«Record historique : 3,3 milliards de dollars américains de réserves de change ! Avec plus de rigueur, nous ferons mieux». La déclaration est de Mme la gouverneure de la Banque centrale du Congo (BCC), Malangu Kabedi-Mbuyi, se félicitant du niveau record, jamais égalé à ce jour, des réserves en devises de la République Démocratique du Congo. La prouesse a été portée à la dernière réunion du Conseil des ministres. En ce temps de basse conjoncture où la pandémie de Covid-19 a sérieusement réduit les marges budgétaires des Etats, aligner 3,3 milliards Usd de réserves internationales relève d’un miracle, alors qu’il y a quelques mois on s’inquiétait d’un assèchement des réserves, obligeant le FMI (Fonds monétaire international) à soutenir en 2020 la RDC avec un apport de 363 millions Usd pour conforter son matelas des devises. Pour le Gouvernement Sama Lukonde, c’est un joli à portée politique inestimable. Comment en est-on arrivé là ? Que s’est-il réellement passé ? Retour sur cet épisode.
Ce n’est pas une génération spontanée qui a permis à la République Démocratique du Congo (RDC) de se constituer des réserves en devises de 3,3 milliards de dollars américains. S’il y a de bonnes raisons d’applaudir parce que la pression ne sera plus exercée sur les finances publiques, l’origine de cette cagnotte n’est pas exclusivement les conséquences d’une prétendue bonne gouvernance.
Il y a une conjonction des facteurs favorables qui a conduit à ce résultat positif, le plus déterminant étant l’apport d’environ 1,5 milliards de dollars américains du Fond monétaire international (FMI) qui a constitué la quote-part de la RDC dans une cagnotte de 650 milliards de dollars américains pour faire face à l’après Covid-19. Il n’y a pas que ça !
A ce niveau jamais égalé des réserves en devises, il faut également signaler d’une embellie des cours des minerais stratégiques, cuivre et cobalt, qui a aussi permis à la République Démocratique du Congo d’améliorer sensiblement ses recettes publiques. Actuellement, le cuivre se négocie autour de 10.000 dollars américains la tonne. Les prévisions de recette ont été dépassées par ce seul fait. La RDC a également amélioré sa part dans la quantité de cuivre produit en affichant, selon les dernières estimations, une production 1,5 millions de tonnes.
Les spécialistes expliquent cette belle moisson dans les finances publiques par un troisième facteur non négligeable : la peur de l’IGF (Inspection générale des finances).
Même si les méthodes de Jules Alingete, le patron de l’IGF, donnent de la matière à redire, il reste que, par ce fait, les recettes ont augmenté parce que les collecteurs de l’Etat, essentiellement la DGI, la DGDA et la DGRAD, redoutent d’être pris la main dans la caisse de l’Etat. Du coup, l’argent est canalisé vers le Trésor public.
C’est donc une conjonction positive de facteurs qui est venue s’ajouter à l’apport important du FMI, daté du 23 août 2021, pour aider ses pays membres, dont la RDC, à améliorer leur réserve en devises. A l’effort national d’augmentation des réserves, l’apport du FMI, soit environ 1,5 milliards Usd, a finalement permis à la RDC de dépasser la barre de trois (3) milliards Usd de réserves internationales.
D’autres paiements attendus du FMI
Pas de confusion donc, le milliard et demi de dollars américains versé dans le cadre de l’atténuation des effets pervers de Covid-19 ne sont pas à confondre avec les appuis de 1,52 milliard de dollars américains qui sont prévus dans le cadre du nouvel accord, étalé jusqu’en 2024, approuvé le 15 juillet 2021 par le Conseil d’administration du FMI.
C’est ce financement qui est étalonné sur trois ans et tout décaissement se fera après une revue concluante. A ce titre, la RDC avait déjà reçu, à l’approbation de ce programme, «le décaissement immédiat d’environ 216,9 millions Usd pour renforcer les réserves internationales».
