisse au jour le jour.
A qui la faute ? Curieusement, ce sont des dirigeants qu’on présente comme «fils-maison» qui condamnent cette entreprise du Portefeuille de l’Etat à une mort certaine, par le fait d’un management à la fois inadéquat et disproportionné. La Gécamines sombre. Déjà, l’utilisation irrationnelle du chiffre d’affaires de 620 millions USD réalisés en 2022 est une belle illustration de la forte propension à la prédation qui ronge la Gécamines.
La Gécamines peut-elle se relever ? Y a-t-il une bonne raison d’espérer ? C’est la mission que le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, a confié à la nouvelle direction de la Gécamines, conduite par Guy-Robert Lukama (président du Conseil d’administration) et Placide Nkala (directeur général). Ils ont l’obligation de panser les plaies puantes qui plombent l’entreprise et l’arrimer, le plus rapidement possible, sur la rampe de croissance. Le défi n’est pas insurmontable. Bien au contraire ! Tout est question d’innover dans le management pour freiner la descente aux enfers d’une entreprise qui a encore tous les atouts pour se relancer.
Tous les regards sont donc tournés vers le duo Lukama-Nkala. Un plan de relance est en gestation pour le réveil du géant minier du Grand Katanga.
Econews