C’est par la ville de Bukavu que le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a entamé sa visite en République Démocratique du Congo. Lundi 29 mai, il est allé à la rencontre du prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, qui continue à plaider pour un tribunal spécial pour de graves crimes commis, depuis des années, sur le sol congolais.
En visite en République Démocratique du Congo, Karim Khan, procureur de la CPI (Cour pénale internationale), a rencontré le prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, lundi 29 mai à Bukavu (Sud-Kivu), déplorant, à l’occasion, la permanence des exactions et plaidé pour une nouvelle manière de travailler avec les autorités congolaises.
En visite à Bukavu, dans l’Est de la RDC, le procureur de la Cour pénale internationale a prôné «une autre manière de travailler» en concertation avec les autorités congolaises et la communauté internationale, pour lutter contre les crimes de guerre.
«Nous avons eu des cas, nous avons eu des condamnations», a déclaré Karim Khan, après sa rencontre, dans son hôpital de Bukavu, avec Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018, pour son action en faveur des femmes victimes de viols utilisés comme arme de guerre. «Mais une évidence s’impose à nous : les viols n’ont pas cessé, les crimes n’ont pas cessé», a-t-il ajouté.
«Le moment est venu pour monter la montagne de l’impunité en RDC. Je ne peux pas le faire seul. Nous avons besoin de vous tous. Les preuves que nous avons sont là mais ça ne s’arrêtent pas », a déclaré Karhim Khan après avoir été reçu par Denis Mukwege. Mais le plus important, a-t-il fait savoir, «c’est de travailler ensemble pour que les racines de la justice puissent faire tomber la montagne de l’impunité».
C’est en RDC que la CPI a lancé en 2004 sa première enquête, sur des crimes commis en Ituri, dans le Nord-est du pays. Trois condamnations définitives ont été prononcées depuis par la Cour pour des faits commis en RDC.
«Partenariat»
Le procureur de la CPI, qui a également prévu de se rendre en Ituri, achèvera son séjour en RDC à Kinshasa, où il rencontrera les autorités. «Le message est que nous devons trouver une nouvelle manière de travailler… Pas la même que celle que nous avons depuis 2004», a déclaré le procureur.
Selon lui, il faut «une action collective», «un partenariat plus fort» entre le gouvernement, les gouverneurs de province, la société civile […] l’Union africaine, l’Union européenne, les Nations Unies», afin de démontrer une volonté commune de mettre fin aux crimes.
Denis Mukwege n’a pas parlé publiquement à l’occasion de cette visite, mais plaide constamment pour la fin de l’impunité et pour une «justice transitionnelle» afin de stopper la spirale de violences dans laquelle est plongé l’Est de la RDC depuis les années 1990. Dans la cour de son hôpital, des représentants de victimes s’étaient réunis pour accueillir le procureur de la CPI, brandissant des calicots appelant à la justice, réclamant des tribunaux spéciaux ou des chambres spécialisées pour juger les crimes, y compris ceux commis avant la création de la CPI.
Après Bukavu, le procureur de la CPI a mis le cap mardi sur Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri. Au cours de son déplacement à Bunia, Khan va rencontrer les communautés victimes des exactions commises par des groupes armés et terroristes.
A son arrivée lundi par la ville de Kinshasa, Karim Khan a été accueilli par Taylor Lubanga, chargé de mission du Président de la République, Firmin Mvonde Mambu, procureur général près la Cour de cassation, et le lieutenant-général Lucien-René Likulia Bakumi, auditeur général des Forces armées congolaises. Quelques instants après son arrivée, Karim Khan s’est rendu à Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, pour des contacts directs avec le Nobel Denis Mukwege.
Compétence à l’égard de l’ensemble de la situation de la RDC
La RDC a ratifié le Statut de Rome en avril 2002, et, en avril 2004, a renvoyé à la CPI la situation qui prévaut sur son territoire depuis le 1er juillet 2002. La CPI peut donc exercer sa compétence à l’égard des crimes visés par le Statut de Rome et commis sur le territoire de la RDC ou par les ressortissants de cet État à compter du 1er juillet 2002.
Les premières enquêtes de la CPI en RDC ont porté essentiellement sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qui auraient été commis principalement dans l’est du pays, dans la région de l’Ituri et les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, depuis le 1er juillet 2002.
À l’ouverture de l’enquête en juin 2004, le Bureau du Procureur de la CPI a publié un communiqué de presse, reconnaissant que les premières informations relatives aux crimes allégués remontent aux années 1990, mais précisant que la Cour n’a compétence qu’à l’égard des crimes commis à partir du 1er juillet 2002, et où il est dit ce qui suit : «Des États et des organisations internationales et non gouvernementales ont signalé des milliers de personnes tuées sommairement en RDC depuis 2002. Les rapports font état de pratiques de viols, de tortures, de déplacements forcés et de conscriptions illégales d’enfants soldats».
L’enquête a débouché sur un certain nombre d’affaires, dans lesquelles les crimes reprochés étaient notamment les suivants : crimes de guerre : fait de procéder à l’enrôlement et à la conscription d’enfants de moins de 15 ans et de les faire participer activement à des hostilités; meurtre et tentative de meurtre; homicide intentionnel; attaque contre des civils; viol; esclavage sexuel de civils; pillage; déplacement de civils; attaque contre des biens protégés; destruction de biens; sexuel; mutilation, traitements cruels; torture; destruction de biens; pillage et atteintes à la dignité humaine; et crimes contre l’humanité : meurtre et tentative de meurtre; torture; viol; esclavage sexuel; actes inhumains; persécution; transfert forcé de population; attaque contre une population civile; destruction de biens; et pillage.
Cette enquête, la première menée par le Bureau du procureur, a débouché sur trois condamnations dans les affaires. Le procureur C Thomas Lubanga Dyilo et le Procureur c. Germain Katanga, et le procureur c. Bosco Ntaganda et sur l’acquittement de M. Ngudjolo Chui.
Avec AFP