Réchauffement climatique : «Tous les signaux sont au rouge», avertit le président de la COP 26 à l’ouverture du sommet

Six ans après la signature historique de l’accord de Paris, la communauté internationale a rendez-vous à Glasgow pour la 26eConférence des parties (COP) qui doit marquer une accélération de la lutte contre le réchauffement climatique. La COP entre dans le vif du sujet ce lundi 1er novembre 2021, avec les premières prises de parole des chefs d’Etat et de gouvernement.

Repoussée d’un an en raison du Covid, la 26e Conférence des parties (COP) sur le changement climatique se réunit en Écosse du 31 octobre au 12 novembre 2021. La COP 26 de Glasgow intervient six ans après la COP21 et l’accord de Paris. Les enjeux sont confrontés à des réalités complexes dès lors qu’il faut passer des intentions à l’action. La finalité, en revanche, est d’une effrayante simplicité : assurer sans tarder la survie des prochaines générations. Comment ? En s’efforçant de maintenir les températures mondiales au plus près d’1,5°C de réchauffement d’ici 2100. Objectif inatteignable au rythme des engagements actuels des États. Alors que le scepticisme sur un succès domine et que la pression est maximale sur les leaders politiques, la Chine vient d’annoncer, à la surprise générale, ses nouvelles contributions climat. Un pas en avant historique, mais très décevant aux yeux des experts.

«Tous les signaux sont au rouge»

Le président de la COP26, le Britannique Alok Sharma, a rappelé les enjeux dans son discours d’ouverture des travaux. «Le rapport du GIEC a été une piqure de rappel. Tous les signaux sont au rouge. Il y est clair que l’activité humaine est sans ambiguïté la cause du réchauffement climatique, a-t-il déclaré. On sait que la planète que nous partageons change pour le pire».

Ambitions revues à la hausse, aide financière, finalisation des règles de l’accord de Paris… Contrairement à la COP21, cette 26e édition ne doit pas aboutir à un accord. Les pays doivent revoir à la hausse des objectifs de réduction de gaz à effet de serre nettement insuffisants pour respecter l’accord de Paris, augmenter l’aide financière à destination des pays pauvres et finaliser les règles des marchés carbone et du contrôle de l’accord de Paris.

Les « contributions nationales déterminées »

Après la parenthèse de la pandémie de Covid-19, les diplomates se retrouvent physiquement à Glasgow pour la COP26. «Malgré les réunions en visioconférence, rien ne remplace les rencontres en vis-à-vis pour prendre les décisions», table Paul Watkinson, conseiller auprès du ministère français de la Transition écologique.

Depuis Madrid, les discussions autour de la mise en œuvre effective de l’accord de Paris pour limiter la hausse de la température mondiale bien en dessous de 2°C n’ont pas beaucoup avancé. Les États, eux, ont rendu leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui s’avèrent être très insuffisants pour respecter ces 2°C. Tout d’horizon des enjeux de la 26e« Conference of parties (COP) ».

En 2015, les 191 États signataires de l’accord de Paris s’étaient engagés à produire en 2020 devant la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) leurs engagements de réduction des gaz à effet de serre.

Six ans plus tard, les promesses se situent bien en dessous de l’effort qu’il faudrait accomplir. Selon le décompte effectué par un rapport des Nations unis, 121 signataires (dont l’Union européenne et ses 26 membres) avaient effectivement remplis cet engagement représentant un peu plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Manquent en effet à l’appel de grands émetteurs comme l’Inde, l’Arabie saoudite. Parmi ces nouveaux engagements, à peine la moitié annonce des objectifs plus ambitieux qu’en 2015. Ainsi, la Chine a publié des cibles le 28 octobre qui n’ont pas été relevées par rapport à celles faites en 2015 qui s’appuient principalement sur une amélioration de 65% de son efficacité énergétique.

«L’Europe fait ainsi figure de bon élève en relevant son ambition de -40% de baisse des gaz à effet de serre en 2030 à -55% », note Lola Vallejo, en charge du dossier climat au sein de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

Si l’on agrège les engagements, l’ONU constate qu’ils mènent à une réduction de 2,9 milliards de tonnes de CO2 en 2030. Si l’on inclut les contributions du Japon, de la Corée du Sud et de la Chine qui n’ont pas encore été officialisées, la baisse pourrait atteindre 4 milliards de tonnes de CO2.

Cela représente une diminution de 7,5% en 2030 alors qu’il faudrait atteindre -30% pour limiter à 2°C et -55% pour espérer rester à 1,5°C. Le budget carbone, c’est-à-dire la quantité d’émissions qu’il ne faudrait pas dépasser pour respecter les 1,5°C est de 400 milliards de tonnes. Les émissions annuelles étant environ de 40 milliards, cette limite pourrait être dépassée à la fin de la décennie.

Ces engagements, trop faibles, mènent à une hausse de 2,7°C à la fin du siècle. Juste avant la COP 26, du 28 au 31 octobre 2021, à Rome (partenaire de Londres sur l’organisation de la COP26) se réunissent les États membres du G20. Ceux-ci représentent 80% des émissions totales de la planète.

