RDC : à la quête de la stabilisation macroéconomique pérenne et du développement durable (*)

Je prends le train en marche de ce groupe constitué d’une partie de l’élite économique. Je salue l’initiative, laquelle loin d’être un défoulement collectif ou une catharsis, doit être une prise de conscience de sortir le pays de sa situation d’instabilité macroéconomique quasi permanente et de mal développement.  

Le groupe regorge en son sein d’universitaires académiques et d’universitaires professionnels. Tous disposent de spécialités diverses, certains au plan des politiques conjoncturelles, d’autres au niveau des politiques sectorielles et d’autres encore au niveau des réformes structurelles et institutionnelles. C’est un groupe de technocrates qui se limite à faire des propositions, lesquelles avalisées par les politiques, deviennent des mesures.  

Il y a nécessité de songer à la publication d’un Who’s Who et pourquoi pas à un document des politiques conjoncturelles et réformes structurelles pour la stabilisation macroéconomique et le développement de la RDC, mais surtout à l’engagement dans la politique active. Seuls ceux qui comprennent l’importante cruciale de certaines réformes peuvent les adopter sous forme des lois au Parlement.  

1. De la problématique de recherche sur le développement des nations

Les déterminants traditionnels de la croissance en tant que paradigme du développement, à savoir le travail et le capital, expliquent de façon globale les différences de niveaux de développement entre les nations.

Le progrès technique (le résidu de SOLOW) est une variable explicative de la croissance dans les théories exogènes de cette dernière. Il est considéré comme une variable expliquée de la croissance dans les théories endogènes de la croissance. Comme sa diffusion s’est fait sans restriction à travers le monde, le progrès technique est censé réduire les différences de niveaux de développement, favoriser le processus de rattrapage et de convergence entre les nations.

2.1. Du problème de la recherche

La situation connue est que la propagation du progrès technique à travers le monde permet d’uniformiser progressivement les niveaux de développement entre les nations.

Cependant, la situation observée relève que les écarts de développement entre les nations persistent voire s’aggravent.

2.2. De la question de la recherche

Pourquoi, en dépit de la diffusion internationale sans restriction du progrès technique, lequel est supposé entretenir un cercle vertueux du développement, la réduction des écarts de développement se fait toujours attendre?

Pourquoi, le progrès technique, bien collectif international mis à la disposition de toutes les nations, n’arrive pas à éliminer, du moins à réduire, les écarts de développement entre nations?

2.3. Des objectifs  de la recherche 

L’objectif général  consiste en la recherche des causes de la persistance des écarts des niveaux de développement entre les Nations en dépit de la diffusion internationale du progrès technique. L’objectif spécifique porte sur l’examen du problème de recherche en accordant une attention particulière aux pays en développement, principalement la RDC. 

2.4. Des hypothèses de la recherche

Les écarts persistants de développement entre les nations tiennent aux : différences géographiques; différences culturelles; différences en termes de qualité de capital humain, de capital technologique et de capital public; différences en termes de qualité des institutions; différences en termes de qualité de leadership; différences en termes de présence d’État fragile ou failli et d’État-développeur; différences en termes de complexité économique.

2.5. Des méthodes et techniques sous-tendant le raisonnement

Ce papier mobilise les méthodes hypothético-déductives et historico-comparatives. Les hypothèses formulées sont soumises à vérification aux fins de tirer des conclusions. Par ailleurs, il est fait recours aux comparaisons des parcours des nations au plan historique.

Les techniques utilisées sont l’analyse documentaire et les évidences statistiques.  

Je réagis à deux préoccupations :

3.1. De l’équilibre systémique en termes de stabilité et de durabilité d’une vision et de sa matérialisation sous forme de développement humain.

Dans l’histoire des nations qui ont dominé le monde, l’équilibre systémique en termes de stabilité et de durabilité a toujours procédé d’un long, douloureux et laborieux processus de maturation politique et institutionnelle. C’est un processus douloureux car fait de sang et de larmes, de sacrifices et d’abnégations, un processus laborieux de recherche de cohésion nationale, surtout au niveau de l’élite.

Souvenez-vous de l’apogée de la Grèce, de Rome, du Japon à l’époque des Meiji…Regardez les États-Unis, la Chine, la France…. La stabilité et la durabilité mais aussi la solidité de leurs institutions relèvent de ce processus.

La RDC est sur cette voie exigeante mais déterminante de stabilisation macroéconomique pérenne et de développement économique et social durable. Dans ce cadre, le rôle de l’élite est crucial. Que cette élite soit économique, juridique, cléricale, politique, du monde des affaires en termes de contribution à l’émergence d’un leadership de qualité, des institutions de qualité, des capacités humaines  de qualité.

