Mercredi au siège des Nations Unies, c’était le jour de vérité sur la position des pays membres de l’Organisation sur la guerre en Ukraine. Si l’ONU a condamné, dans une large majorité, ce qu’elle qualifie d’agression de la Russie, la plupart de pays africains ont préféré s’abstenir, certains, à l’instar du Maroc et de l’Ethiopie, ayant même refusé à participer au vote. Quant à la République Démocratique du Congo, son ambassadeur à l’ONU a clairement affiché sa position en votant contre la Russie. Dans les milieux diplomatiques, certains, plus sceptiques, voient que cette position de la RDC ne brouille les rapports, quoi que ternes, entre Kinshasa et Moscou. Ce qui est vrai est que la RDC a fait le choix de s’aligner derrière la frange la plus importante de l’ONU qui condamne fermement l’action militaire de la Russie en Ukraine.
L’Assemblée générale des Nations unies a adopté mercredi une résolution condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’initiative a recueilli 141 voix pour, cinq (5) contre (Biélorussie, Corée du Nord, Érythrée, Russie et Syrie) et 35 abstentions (les 12 autres pays, dont le Venezuela, n’ont pas participé à la session). Bien qu’elle ne soit pas contraignante, la résolution «témoigne de l’isolement international de Moscou», commente le journal espagnol.
La résolution adoptée par l’Assemblée générale « réaffirme son engagement envers la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, s’étendant à ses eaux territoriales».
Elle «déplore dans les termes les plus énergiques l’agression commise par la Fédération de Russie contre l’Ukraine en violation du paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte» des Nations Unies et «exige que la Fédération de Russie cesse immédiatement d’employer la force contre l’Ukraine et s’abstienne de tout nouveau recours illicite à la menace ou à l’emploi de la force contre tout État membre ».
L’Assemblée générale « exige également que la Fédération de Russie retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays ».
Si la plupart de pays africains ont préféré s’abstenir, la République Démocratique du Congo n’a pas caché sa position en votant contre la Russie. A Kinshasa, les avis sont partagés dans les milieux diplomatiques. Certains, plus sceptiques, y voient plutôt un danger qui pourrait créer une brouille dans les rapports, quoi que ternes, entre Kinshasa et Moscou.
«Six des alliés de Moscou qui avaient voté aux côtés de la Russie en 2014, lors d’un vote similaire après l’annexion de la Crimée, se sont abstenus cette fois-ci : l’Arménie, la Bolivie, Cuba, le Nicaragua, le Soudan et le Zimbabwe», relève pour sa part le journal britannique The Guardian, qui y voit le «reflet de l’indignation mondiale».
Une «ovation» a eu lieu dans la salle à l’affichage des résultats, rapportait, pour sa part, le New York Times. Le quotidien américain souligne toutefois que, dans les discours prononcés devant l’Assemblée générale ces derniers jours, «les diplomates des pays en développement ont noté que la communauté internationale s’était mobilisée beaucoup plus rapidement pour l’invasion d’une nation européenne que pour les conflits qui font rage en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient».
Plusieurs pays arabes sortent de leur neutralité
Soucieux de garder une position d’équilibre entre la Russie et les États-Unis, plusieurs États influents du monde arabe ont condamné l’invasion russe lors de ce vote non contraignant.
L’Égypte, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis ont abandonné leur position de «neutralité» en votant, comme 138 autres pays, en faveur d’une résolution condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, note le site égyptien indépendant Mada Masr.
Leur position, poursuit Mada Masr, tranche avec celle affichée il y a deux jours à peine lors d’une réunion de la Ligue arabe. Ces trois pays avaient approuvé un communiqué final «qui ne condamn[ait] pas la Russie mais appel[ait] plutôt à la diplomatie, à l’évitement de l’escalade et à la prise en considération de la situation humanitaire».
Ce vote à l’ONU constitue même, selon Mada Masr, une «volte-face» pour les Émirats arabes unis. Le 25 février, l’État s’était en effet abstenu, tout comme la Chine, lors du vote d’une résolution pour condamner l’intervention russe dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies, dont il est membre non permanent pour 2022 et 2023.
Depuis le début de la crise, les pays arabes, considérés comme des alliés historiques des États-Unis, cherchent à ménager aussi bien Washington, qui a pris fait et cause pour l’Ukraine, que Moscou, grand fournisseur de blé et d’armes. C’est particulièrement le cas pour l’Égypte, qui est «pressée de toute part pour déclarer publiquement son soutien à l’un ou l’autre camp», écrit le site égyptien.
«Nous avons des intérêts importants aussi bien vis-à-vis des États-Unis que de la Russie. La situation est délicate», s’inquiète une source du gouvernement égyptien citée par Mada Masr. Au point que des rumeurs laissaient entendre que Washington aurait demandé à l’Égypte d’interdire le passage du canal de Suez aux navires russes. Des bruits démentis, le mercredi 2 mars 2022, par le président de l’Autorité du canal de Suez.
Parmi les autres membres de la Ligue arabe, la Syrie, dont le président, Bachar El-Assad, doit son maintien au pouvoir à l’intervention militaire russe dans son pays, a voté contre cette résolution; l’Algérie et l’Irak, «qui ont des liens stratégiques avec la Russie», se sont abstenus, tout comme l’Iran (non-membre de la Ligue arabe) et le Soudan.
Selon une source diplomatique occidentale citée par Mada Masr, le vote de ces deux pays est «un message clair adressé à l’Occident».
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a réagi immédiatement à l’adoption de cette résolution. « L’Assemblée générale s’est prononcée. En tant que secrétaire général, il est de mon devoir de m’en tenir à cette résolution et de me laisser guider par son appel. Le message de l’Assemblée générale est fort et clair : Mettez fin aux hostilités en Ukraine — maintenant. Faites taire les armes – maintenant. Ouvrez la porte au dialogue et à la diplomatie — maintenant», a dit le chef de l’ONU lors d’un point de presse.
«L’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine doivent être respectées conformément à la Charte des Nations Unies. Nous n’avons pas un instant à perdre. Les effets brutaux du conflit sont évidents. Mais aussi mauvaise que soit la situation pour les Ukrainiens en ce moment, elle menace de s’aggraver », a-t-il dit.
Selon le secrétaire général, la résolution d’aujourd’hui «reflète une vérité centrale» : «Le monde veut mettre fin aux terribles souffrances humaines en Ukraine». «Cette même vérité était claire dans la mobilisation rapide de fonds pour nos opérations humanitaires vitales en Ukraine et dans les pays voisins. Notre appel éclair mondial a été accueilli avec une générosité record. Je suis profondément reconnaissant aux donateurs pour leur soutien », a-t-il ajouté.
Econews