Chine et RDC : la promesse d’un mariage

Le Président de la République Démocratique du Congo «RDC» Monsieur Félix Tshisekedi a été accueilli avec tous les honneurs, ce vendredi 26 mai 2023, sur l’esplanade du grand Palais du peuple de Beijing par son hôte, Xi Jinping. Hymnes nationaux, 21 coups de canons, fanfare, défilé militaire et salutations des enfants, la Chine n’a pas lésiné sur le protocole afin de marquer l’importance de l’évènement. En effet, la rencontre du dirigeant de l’une des deux grandes puissances mondiales (Chine) avec le Président du pays africain le plus riche en matière de ressources naturelles (RDC) ne pouvait laisser le monde indifférent. C’est ainsi, qu’il est opportun, d’analyser cette visite afin d’en faire ressortir les grandes lignes et leurs impacts sur la RDC.
Mon analyse se base en grande partie, sur la «Déclaration conjointe entre la République Populaire de Chine et la République Démocratique du Congo sur l’établissement d’une coopération globale et d’un partenariat stratégique ».
En effet, à la lecture de cette déclaration, je retiens 9 engagements majeurs des parties signataires.

Neuf engagements des parties

  1. La Chine et la RDC élèvent leurs relations au niveau de coopération globale et de partenariat stratégique.
  2. La Chine et la RDC promettent de revitaliser la commission mixte de coopération économique Chine-RDC.
  3. La Chine et la RDC s’engagent à étendre leur coopération dans le secteur de la défense et de la sécurité.
  4. La Chine soutient les efforts de la RDC pour faire avancer de manière stable son agenda politique interne.
  5. La RDC reconnaît que Taïwan fait partie intégrante de la Chine et s’engage à s’opposer à tout propos ou acte portant atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Chine.
  6. La Chine s’engage à s’opposer de manière inflexible aux ingérences extérieures dans les affaires intérieures de la RDC.
  7. La RDC et la Chine s’engagent à soutenir le véritable multilatéralisme dans les affaires du monde.
  8. La RDC et la Chine s’engagent à intensifier les échanges entre leurs armées, notamment par la réalisation des exercices et entrainement conjoints.
  9. La Chine s’engage à renforcer les capacités des FARDC.
    Au regard de ses engagements, force est de conclure que la RDC s’engage désormais à devenir un allié indéfectible de la Chine dans les affaires internationales, y compris sur la question très sensible de Taïwan, sur la promotion du multilatéralisme dans la conduite des affaires mondiales et sur un soutien mutuel dans les affaires internationales.
    En échange de ces promesses congolaises, la Chine compte soutenir la RDC, indirectement le Président Tshisekedi, sur deux volets majeurs, qui sont (1) la politique intérieure et (2) la sécurité.
    Pour le premier volet, le message est clair, la Chine va s’opposer systématiquement aux ingérences extérieures dans les affaires internes de la RDC dont il compte soutenir pourtant l’agenda politique, pour ne pas dire celui du régime en place. Compte tenu de l’activisme des pays occidentaux durant les périodes électorales en RDC, cette position chinoise sur les affaires internes de la RDC est un contrepoids crucial pour le régime en place dans un contexte électoral où l’opposition conteste de manière virulente et systématique la crédibilité du processus électoral.
    Pour le deuxième volet, sachant que la RDC est un pays agressé par d’autres pays africais, la Chine, qui ne condamne pas certes directement le Rwanda, promet tout de même un soutien militaire aux FARDC en matière de capacité (formation et équipement) au point d’organiser des exercices militaires conjoints avec l’armée chinoise. Il s’agit là d’un message fort qui ne laissera pas indifférent l’opinion congolaise qui constate que face à l’agression extérieure, seule la Russie, pays allié à la Chine, et la Chine elle-même, ont concrètement appuyé militairement les FARDC par des livraisons d’armes. L’un par une livraison de 160T d’arme et de munitions en 2022 et l’autre par la livraison récente de trois drones d’attaque. Sachant que la Russie compte bien honorer la commande de fourniture d’hélicoptère au FARDC comme l’indique «Africa Intelligence» et que la Chine compte, pour sa part, faire de même par la livraison prochaine d’un système complet de drone au profit des FARDC, il est clair que si l’Occident n’y prend pas garde, Kinshasa penchera plus vers le rouge que le bleu.
    Quant à l’épineuse question des « contrats chinois », cette rencontre n’a pas été le lieu de renégociation comme beaucoup l’attendaient. Cependant, le Président de la Chine a indiqué de manière indirecte que « la Chine espère que la RDC fournira un soutien politique et une commodité de service aux entreprises chinoises qui souhaitent investir et faire des affaires en RDC, et créera un environnement commercial équitable ». Ce souhait du gouvernement Chinois, non repris dans la déclaration conjointe entre la RDC et la Chine, paraît également être une condition de soutien de la Chine qui veut que le pouvoir politique en RDC puisse garantir que l’éventuelle renégociation du « contrat chinois » se fera dans l’intérêt des deux parties.
    Cependant, ceci reste des engagements écrits entre les deux parties, la clef de la réussite de ses engagements mutuels dépendra notamment de la commission mixte de coopération économique Chine-RDC qui sera, probablement la structure clef pour la mise en œuvre de ce nouveau partenariat stratégique.
    En conclusion, le succès ou l’échec de la visite du Président congolais en Chine dépendra de la suite des évènements, surtout des résultats des prochaines élections présidentielles. En effet, si Felix Tshisekedi est réélu, la matérialisation des engagements exprimés dans cette déclaration conjointe est fort probable. En revanche, en cas d’échec de ce dernier à l’élection présidentielle, il est possible que la prochaine administration congolaise remette en question cette approche vis-à-vis de la Chine.
    D’une manière ou d’une autre, il s’agit indéniablement d’un tournant important de la politique extérieure de la RDC qui a longtemps privilégié ses relations particulières avec ses alliés occidentaux. En effet, sachant qu’un autre partenaire stratégique de la RDC, les États-Unis, considère la Chine comme un « danger stratégique », la RDC devra, dans les années à venir, faire preuve d’un équilibrisme géostratégique permanent.
    ENGUNDA IKALA