L’histoire économique de la RDC, depuis son accession à la souveraineté nationale et internationale, révèle ce qui suit : la stabilité macroéconomique (stabilité monétaire ou du niveau général des prix, stabilité financière ou l’absence de crise systémique du système financier, la viabilité des comptes extérieurs) constitue l’exception. Sur les 63 ans d’indépendance, cette situation n’a prévalu que durant de rares années (1970 à 1972, 2012 à 2015). Depuis août 2020 à nos jours, des efforts, en matière particulièrement de stabilité du taux de change et de prix intérieurs, sont entrepris dans ce sens.

L’instabilité macroéconomique quasi-persistante:

•Est-ce le fait des mauvais choix de politiques conjoncturelles, donc de l’incapacité de décideurs, ou du manque de constance dans la mise en œuvre de ses politiques, donc de l’étroitesse de marge de manœuvre de décideurs économiques?

•Est-ce le fait de l’emprise de l’instabilité institutionnelle et politique sur le processus de stabilisation macroéconomique?

•Est-ce le fait d’absence de mise en œuvre combinée de  politiques conjoncturelles et structurelles, ces dernières assurant la pérennité de la stabilisation macroéconomique?

b) Le développement en tant que transformation qualitative, structurelle et dynamique de l’économie et de la société n’est pas encore au rendez-vous. 

Est-ce le fait de :

•l’emprise de l’instabilité institutionnelle et politique, du climat d’insécurité sur le processus de développement?

•l’indigence ou de la non application de réformes structurelles (réformes sur les finances publiques, réformes des entreprises publiques, de l’administration publique, sur les partenariats publics-privés, révision de fonds en comble des lois sur le commerce, la protection de la propriété privée et des investissements, sur la concurrence et le contrôle des monopoles, loi foncière…) et institutionnelles (réformes portant rationalisation des institutions dans le cadre de la lutte contre le foisonnement institutionnel…) ou encore la non mise en œuvre d’un plan de développement cohérent?

•la faible qualité des institutions (institutions plus nominales que réelles, institutions plus extractives qu’inclusives)?

•la faible qualité de leadership?

•la faible qualité de capital humain ou des capacités humaines; d’où nécessité de renforcement des capacités tant en termes de politiques de stabilisation macroéconomique que de mise en œuvre des politiques de développement?

•l’existence d’un État fragile en proie à d’incessantes convoitises extérieures et de crises internes en raison de son potentiel en termes de dotations en ressources  naturelles et de problèmes de d’accumulation et de redistribution qu’il pose?

•la faiblesse des financements de projets structurants de développement  ou plutôt de la faiblesse dans l’absorption des financements en termes de projets bancables bien structurés?

La réalisation des politiques de stabilisation macroéconomique et de développement durable suppose l’existence d’un système de contrôle efficace tant à priori qu’à postériori pour lutter contre la corruption et la mauvaise gouvernance. Des services formés dans la maîtrise des statistiques financières ou monétaires  sous-tendant les opérations, les politiques ainsi que leurs comptabilités ad hoc pour éviter des conclusions arbitraires et injustifiées.

3.2. Concernant la première émission d’obligations synthétiques en FC

Si l’information s’avérait vraie, je relèverais que le momentum paraît globalement bon.

         En effet, il coïnciderait avec le changement des perspectives de la RDC par MOODY’S confirmant la notation CAA1 d’émetteur à long terme du pays.

Le changement de notation est justifié par trois éléments principaux :

•la conclusion du Programme triennal formel avec le FMI et surtout l’engagement du Gouvernement à mettre en œuvre les réformes structurelles et institutionnelles y incluses,

•les perspectives favorables de reprise économique du pays, surtout dans le secteur extractif;

•l’augmentation des réserves internationales dont la couverture en termes d’importations est passée à un peu plus de trois mois. Cette situation devrait se poursuivre au cours de prochaines années (ce qui réduirait l’exposition du pays aux baisses des prix de matières premières et aux épisodes de volatilité macroéconomique y associés).

Cependant, la RDC est encore classée dans la catégorie des pays à faible revenu ne pouvant accéder aux prêts non concessionnels accordés dans le cadre des marchés financiers. Ainsi, cette préoccupation soulève trois questionnements :

•la soutenabilité de la dette extérieure subséquente à l’opération;

•le maintien sur la durée de la stabilité macroéconomique, principalement de la stabilité monétaire, entrevue depuis fin août 2020, est la condition sine qua non pouvant  ancrer les anticipations des opérateurs économiques à miser à moyen et long terme sur le FC;

•la capacité d’absorption de ce concours financier par des projets bancables ayant fait l’objet d’études préalables d’opportunité et de faisabilité.

(*) Réflexion tirée du Groupe Whatsapp « Les économistes du Congo »

Professeur

Vincent Ngonga Nzinga