Le cabinet « Centurion Law Group » poursuit la RDC en arbitrage à Paris : une maladresse du Coordonnateur de l’APLC, Thierry Mbulamoko, qui expose la République et ternit l’image du Chef de l’Etat. Econews s’est penché sur cette affaire jusqu’à découvrir le pot-aux-roses.
Condamné pour corruption aux Etats-Unis pour ses activités illicites dans divers pays, dont la République Démocratique du Congo, le géant suisse Glencore s’est vu dans l’obligation de payer de lourdes indemnités dans les pays où il opère. En République Démocratique du Congo, le dossier Glencore a fait l’objet d’une étude approfondie au niveau du Gouvernement.
Alors que la RDC est en voie de récupérer du négociant suisse un montant de 180 millions USD pour réparation de tous les dégâts causés à la République, un dossier sale couve à la Présidence de la République, mettant directement en cause le Coordonnateur de l’Agence de Prévention de de Lutte contre la Corruption (APLC), Thierry Mbulamoko. Que s’est-il réellement passé ? En quoi l’APLC se trouve-t-elle impliquée dans ce dossier.
La genèse
Tout commence avec l’alerte lancée depuis les Etats-Unis mettant en cause les activités illicites du géant suisse, accusé de corruption dans ses diverses activités à travers le monde, dont la République Démocratique du Congo.
Sur bases des éléments recueillis par l’administration américaine, le géant suisse a été contraint à payer de lourdes amendes aussi bien aux Etats-Unis, au Royaume-Uni qu’au Brésil.
C’est alors que la RDC va saisir cette occasion en exigeant également réparation auprès du négociant suisse. Le dossier a été logiquement géré au niveau du Gouvernement par le Ministère de la Justice, sous l’œil vigilant du Cabinet du Président de la République.
Selon les informations recueillies par Econews, le dossier a évolué jusqu’à ce que Glencore lève l’option de payer, pour réparation à la RDC, le montant de 180 millions Usd.
Curieusement, c’est à ce moment-là qu’est surgi « Centurion Law Group », un cabinet sud-africain non autrement identifié, qui réclame de la part du Gouvernement congolais des honoraires équivalent à 20% du montant convenu de payer par Glencore à la RDC, soit 36 millions USD.
De quel droit le fait-il ? Y a-t-il un contrat qui lierait la RDC au cabinet Centurion ? C’est tout le problème.
En réalité, le cabinet Centurion n’a conclu aucun contrat d’assistance judiciaire avec la RDC. Après des informations parvenues à notre rédaction, il est apparu que le cabinet Centurion a été mis au parfum de ce dossier par le Coordonnateur de l’APLC, Thierry Mbulamoko, qui l’a approché, parallèlement à l’action du Gouvernement, pour accompagner les discussions avec Glencore.
De qui Thierry Mbulamoko détenait-il ce mandat pour se rendre en Afrique du Sud? A-t-il reçu l’avis préalable du Gouvernement dans cette action en solitaire ? Difficile à dire.
Toujours est-il qu’à ce jour, au terme de l’accord à l’amiable conclu entre l’Etat congolais et Glencore, le cabinet « Centurion » exige le paiement de sa part de 20%, soit 36 millions USD, sur base, dit-il, d’un accord conclu avec le Coordonnateur de l’APLC, Thierry Mbulamoko, qui s’était présenté comme le responsable d’une Agence du Gouvernement. Or l’APLC est un service au sein du Cabinet du Chef de l’Etat, et non une Agence du Gouvernement
Des exigences que le Gouvernement n’est pas prêt à accepter, pour autant qu’aucun accord, dit-il, ne le lie à ce cabinet sud-africain.
Se sentant lésé, Centurion a saisi la cour arbitrale de Paris pour recouvrer, apprend-on, ses droits. Des sources rapportent également qu’une audience est prévue dans le courant de la semaine du 11 septembre 2023 pour départager les deux parties, c’est-à-dire l’Etat congolais et le cabinet Centurion.
Il y a lieu de se poser une question : comment en est-on arrivé là ? En quoi le cabinet Centurion se sent-il concerné dans le dossier Glencore ?
Le coordonnateur Mbulamoko, coupable !
A y voir de plus près, la République paie le prix de la maladresse du Coordonnateur Mbulamoko de l’APLC qui a eu le courage d’engager l’Etat congolais avec Centurion sans en avoir ni titre ni qualité, promettant de lui verser 20% sur l’indemnisation due par Glencore à l’Etat congolais.
En fait, le Coordonnateur de l’APLC a agi en électron libre comme si tout lui était permis. Aujourd’hui, il ne peut pas avancer l’argument du fait que le Cabinet Centurion n’aurait réalisé aucune prestation. Monsieur Mbulamoko n’aurait tout simplement jamais dû signer un quelconque contrat avec ce cabinet !
Comble du ridicule, c’est devant la Cour arbitrale de Paris que l’Etat congolais doit aujourd’hui se défendre, en réponse d’une procédure engagée par le cabinet sud-africain.
Que dit le Cabinet du Chef de l’Etat?Pour l’instant, pas une seule réaction du Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat à la supercherie du Coordonnateur Mbulamoko. Une attitude qui frise la complicité du Chef de l’administration de la Présidence de la République, se dit-on dans les couloirs de la Présidence de la République.
