Volatilité du franc congolais : Le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, annonce des mesures fortes

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. C’est l’option levée par le Gouvernement pour freiner la dégringolade du franc congolais sur le marché des changes face au « roi dollar ». Et c’est le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, l’argentier national, qui s’est chargé de l’annoncer lundi à la presse, au cours du traditionnel briefing, avec à ses côtés, le porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya. Pour atténuer la surchauffe qui gagne le marché des changes, quatre mesures conjoncturelles sont déjà à l’œuvre, a annoncé Nicolas Kazadi, à savoir l’intervention de la Banque Centrale du Congo par la politique de l’open market; le paiement de tout impôt, droits et taxes dues à l’Etat en franc congolais; le suivi renforcé et étroit du Plan de trésorerie en parallèle avec le Plan d’engagement budgétaire; et l’interdiction de paiement en cash au guichet BCC. Ces mesures, a reconnu le ministre des Finances, sont destinées à ramener le calme sur le marché des changes. A long terme, pense-t-il, ce sont des mesures structurelles de grande ampleur qu’il faudra mettre en œuvre pour doter l’économie congolaise de réels garde-fous pour défendre la monnaie nationale, le franc congolais.

Il était temps que le Gouvernement s’exprimât enfin sur la dépréciation continue du franc congolais que rien ne semble endiguer. La parité de la devise nationale vis-à-vis du billet vert, le dollar américain, dévisse en effet depuis plus d’un mois, se dépréciant de jour en jour, voire d’heure en heure.

Passant de 2.300 francs congolais pour un dollar américain il y a un mois à peine, en quelques semaines, «Mwana Pwo» a amorcé une descente aux enfers, dépassant la barre fatidique de 2.500 francs congolais pour une unité du billet vert. Une situation paradoxale au moment où les réserves de change affichent plus de quatre (4) milliards de dollars US. Le corollaire classique se traduisant par une érosion significative du pouvoir d’achat des ménages modestes, mais aussi de la hausse étouffante des prix des biens et services.

Il était dès lors urgent d’envisager et de mettre en place des mesures urgentes pour endiguer l’effritement de la confiance générale dans la monnaie nationale.

Nicolas Kazadi, ministre des Finances, en a fait l’économie, lundi tard, dans la soirée, au terme du point de presse, co-animé avec le porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya.

Aussitôt achevée la réunion d’urgence convoquée par le Chef de l’Etat à la cité de l’Union africaine dans la soirée de ce lundi, et à laquelle ont pris part les membres du gouvernement du secteur économico-financier, le ministre des Finances Nicolas Kazadi, de concert avec son collègue Patrick Muyaya, a tenu à éclairer l’opinion sur les mesures arrêtées en vue de mettre un frein à la dépréciation «inexplicable » du franc congolais constatée depuis quelques semaines sur le marché de change.

De prime abord, l’argentier national a joué le jeu de la franchise : il a reconnu notamment la surchauffe sur le marché des changes qui met à mal l’économie nationale, grevant le pouvoir d’achat du « petit peuple », selon ses termes. En clair, l’effritement de la valeur de la monnaie nationale par rapport à la devise de référence (le dollar américain).

Une situation aussi inédite qu’inexplicable si, selon les dires du ministre des Finances, les réserves de change en devises étrangères flirtent avec les 5 milliards de dollars US. La raréfaction du dollar américain sur le marché de change s’accompagnant de sa raréfaction induite par sa forte demande, influant de facto sur les tendances économiques et une baisse significative des investissements.

« Nous avons pris des mesures urgentes pour arrêter la surchauffe sur le marché des changes à l’issue d’une réunion autour de Président de la République car il a été constaté que c’est depuis le début de l’année qu’il y a une surchauffe qui a une implication sur le marché des biens et services » a-t-il déclaré.

Il était donc urgent de trouver des mesures d’équilibre afin d’éviter un dérapage inéluctable, grâce à une couverture saine du volume financier, en prenant le soin de ne pas recourir à l’activation de la planche à billets.

