L’ancien conseiller spécial en matière de sécurité du Chef de l’Etat comparait, ce vendredi 3 juin, devant la Haute Cour militaire siégeant exceptionnellement à la prison centrale de Makala. Même si le procès de François Beya n’aura pas le même retentissement que celui de Vital Kamerhe, il y a deux ans – les débats n’étant pas télévisés – il met néanmoins en lumière l’atmosphère de méfiance qui règne au sein des cercles confidentiels du pouvoir. Des soupçons de complicité à la déstabilisation du régime de Félix Tshisekedi venant éclabousser des personnalités jusqu’ici données pour intouchables en raison d’une loyauté douteuse.
Ce vendredi à la Haute Cour militaire, l’ancien conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de sécurité, François Beya, dit «Fantomas», ne sera pas seul dans le box des accusés. A ses côtés, le colonel David Cikapa, son directeur du protocole, Guy Vanda, son secrétaire particulier, le brigadier Tonton Twadi Sekele, le commissaire supérieur principal Lily Mauwa et Pierre Kalenga Kalenga. Avec ses co-accusés, l’ancien conseiller spécial devra répondre de très lourdes charges qui pèsent sur lui.
Quatre mois après son interpellation le 5 février dernier, dont deux passés dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR) et son transfert ultérieur à la prison centrale de Makala, François Beya est désormais fixé sur les griefs retenus contre lui, dont il s’est toujours défendu auprès de ses proches, invoquant plutôt une guerre de palais dont il ferait les frais.
Tenues militaires, polo, sac à dos…
La citation à comparaître délivrée aux accusés, et dont une copie a opportunément fuité fait état de l’achat de matériel militaire auprès de Morane Consult basée à Liège en Belgique. Il s’agirait de « trois tenues militaires, un polo militaire, une paire de bottines, un sac à dos et deux ceinturons ».
Plus grave encore aux yeux du pouvoir établi à Kinshasa, François Beya aurait gardé et entretenu des contacts réguliers avec des proches de l’ancien président Joseph Kabila. Pour preuve, l’accusation évoque une rencontre avec le général John Numbi, ancien inspecteur général de la Police nationale congolaise et inspecteur général des FARDC jusqu’à sa fuite à l’étranger. Dans la suite des accusations de «déstabilisation du régime», Beya est également accusé d’avoir retenu des informations sur des projets de ou actes d’espionnage ou de trahison, tels des «actes préparatoires de déstabilisation à partir de la Tanzanie suite à la mutualisation des forces entre la RDC et l’Ouganda».
Sous-commissariat «Idjwi»
«Fantômas» est par ailleurs accusé d’avoir incité des militaires à commettre des actes contraires au devoir ou à la discipline, notamment dans le projet de construction, sans autorisation de la hiérarchie de la police, d’un sous-commissariat surnommé « Idjwi » dans l’enceinte de sa ferme de Mitendi, tache confiée au commissaire supérieur principal Lily Mauwa. Plus grave encore, les exercices de tir qu’il aurait institués, effectués dans la province du Kongo Central pour les unités de police commis à la sécurité du conseil national de sécurité. Une unité calquée sur le modèle du bataillon Simba créé jadis par le général John Numbi, et dont l’existence n’a jamais été prouvée officiellement.
Plus prosaïque, l’ancien «Monsieur Sécurité» de Félix Tshisekedi devra répondre de l’accusation d’injures à l’encontre du chef de l’Etat, étayées par des échanges téléphoniques sur Whatsapp avec un certain Léon Kangudia et dans lesquels François Beya aurait évoqué en termes méprisants le fort penchant, selon lui, de Félix Tshisekedi pour le «fufu» de manioc.
A la suite de l’interpellation de François Beya le 5 février, une rumeur avait laissé entendre que plusieurs personnalités civiles et militaires étaient impliquées dans le «complot » visant le renversement du pouvoir de Félix Tshisekedi, sans que leurs noms aient été révélés. Le huis clos décrété autour du procès vient renforcer dans l’opinion les suspicions d’une procédure ambivalente destinée à protéger, d’une part, certaines susceptibilités politiques et d’autre part, à sévir contre les indésirables du pouvoir.
Hugo Tamusa