A quelques mois des élections de décembre prochain, c’est l’image du Président de la République qui se trouve ternie dans cette affaire. Par la seule faute du Coordonnateur de l’APLC, Thierry Mbulamoko.
Nettoyer l’APLC
En effet, la création de l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption (APLC) en 2020 par le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, a fait rêver toute la nation. Le monde économique et les investisseurs pensaient enfin avoir confiance en l’Etat congolais qui s’était doté, à l’occasion, d’une structure de prévention et de lutte contre la corruption. L’avènement de l’APLC avait l’avantage de casser un cycle où la corruption avait finalement gangrené les pans entiers de la société congolais. Avec l’APLC, il y avait de belles perspectives dans l’amélioration du climat des affaires par la mise en place des outils appropriés dans la lutte contre la corruption. Cette agence, rattachée au Cabinet du Président de la République, était donc appelée à faire preuve d’intégrité, d’éthique, d’efficacité, d’efficience et de pragmatisme dans le cadre de la lutte contre la corruption.
Après l’ère éphémère du son tout premier Coordonnateur, Me Ghislain Kikangala, le règne de Thierry Mbulamoko arriva avec espoir en juin 2021 pour donner à l’APLC toute son âme.
Curieusement, trois ans après sa création, l’APLC est restée l’ombre d’elle-même, sans efficacité ni résultat concret.
À l’issue de nos enquêtes et investigations, Econews a pu répertorier six phénomènes insupportables à la base de ce constat et qui bloquent la machine APLC d’avancer.
En premier lieu, son Coordonnateur, Thierry Mbulamoko, serait loin et alors loin de la vision du Président Félix Antoine Tshisekedi dans la lutte contre la Corruption. Censée prévenir et lutter contre la corruption, l’APLC excelle curieusement dans des pratiques illicites. Le contrat conclu avec le cabinet Centurion est en une belle illustration.
Bien plus, l’incompétence du Coordonnateur Thierry Mbulamoko empêche à l’APLC de comprendre les enjeux et défis de la lutte contre la Corruption – le clientélisme s’étant érigé en mode opératoire de son pouvoir. Le trafic d’influence que le Coordonnateur brandit, empêche les agents de l’APLC ainsi que ses collègues de la Coordination, d’aller jusqu’au bout avec les enquêtes et de travailler efficacement au sein de leur sous-coordination respective.
Qui pis est, l’on apprend que l’existence d’un réseau des agents APLC qui agiraient avec le quitus de Thierry Mbulamoko pour rançonner et minorer les montants d’argent que certaines entreprises doivent réellement au trésor public ternissent l’image non seulement de ce service spécialisé de la Présidence de la République mais surtout contredit la volonté du Chef de l’Etat de combattre la corruption.
Il s’avère également que le caractère conflictuel et la duplicité du Coordonnateur de l’APLC, Thierry Mbulamoko, ont imprimé un climat glacial et dangereux à trois mois des élections générales de décembre prochain. Il est à craindre que l’inconscience politique du Coordonnateur de l’APLC prive le Chef de l’Etat de détailler clairement son bilan dans le volet « lutte contre la corruption ».
Mettre hors d’état de nuire les brebis galeuses
Le Président de la République n’a plus que quelques mois pour défendre son bilan devant le peuple. A ce titre, aucun détail ne devait être négligé. Et en matière de lutte de corruption, le Coordonnateur de l’APLC n’est pas un bel exemple. Bien au contraire !
En réalité, le Coordonnateur Mbulamoko est en mauvaise posture. Il a posé des actes graves qui méritent une sanction.
En effet, il a usurpé les prérogatives du Premier ministre Sama Lukonde en se permettant d’engager le Gouvernement de la RDC, en allant signer un contrat avec un cabinet sud-africain « Centurion Law Group » dans le cadre du dossier Glencore.
Pour avoir fait preuve d’une telle maladresse, la RDC risque de payer 36 millions USD que lui réclame ce cabinet sud-africain parce que celui-ci estime avoir contribué au paiement de l’accord transactionnel de 180 millions USD que Glencore a promis de payer à l’Etat congolais.
Dans le courant de la semaine du 11 septembre 2023, par la faute du Coordonnateur de l’APLC, la RDC sera en procès à Paris contre le cabinet Centurion. A ce titre, des sources gouvernementales rapportent que Mme la ministre d’Etat en charge de la Justice a dû engager des cabinets d’avocats congolais et internationaux pour plaider la cause de la RDC.
C’est dire que M. Mbulamoko doit répondre de ses actes devant la Justice pour avoir trainé la République dans un procès qu’on pouvait lui éviter. En étant responsable de l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption, il aurait dû se comporter en réel défenseur des valeurs prônées par le Président de la République, lorsqu’il a eu l’ingénieuse idée de créer cette Agence.
Par respect pour le Chef de l’Etat, M. Mbulamoko doit présenter sa démission afin de ne pas davantage salir l’APLC. L’image du Chef de l’Etat pourrait tout aussi être en ballottage défavorable, à quelques mois du rendez-vous électoral de décembre 2023.
Dossier à suivre.
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