Leur responsabilité est écrasante et pourtant le G20 n’est pas actuellement sur une trajectoire qui permettrait de respecter leurs engagements communs. Seulement dix de ses membres (Argentine, Chine, Union européenne, Inde, Russie, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Turquie et Royaume-Uni) semblent pouvoir respecter leur accord initial qui est de toute façon insuffisant pour limiter les températures à 2°C.

La neutralité carbone en 2050

La neutralité carbone est le but ultime que se fixent de plus en plus de pays. Il s’agit de faire en sorte qu’en 2050 ou 2060, le pays n’émettent plus de carbone en excès, soit en ayant réussi à se passer totalement de gaz, pétrole et charbon, soit en faisant en sorte que les émissions restantes soient absorbées par les forêts et les zones naturelles de son territoire. 59 pays ont pris cet engagement à ce jour. Ces dernières semaines, la Chine et l’Arabie saoudite, le premier gros émetteur et le second producteur de pétrole derrière les États-Unis, ont pris un tel engagement pour 2060. Les négociateurs devront discuter des moyens que la communauté internationale doit adopter pour contrôler que les États font bien tout pour remplir cet objectif.

«La crainte, c’est que ce ne soit que du greenwashing, les dirigeants actuels repoussant à leurs successeurs des prochaines décennies l’essentiel de l’effort à accomplir», s’alarment les ONG rassemblées au sein du Climate Action Network.

La boîte à outils de l’accord de Paris

L’accord de Paris est un texte qui inclut un calendrier d’action. « C’est un accord dynamique qui fixe des feuilles de route et donne des rendez-vous tous les cinq ans pour mesurer les progrès accomplis, rappelle Henri Waisman, chercheur à l’IDDRI. L’un des enjeux de la COP26, c’est de fixer le calendrier pour la décennie qui vient et de pérenniser les outils nécessaires pour mesurer les progrès des États ». Ainsi, la fixation des contributions nationales déterminées en 2020 a-t-elle été décidée en 2015 à Paris.

Aujourd’hui, il faudra ainsi déterminer le contenu de la prochaine étape à 2025. La «boîte à outils» nécessaire pour évaluer les progrès a été finalisée en 2018 à Katowice (Pologne). Pertinence des méthodes de mesure des émissions, rapportage des résultats des actions entreprises, transparence dans le calcul des progrès, toutes ces dispositions très techniques sont prêtes à servir. Les négociateurs vont ainsi donner le top départ d’une application effective, réelle, mesurable de l’accord de Paris.

Le marché carbone

Le marché carbone est une question épineuse qui reste en suspens et devra être résolue lors de cette COP. Il existe deux types d’échanges de tonnes de carbone. Le premier réglementaire, propose à l’État ou à l’entreprise qui a dépassé un quota d’émissions préalablement défini d’acheter ces volumes auprès d’un État ou d’un organisme qui lui n’a pas dépassé son quota et dispose donc de crédit.

Ce marché fonctionne sous le cadre du protocole de Kyoto instauré en 1997 mais qui ne fonctionne que pour les pays développés. Il faudra donc l’étendre à l’ensemble de la communauté internationale. Le second mécanisme est volontaire, c’est celui des entreprises, collectivités locales et territoriales, ONG qui pratiquent la compensation carbone.

Cette démarche est celle des mécanismes de développement propre (MDC), instaurée également en 1997. La démarche est vertueuse. Elle permet aux pays émetteurs d’atteindre ses objectifs tout en finançant dans les pays bénéficiaires des énergies renouvelables par exemple.

Mais s’il doit devenir global, le marché doit être entouré de garde-fous. Ainsi, il faut éviter qu’une tonne de carbone soit comptabilisée à la fois par le pays acheteur et par le vendeur. Ce risque de double-compte est l’un des freins à l’adoption de ce marché. L’adoption de l’article 6 permettrait cependant de faire une place aux acteurs non étatiques.

«Nous entrons dans une nouvelle ère de la gouvernance climatique, affirme ainsi Laurence Tubiana, directrice de la Fondation européenne pour le climat. Paris a ouvert la porte aux villes, entreprises, acteurs financiers et au secteur privé mais pour le moment, il n’y a pas de mécanisme qui les rende comptable de leurs engagements. Aussi nous devons élargir le périmètre du régime de gouvernance de l’accord sur le climat pour être sûr que tout le monde fait bien sa part de travail ».

Les pertes et dommages

L’impact du changement climatique se fait d’ores et déjà sentir. La question du dédommagement des destructions opérées par des événements extrêmes produits par le changement climatique tel que l’affirme le sixième rapport du Giec se pose avec d’autant plus d’acuité que la majorité des victimes se trouvent dans les pays pauvres alors qu’ils ne sont pas responsables historiquement de la hausse des températures. Cette question est liée à l’attribution de 100 milliards de dollars Us d’aides par an promise par les pays riches aux pays en voie de développement.

Selon l’OCDE, cet objectif devrait être atteint. La présidence britannique met également en avant la protection des habitats naturels et la lutte contre la déforestation comme moyens à la fois de stocker du carbone et de protéger les biens et personnes contre les événements extrêmes.

Econews avec Sciencesetavenir.fr