Jeudi devant la presse, Tony Mwaba, ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, était à la défensive pour défendre le programme gouvernemental qu’il met en œuvre dans le sous-secteur de l’enseignement primaire, secondaire et technique. Alors que la rentrée scolaire, en vigueur depuis le 4 octobre 2021, bat de l’aile, Tony Mwaba se veut plutôt optimiste ! «Il n’y pas de grève dans les écoles. C’est juste une action anti-gratuité. Nous assistons à une sorte de manipulation», a dit le ministre de l’EPST sur les antennes de la télévision nationale. Toujours est-il que les assurances de Tony Mwaba contrastent avec ce qui s’est passé jeudi matin à Kinshasa, avec des élèves, habillés en bleu et blanc, qui ont pris d’assaut le Palais du peuple, siège du Parlement.
Il a été très sollicité pour rendre compte à l’opinion du chaos qui ronge le secteur public de l’enseignement primaire, secondaire et technique (EPST). Finalement, c’est hier jeudi que Tony Mwaba, ministre de l’EPST, s’est prêté à cet exercice, aux côtés du porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya
Trois semaines après la rentrée scolaire, les élèves du secteur public de l’EPST n’ont toujours pas accès aux cours, les enseignants ayant décidé de sécher les salles de classe. Qu’est-ce qui se passe réellement ?
Tony Mwaba, par ailleurs professeur d’universités, balaie d’un revers de main l’hypothèse d’une grève. «Aucun syndicat de l’EPST n’a décrété la grève de façon officielle. Nous assistons juste à une action anti-gratuité », tranche-t-il.
Quoi qu’il en soit, il confirme la ferme volonté du Gouvernement, alignée derrière la vision du Président de la République, d’aller jusqu’au bout de la gratuité. «La gratuité de l’enseignement de base est irréversible ».
Sans remettre en cause les revendications des enseignants, Tony Mwaba reconnaît que le Gouvernement est conscient des défis à relever et y travaille.
D’où, son appel à tous les partenaires du secteur de l’EPST. « Il n’y a aucune raison de sécher, d’abandonner les enfants. Avec la signature de l’arrêté interministériel, nous allons nous occuper de ces problèmes ».
Convaincu qu’il y a une main noire politique derrière ce qui se passe dans les écoles publiques, Tony Mwaba a lancé : « Acteurs politiques, laissez nos enfants étudier ! »
Des élèves prennent d’assaut le Palais du peuple
Toujours est-il que des milliers d’élèves des écoles publiques de Kinshasa ont assiégé, jeudi 21 octobre, l’enceinte du Palais du peuple, siège du Parlement. Ils réclamaient la reprise des enseignements, actuellement paralysés par une grève sèche des enseignants depuis la rentrée scolaire 2021-2022 qui a eu lieu le 4 octobre.
Les élèves exigeaient une solution aux revendications des enseignants qui demandent une nette revalorisation de leurs salaires ainsi que la mécanisation des nouvelles unités. Ils scandaient des chansons et lançaient des cris hostiles au régime en place. A l’instar de ‘‘Soki classe ezongi te, to ko mela Bombé’’ (en Lingala), entendez en français : ‘‘Si la rentrée scolaire n’est toujours pas effective, nous allons consommer de la drogue et autres substances ou liqueurs enivrants’’. C’est dire qu’ils vont gagner la rue, avec toutes les conséquences qui pourraient s’en suivre. Et ça serait alors une menace pour une année blanche.
Pour les observateurs, l’école est en panne. Aussi les élèves revendiquent-ils la reprise effective des enseignements. L’opinion estime que la gratuité de l’enseignement de base, bien que constitutionnelle, a été mal engagée, mal appliquée. Sans prendre toutes les précautions nécessaires devant la mener à bon port et la pérenniser.
La précipitation avec laquelle cette mesure a été appliquée, sans doute, pour des raisons politiques, est à la base du couac que l’on connaît aujourd’hui. C’est ainsi qu’il est demandé au Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, de se mettre à l’écoute des enseignants pour tenter de sauver les meubles.
On ose croire qu’il n’est nullement question de rabaisser le Chef de l’Etat dans la mesure où il a promis, durant son mandat, de faire du dialogue un mode de gestion pour trouver des solutions aux problèmes qui se posent dans le pays. Et puis, il s’agit d’un conflit de travail qu’on ne peut résoudre que par le dialogue entre deux parties.
D’ailleurs, la signature, dernièrement, de l’arrêté interministériel pour la création d’un Conseil permanent du dialogue social entre le Gouvernement et le banc syndical s’inscrit déjà dans ce cadre.
En effet, fait-on remarquer, « c’est l’enseignement qui est gratuit ! L’enseignant, lui, ne l’estpas ». Il doit être payé correctement.
Les 40.000 Fc qui fâchent
Le bras de fer entre le Gouvernement et le banc syndical des enseignants s’est encore radicalisé, ces derniers jours, avec les menaces répétées du ministre Tony Mwaba de désactiver des listes de paie les enseignants grévistes, et de les remplacer par de nouvelles recrues.
Le ministre accuse, en effet, ces derniers d’être manipulés par la hiérarchie de l’Eglise catholique, actuellement en délicatesse avec le pouvoir en place, sur la désignation des animateurs de la Commission électorale nationale indépendante (Céni).
Dans tous les cas, le Gouvernement ne doit pas chercher à la fois une chose et son contraire. Il ne va tout de même pas sacrifier la jeunesse écolière, l’avenir de demain, et les enseignants devant assurer cette relève. Le saupoudrage de 40 000 Fc ajoutés à la rémunération -c’est vrai que c’est mieux que ne rien avoir – ne représente pas grand-chose face à la dépréciation continue du Franc congolais. Les enseignants de l’EPST/secteur public, ne vivant pas sur une autre planète, ne sont que des vacataires, situation qui ne les rassure pas dans leur carrière. Et c’est dommage que l’EPST soit le seul département ministériel dont les fonctionnaires ne bénéficient pas de prime.
TMB