Face aux évidences, la CENI (Commission électorale nationale indépendante) a finalement été contrainte d’approuver une «période rattrapage» de 25 jours dans la première aire opérationnelle, qui comprend 10 provinces dont la ville de Kinshasa, à dater du 23 janvier 2023. Est-ce que cette prolongation va impacter sur le reste du calendrier électoral ? Dans l’opinion publique, le doute s’installe. On craint que le glissement du cycle ne s’impose finalement à tous. Pour le Président de la République, Félix Tshisekedi, qui a pris le pari de respecter le délai constitutionnel, la pression est grande. C’est sa parole d’honneur qui est en jeu. Parce qu’un glissement aura de graves conséquences autant sur son mandat que sur le reste du processus électoral.
Sur plus de 18 millions d’électeurs attendus dans la première aire opérationnelle, soit dans 10 provinces dont la ville de Kinshasa, la CENI n’a, à la date du 21 janvier 2023, enrôlé que 7.910.679, soit à peine 37,9%. Si la CENI se réjouit de l’engouement, dit son rapporteur, des électeurs dans les centres d’enrôlement, soit plus de 8.400 opérationnels dans cette aire, elle est consciente d’être loin de ses prévisions. Aussi, a-t-elle décidé d’une «période de récupération» de 25 jours, allant du 24 janvier au 17 février 2023, pour «permettre aux Congolais en droit de voter de se faire enrôler et de figurer sur la liste électorale», a précisé Mme Patricia Nseya, rapporteur de la CENI.
A première vue, la volonté affichée ne suffit pas pour tenir l’échéance du 20 décembre 2023 pour organiser les élections générales en République Démocratique du Congo.
Le début chaotique des opérations d’enrôlement des électeurs dans la partie Ouest du pays a conforté le doute. La sortie médiatique de Denis Kadima, président de la CENI, sur les ondes de la radio Top Congo FM, sur les aveux de l’impréparation de l’opération en cours et de la «navigation à vue» a jeté le doute sur la capacité de la Centrale électorale à tenir le délai.
La CENI, qui «navigue à vue», ainsi que l’a reconnu Denis Kadima, a produit finalement compliqué la donne, entraînant l’enrôlement dans l’impasse.
Le Président de la République, Félix Tshisekedi, veut certes des élections dans le délai constitutionnel, mais il lui sera difficile de tenir, lorsque Denis Kadima fait face aux graves difficultés d’allumage à l’étape d’enrôlement. Qu’en sera-t-il au terme du processus, soit en décembre 2023 ?
Dans les milieux des experts, l’incertitude plane. Pour des raisons évidentes d’ailleurs.
«Pour des raisons techniques évidentes, il ne sera pas possible d’organiser les scrutins dans le délai prévu», note un expert électoral, recruté à la CENI depuis le premier cycle électoral de 2006 avec l’abbé Malu-Malu.
Le calendrier électoral résistera-t-il à la pression ?
Que restera-t-il du calendrier électoral de la Céni, dont la synthèse est reprise en page 3 de cette édition ? A cette question, les avis sont partagés.
Tous conviennent néanmoins que tout dépend de la capacité de la CENI en activant éventuellement son plan B, si elle en dispose bien évidemment. «La présentation simplifiée du calendrier électoral, sans autre mention, indique qu’il s’agit de ce qu’on appelle «le chemin critique» c’est-à-dire que tout retard d’une étape de ce chemin se répercutera sur l’échéance prévue. S’il ne s’agit pas du chemin critique, alors il faudrait avoir accès à une présentation de l’ensemble des activités montrant celles qui peuvent se dérouler en même temps et indépendamment des autres et celles qui ne peuvent commencer avant que la précédente ne soit achevée. En termes techniques, on parle de diagramme PERT qui est un outil servant à planifier, organiser et schématiser visuellement les tâches au sein d’un projet», pense un expert.
A ces réticences, un autre se montre plus optimiste : «La première étape de ce chemin critique est la RFE, le pays est divisé en trois AO. Chacune a 30 jours, jusqu’à la fin de cette étape de récolte des données, le dédoublonnage, l’audit et la consolation du fichier, la loi sur la répartition des sièges, c’est toujours la RFE, donc la prolongation de quelques jours ou semaines n’emporte le calendrier ou ne le modifie pas. L’étape suivante, c’est l’ouverture de BRTC prévue fin juin, tant qu’on n’empiète pas sur cette étape, évoquer un glissement serait une non maîtrise des opérations».
Quoi qu’il en soit, avec cette prolongation d’un mois, il est indéniable que la date du 20 décembre 2023 sera impactée. Malgré sa bonne volonté, les raisons techniques l’ont emporté. Il va donc s’imposer qu’un glissement du calendrier soit décidé et accepté par tout le monde. Pendant cette période, il sera aussi question d’organiser une transition politique. Ce qui implique un dialogue entre acteurs politiques du pays. Tout dépendra donc de la capacité du chef de l’État à convaincre ses interlocuteurs en faisant des concessions face à la réalité électorale.La situation est donc inquiétante.
Tout dépendra de la capacité de Denis Kadima à rebondir pour récupérer une confiance en la CENI qui s’effrite.
Econews