La célébration des 20 ans d’existence de l’Anapi (Agence nationale pour la promotion des investissements) a été l’occasion pour son directeur général, Anthony Nkinzo Kamole, de lancer la réflexion autour de la nécessité de révision du Code des investissements que l’ANAPI considère obsolète dans certaines de ses dispositions. L’heure est donc aux échanges avec différentes parties prenantes. Jeudi, l’ANAPI est allée à l’écoute de la FEC (Fédération des entreprises du Congo) autour des mesures d’incitation aux investissements.
L’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI) a organisé, le jeudi 10 mars 2022, un café de réflexion avec les entreprises membres de la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Au cœur des échanges : la révision du Code des investissements.
Plusieurs exposés étaient à l’ordre du jour. Premier à planter le décor, le directeur général de l’ANAPI, Anthony Nkinzo Kamole, a fait un bref aperçu du Code des investissements, rappelant que la République Démocratique du Congo dispose de cette boussole en marge de la loi n°004 /2002 du 21 février 2002 portant code des investissements. Selon lui, cette loi est venue combler les lacunes importantes constatées dans l’application du Code des investissements de 1986.
Après deux décennies, Anthony Nkinzo pense que le moment est bien propice pour une révisitation du Code des investissements de 2002, en prenant en compte les modifications légales et réglementaires significatives intervenues entre-temps.
Dans le lot de lacunes du Code des investissements, Anthony Nkinzo a fait mention du « manque de simplicité, de précision, de souplesse et de transparence ». Il note que, 20 ans après sa promulgation, il est important de redonner au Code des investissements une nouvelle âme.
«Nous sommes venus voir les consommateurs et les créateurs d’emplois pour trouver des solutions. Le code des investissements, c’est le miroir de notre pays», a indiqué le directeur général de l’ANAPI.
Pour sa part, le vice-président de la FEC a salué la démarche de l’ANAPI qui vise à l’adoption d’un Code des investissements qui «répondra aux attentes de congolais». «Le secteur privé étant ce qu’il est, nous devons tous nous mettre ensemble pour faire un bon travail de qualité », a fait observer le vice-président de la FEC.
Vision du Chef de l’Etat et faiblesses du Code des investissements
Il y a lieu de rappeler que la vision du Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, consacre l’investissement comme un pilier de la transformation structurelle de l’économie. En d’autres termes, sa vision est celle de redéfinir un environnement des affaires attractif, compétitif et propice à l’investissement privé et à l’essor de notre économie avec un accent particulier sur l’emploi.
Cette vision est apparue clairement dans son discours d’investiture du 24 janvier 2019 lorsqu’il a souligné l’impératif pour le Gouvernement de la République de «réaménager le code des investissements afin de favoriser de nouveaux projets ayant un impact sur des zones géographiques ou des secteurs d’activités cibles définis en fonction des priorités nationales…»
Au regard de la dynamique économique nationale et régionale actuelle, le Code des investissements de 2002 n’est ni incitatif, ni efficace moins encore compétitif pour des raisons pertinentes.
Les experts sont d’avis que, sur le plan de la gouvernance de l’investissement : il n’existe pas un organe public légal de concertation au plus haut niveau en matière d’investissement à l’instar de la Tunisie qui a révisé sa loi d’investissement en 2017 et a institué un «Conseil supérieur d’investissement» pour définir des politiques et stratégies en matière d’investissement.
D’ailleurs, l’Agence tunisienne d’investissement dépend directement de ce conseil parce que faisant partie intégrante du secrétariat permanent et technique. En plus, la loi tunisienne d’investissement a la particularité de créer un fonds d’investissement qui est un fonds regroupant les fonds existants liés à l’investissement. Nous pourrions adapter ce schéma global de gouvernance par rapport au cas particulier de la RDC.
Par ailleurs, les avantages accordés tant en ce qui concerne leur nombre que leur durée sont beaucoup plus alléchants au niveau de la Côte d’Ivoire qu’au niveau de la RDC. Sur le plan de la durée : la Côte d’Ivoire affiche une durée plus longue que la RDC en termes d’avantages accordés (5 à 15) contrairement à la RDC (3 à 5 ans) en fonction de trois zones précitées.
Sur le plan du nombre ou types d’avantages : la Côte d’Ivoire accorde plus d’incitations que la RDC, notamment : (i) au moment de la réalisation des projets (la TVA est totalement exonérée, aussi bien en régime intérieur qu’extérieur, ce qui n’est pas le cas pour la RDC) et (ii) au moment de l’exploitation des projets (en dehors des impôts classiques exonérés dans les deux pays tels que l’impôt sur les bénéfices et profits et l’impôt foncier, certains avantages additionnels sont accordés par la Côte d’Ivoire, notamment l’exonération de la contribution aux licences et patentes et la réduction de 50 à 90% en fonction des zones du montant de la contribution à la charge des employeurs à l’exclusion de la taxe d’apprentissage et de la taxe additionnelle à la formation professionnelle continue, pour les entreprises qui créent au moins deux cent cinquante emplois);
Sur le plan des secteurs prioritaires du Code des investissements, ce dernier met un accent particulier sur le secteur industriel qui était restée couteuse, sous capitalisée, peu compétitive et soumis à un processus long de désinvestissement à cause des mesures incohérentes prises (zaïrianisation) et des pillages et guerres que le pays a connus – la contribution du secteur industriel était de 30% du PIB en 1960 et a chuté brutalement à moins de 1% durant les années 2002. Dans le même temps, le Code a élargi son champ d’actions dans les autres secteurs à l’exception des Mines, Hydrocarbures et des Assurances. Au lieu d’être sélective, il demeure trop général. Il faudra absolument recadrer les secteurs en tenant compte des priorités contenues dans le plan de développement du pays. Tout ne peut pas être prioritaire, un effort de ciblage devra être fait en vue de produire des résultats escomptés.
Bien plus, certains textes accordant les incitations ont vu le jour après 2002 et rendu le Code des investissements peu incitatif au niveau interne en termes d’incitations accordées –allusion faite au partenariat stratégique sur la chaîne de valeur. Des chevauchements sont à stigmatiser et certains opérateurs économiques se retrouvent parfois au niveau du Code des Investissements et des autres textes – il se pose l’épineux problème de cohérence des textes réglementaires accordant les incitations. Au lieu d’être complémentaire, ces textes se chevauchent.
Autant d’incohérences que l’Anapi, conseiller du Gouvernement en matière des investissements, se propose de corriger en lançant un débat national autour de la révision du Code des investissements de 2002.
N. Kanku