Ce parti fait exactement tout ce qu’il disait combattre depuis 1982. En trois ans seulement de pouvoir, il se livre de façon ostensible aux violations des droits de l’homme, aux détournements des deniers publics, à la corruption, au culte de la personnalité, tout en se targuant des succès se révélant pourtant des bides : gratuité de l’enseignement fondamental, état de siège, percée diplomatique…Le bilan des trois ans se résume à un enrichissement précoce des membres de la cour présidentielle et une paupérisation accentuée de la population.
Parus récemment, deux articles portant les titres «Frappeurs, chekou-leurs et creuseurs aux commandes de la RD Congo» et «Mike Hammer contre certains patriotes congolais : Les raisons de l’acharnement ! » mettent à mal, mieux à nu le système de prédation installé par l’UDPS depuis janvier 2019 avec pour l’un des effets collatéraux des incidents impliquant Jean-Marc Kabund : l’étalage du luxe insolant dans lequel vit ce dernier.
Par ce luxe, le parti a ôté tout doute raisonnable sur sa capacité de produire le progrès social escompté de l’union pour la démocratie. Trois ans de pouvoir auront ainsi suffi à ruiner, à trahir les idéaux des 37 ans de lutte certifiée UDPS.
Question : pourquoi Kabund a fait le choix de se servir, lui qui prônait des valeurs ? Il doit certainement avoir assisté aux antivaleurs qui se développent autour de Félix Tshisekedi avec en prime l’enrichissement précoce par voies illicites.
La veille du 3ème anniversaire de sa prise du pouvoir (24 janvier 2019-24 janvier 2022), les deux articles font tomber des écailles.
Violations des droits de l’homme élémentaires
La dernière des violations en date des droits de l’homme est la répression brutale et disproportionnée de la manifestation organisée à Lubumbashi le 18 janvier 2022 en faveur du pasteur Daniel Ngoyi Mulunda, en détention depuis janvier 2021 à la prison de Kasapa pour cause d’incitation tribale. A l’instar des notables du Katanga, dont Moïse Katumbi et Jean-Claude Muyambo, Mgr Fulgence Muteba a dénoncé cette répression en des termes durs.
A Kinshasa, les manifestations initiées par des forces politiques et sociales sont soumises à l’humeur du gouverneur de la ville. Tantôt, elles sont autorisées puis annulées, tantôt c’est l’inverse, et cela le même jour. A Goma, Bunia, Bukavu etc., les autorités usent du même caprice, si bien que l’UDPS – autrefois championne du respect intégral des droits de l’homme – en devient maintenant le bourreau.
Détournement des deniers publics
«Il ne reste qu’une poignée de fonctionnaires du Fonds Monétaire International, de la Banque Mondiale et l’Union Européenne pour s’extasier sur les performances des gouvernants de la République Démocratique du Congo», conclut l’auteur de l’article «Frappeurs, chekou-leurs et creuseurs aux commandes de la RD Congo », après avoir fait étalage de quelques-unes des dépenses effectuées rien qu’en 2021: 6 millions USD pour la dernière tournée du président au Kasaï. 1,5 million pour la 8ème conférence des gouverneurs de province. Près de 15 millions pour affrètement des avions au pays et à l’étranger. 11,6 millions USD pour couvrir le séjour du couple présidentiel en Belgique, en Allemagne, en Italie et en Turquie, etc. Et l’auteur de conclure: «De tous les documents relatifs à la gestion de la République Démocratique du Congo, le fichier des dépenses publiques de l’exercice 2021 est le plus accablant».
Corruption
Dans le même article, l’auteur décrit la dérive financière du pays entretenue par le Président Félix Tshisekedi en faveur de l’Union sacrée de la nation, regroupement politique jusque-là sans statuts ni règlement intérieur, sans adresses ni papier à en-tête. Chaque mois, une dotation avoisinant 7.500.000 USD est octroyée aux deux chambres du Parlement, en plus d’un fonds spécial d’intervention mensuel de 2.200.000 USD alloué au tandem Mboso-Kabund.
N’est pas pris en compte le don présidentiel des véhicules Hyundai-Palisade.