LE FRANC CONGOLAIS EN RÉANIMATION

Parmi les mesures arrêtées, il y a la limitation drastique des dépenses en numéraires, en restreignant les paiements au guichet de la Banque Centrale du Congo. L’objectif à terme, plaide Nicolas Kazadi, étant de privilégier la demande en franc congolais et par ricochet, réduire les demandes de devises étrangères.

Autre recommandation de taille : il s’agirait d’encourager les Congolais à s’acquitter des impôts, droits et taxes dues à l’Etat en franc congolais pour accroître la demande de la devise nationale, permettant ainsi à la BCC de renforcer les Plans de trésorerie et de surveiller la qualité des dépenses publiques.

Selon le ministre des Finances, cette panoplie des décisions serait à même de réguler la demande du dollar sur le marché des changes, convaincu que cette dernière – la dédollarisation de l’économie – ne saurait apporter ses fruits que si les Congolais font confiance à leur monnaie par un changement des mentalités et une culture citoyenne dans son utilisation.

Réagissant à la batterie de mesures prises et annoncées par le ministre des Finances, un observateur faisait remarquer à Econews qu’ « en réalité, il n’y a rien de nouveau. Comme des lois et règlements qui régissent notre pays dans quasiment tous les secteurs, les textes existent bel et bien. Il suffit de les appliquer ».

C’est ce que rappelle Nicolas Kazadi. Une façon d’appeler toutes les autorités congolaises qui ont une parcelle d’autorité dans les questions financières et monétaires à une réelle discipline.

C’est dire que stabiliser la monnaie ne relève pas d’un miracle.

Tout dépend de la discipline que s’imposent les uns et les autres, c’est-à-dire le Gouvernement dans la mise en œuvre de la politique budgétaire et la Banque Centrale du Congo dans le volet de la politique monétaire.

Le plus important est qu’au travers du ministre des Finances, le Gouvernement s’est résolu d’attaquer le taureau par les cornes en édictant des mesures urgentes qui appellent à une réelle orthodoxie dans les finances publiques et dans la gestion de la monnaie.

Econews

Point de vue d’un expert

Le gouvernement déploie des efforts considérables pour instaurer la stabilité de notre nation dans sa transition économique. Cependant, il est crucial de ne pas perdre de vue les répercussions directes de l’inflation découlant de la hausse du taux de change du dollar, qui influe directement sur le pouvoir d’achat. L’inflation se traduit par une augmentation globale et durable des prix des biens et services au sein d’une économie.

Cela implique que les consommateurs doivent débourser une somme supérieure à celle dépensée auparavant pour acquérir les mêmes biens et services.

Par conséquent, l’inflation amoindrit le pouvoir d’achat des consommateurs. À titre illustratif, si l’inflation atteint 2% annuellement, cela signifie que les prix des biens et services augmentent au minimum de 2% chaque année. Ainsi, si un consommateur avait besoin de 100 dollars US pour acheter une liste donnée de biens et services l’année précédente, il devra débourser 102 dollars US cette année pour la même liste.

Si le revenu du consommateur n’a pas augmenté en proportion équivalente, son pouvoir d’achat se trouve amoindri. Cependant, les mesures prises pour freiner la spirale inflationniste, établir une politique budgétaire responsable face au déclin de la production et de l’emploi, peuvent malheureusement engendrer une réduction des dépenses de consommation. Cela peut à son tour entraîner une diminution des revenus des entreprises et des travailleurs, ce qui impacte négativement la demande globale dans l’économie.

Par conséquent, nous estimons qu’en parallèle de ces mesures, il est judicieux d’adopter d’autres initiatives pour stimuler l’économie par le biais de la demande. Cela pourrait prendre la forme d’u e augmentation des dépenses publiques, d’une baisse des taux d’intérêt pour faciliter l’accès aux crédits, ou encore d’une réduction des impôts pour inciter davantage les individus à consommer. C’est la solution à long terme.

Pour l’instant, les mesures urgentes adoptées par le Gouvernement ont l’avantage de freiner la chute libre du franc congolais sur le marché des changes.

A tout prendre, on est dans une phase de réanimation du franc  congolais, avant de jeter les bases d’une stabilisation à long terme.

CP