Au-delà du financement promis dans le cadre accord au titre de la FEC (Facilité élargie de crédit) de 1.066 millions de DTS (environ 1,52 milliards Usd) pour la RDC, il y a lieu de souligner que la RDC a bénéficié d’un nouvel apport de 1.021,7 millions DTS, soit environ 1,5 milliards Usd, dans la cagnotte de 650 milliards Usd mobilisés par le FMI pour aider ses pays membres à accroître sensiblement leurs réserves en devises.
La main du FMI
A ce propos, l’on se rappelle que le Conseil des gouverneurs du FMI avait approuvé, le 2 août 2021, une allocation générale de droits de tirages spéciaux (DTS) équivalente à 650 milliards Usd (environ 456 milliards de DTS) en vue d’accroître les liquidités dans le monde.
La directrice générale du FMI, Kristalina Georgie, avait motivé cette décision en ces termes : «Il s’agit d’une décision historique : la plus importante allocation de DTS de l’histoire du FMI et une bouffée d’oxygène pour l’économie mondiale en cette période de crise sans précédent. Cette allocation de DTS profitera à tous les pays membres, répondra au besoin mondial de réserves à long terme, stimulera la confiance et renforcera la résilience et la stabilité de l’économie mondiale. Elle aidera particulièrement nos pays membres les plus vulnérables qui s’emploient à surmonter les effets de la crise de la Covid-19».
C’est le 23 août 2021, précise un communiqué du FMI, que cette allocation générale de DTS est entrée en vigueur, permettant à la RDC d’avoir droit à environ 1,5 milliards Usd proportionnellement à leur quote-part au FMI.
C’est dire que les 3,3 milliards Usd qu’affiche la RDC ne relève nullement d’une génération spontanée. Cette situation inédite est, dans une certaine mesure, de l’apport conséquent du FMI sur la cagnotte de 650 milliards Usd, indépendamment de 1,52 milliards Usd prévus dans l’accord du 15 juillet 2021 dont le décaissement sont alignés en fonction des résultants de chaque revue semestrielle – la prochaine étant d’ailleurs prévue au courant de ce mois de septembre.
Les réserves en devises de la RDC sont certes considérables, mais c’est une grosse erreur que de penser qu’en se constituant ces réserves de 3,3 milliards Usd, le Gouvernement n’aurait rien entrepris en termes de bonne gouvernance. En effet, depuis un temps, le Gouvernement envoie des signaux rassurants dans l’amélioration de la situation financière de l’Etat. En réconfortant ses réserves en devises, la RDC dispose d’une bonne marge de manœuvre dans la gestion de l’Etat.
Le Droit de tirage spécial en bref
Le Droit de tirage spécial (DTS) est un avoir de réserve international créé en 1969 par le FMI pour compléter les réserves de change officielles de ses pays membres.
Une allocation générale de DTS doit correspondre à un besoin global à long terme de compléter les avoirs de réserve existants. Elle doit également jouir d’un large appui parmi les pays membres du FMI (une allocation doit être approuvée par le Conseil des gouverneurs à une majorité de 85 % du total des voix attribuées aux pays participant au département des DTS). Une fois approuvée, l’allocation est distribuée aux pays membres en proportion de leur quote-part au FMI.
Le 2 août 2021, le Conseil des gouverneurs du FMI a approuvé une allocation générale de DTS équivalant à 650 milliards de dollars (environ 456 milliards de DTS), en vue d’accroître les liquidités dans le monde. Cette allocation de DTS, la plus vaste dans l’histoire du FMI (à compter du 23 août 2021), répond au besoin mondial de réserves à long terme, contribue à instaurer la confiance, renforce la résilience et la stabilité de l’économie mondiale, et aide les pays manquant de liquidités à faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19.
À ce jour, un total de 660,7 milliards de DTS (équivalant à environ 943 milliards de dollars US) ont été alloués. Ce montant comprend la plus grande allocation de l’histoire, d’environ 456 milliards de DTS, qui a été approuvée le 2 août 2021 (avec prise d’effet le 23 août 2021). Cette allocation toute récente vise à répondre au besoin mondial de réserves à long terme et à aider les pays à faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19.
La valeur du DTS repose sur un panier de cinq monnaies : le dollar des États-Unis, l’euro, le renminbi chinois, le yen japonais et la livre sterling.
Econews