Gouvernance financière
Structure dépendant du président de la République, l’Inspection générale des finances pratique la discrimination en se montrant très sévère quand il s’agit de fouiner dans la gestion des membres du régime précédent mais «lente à la colère, riche en bontés « à l’endroit des membres du régime actuel. «Avec l’IGF, la tartufferie dans la gestion des dépenses publiques atteint un niveau inégalé», dénonce l’auteur.
Gratuité de l’enseignement
Disposition constitutionnelle, la gratuité de l’enseignement fondamental telle que Félix Tshisekedi l’avait proclamée en 2019 avait été présentée en chantier phare du nouveau régime. Le chef de l’Etat s’était vanté et réjoui du retour à l’école des 4 millions d’enfants alors que ces statistiques ne reposaient sur rien de concret.
Par contre, le concret pour les années scolaires 2019-2020 et 2020-2021 était plutôt la déperdition scolaire. C’est pour éviter la persistance de celle-ci au cours de l’année 2021-2022 que le régime s’est résigné à la formule de graduation de la gratuité autrefois préconisée par le régime Kabila.
Le fait d’ailleurs de voir la Banque mondiale adopter profil bas depuis l’annonce de ses premiers apports prouve que l’enthousiasme du début est tombé.
Etat de siège
Le 19 janvier 2022 est intervenue la 15ème prorogation de l’état de siège au Nord Kivu et en Ituri. En sollicitant en décembre dernier le concours de l’armée ougandaise pour renforcer les FARDC dans la traque des rebelles ougandais de l’ADF opérant en RDC, le Président Félix Tshisekedi confirme l’échec de son initiative.
D’ailleurs, la province du Sud-Kivu, qui n’a pas été placée sous ce régime d’exception pour des raisons connues de lui seul, est aujourd’hui en proie à une insécurité intensifiée avec les affrontements intercommunautaires et les incursions des forces et des rébellions burundaises. Chose étrange : le chef de l’Etat ne convoque ni le Conseil supérieur de la défense, ni le Haut commandement de l’armée pour traiter de la question.
Percée diplomatique
Pour des pays comme les nôtres, une percée diplomatique se concrétise par le résultat en termes d’investissements. En trois ans, Félix Tshisekedi a effectué une multitude de missions en Afrique, en Amérique, en Asie et en Europe. Il n’en a ramené rien de concret pour son pays. Pire : il s’est entendu dire par Mike Hammer qu’il n’y aura pas d’investissements américains en RDC pour cause de corruption.
Il reste à constater que les investissements en cours de réalisation au pays (routes nationales, eau, électricité etc.) ont été négociés sous Joseph Kabila Kabange.
Culte de la personnalité
Les amateurs des réseaux sociaux en ont ri sous cape : la veille du lancement du charroi automobile de TransAcademia – société créée pour le transport des étudiants – deux visuels ont été précipitamment retirés des bus affectés au transport des étudiants : l’effigie de Félix Tshisekedi et l’indication «Don du président de la République».
L’amplification des réactions négatives ont eu raison de sa volonté d’imposer son image à l’opinion. Déjà, dans les réseaux sociaux circule l’échantillon d’une coupure de 50.000 FC avec l’effigie non pas d’Etienne Tshisekedi, mais de Félix Tshisekedi.
Or, depuis sa création en 1982, l’UDPS a toujours marqué son opposition au culte de la personnalité. Et voilà qu’une fois au pouvoir, ce parti s’y prête avec une certaine allégresse, une certaine délectation.
Echéance 2023 pavée d’incertitudes
Le message est édifiant. Trois ans au pouvoir auront suffi pour le prouver : le parti devenu présidentiel le 24 janvier 2019 ne s’est jamais véritablement préparé à l’exercice du Pouvoir d’Etat. Les empoignades suscitées par l’affaire Kabund n’est rien d’un conflit idéologique ou politique.
C’est une affaire de sous entre ceux qui veulent se servir vite et bien parce que pour eux, l’échéance 2023 est pavée d’incertitudes. Ils se souviennent, eux, de la prédiction de Mike Hammer : Félix Tshisekedi est un président de transition.
Une transition qui s’arrête dans deux ans.
Barnabé Kikaya Bin KarubiAncien ministre, ancien ambassadeur, ancien député, Professeur à l’Unikin