D’ici au 19 novembre 2023, il reste juste trois petites semaines. Trois semaines éprouvantes pour l’ordre institutionnel national et provincial.
En effet, plusieurs députés nationaux, sénateurs et députés provinciaux ainsi que plusieurs ministres nationaux et provinciaux actifs vont devoir rendre le tablier.
La loi électorale interdit l’exercice des fonctions publiques en étant à la fois candidats à des fonctions publiques électives. Sauf, bien entendu, pour le Président de la République postulant pour un second et dernier mandat.
Le Chef de l’Etat a la garantie de garder son mandat et de l’exercer pleinement jusqu’à l’investiture de son successeur élu, successeur susceptible, pour l’heure et en ce qui concerne Félix Tshisekedi, d’être lui-même si l’électorat lui renouvelle la confiance.
Pourquoi cet état de choses ?
De 2006 à 2023, le pays en est à son 4ème cycle électoral: le premier en 2006, le deuxième en 2011, le troisième en 2018 alors qu’il aurait dû avoir lieu en 2016 et le quatrième en 2023.
La veille de chaque échéance, ce handicap pour l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement se répète au travers de la mise en veilleuse des institutions à mandat électif et de la contrainte à la liquidation des affaires courantes imposée à l’équipe gouvernementale, même si aucune disposition constitutionnelle ne l’impose.
Or, après la Transition 1+4, qui s’était neutralisée au cours de l’année 2006 dès l’instant où Azarias Ruberwa, Jean-Pierre Bemba et Z’Ahidi Arthur Ngoma, Vice-présidents de la République en charge respectivement de la Défense et Sécurité, de l’Economie et Finances ainsi que du Social, s’étaient eux aussi portés candidats à la présidentielle à l’instar de Joseph Kabila, Président de la République en fonction, les Constitutionnalistes auraient dû songer à des dispositions qui sécurisent le fonctionnement de toutes les Institutions citées à l’article 68, de façon à éviter le fameux vide juridique.
Malheureusement, on ne l’a jamais fait. Et visiblement, le législateur n’y a jamais songé.
Conséquence : à partir du 19 novembre prochain, la République n’aura pour unique Institution à mandat électif que le Président de la République.
Comme pour paraphraser l’artiste musicien congo-brazzavillois Zao, la RDC aura une Assemblée nationale «cadavere », un Sénat «cadavere » et même un Gouvernement à l’article de la mort !
Même si avant son «enterrement » le Parlement pourra voter une loi d’habilitation confiant au Chef de l’Etat des pouvoirs législatifs, le pays n’en sera pas moins fragilisé.
On ne le souhaite pas, et croisons les doigts pour que cela ne se produise jamais : en cas de guerre, Félix Tshisekedi en portera seul la responsabilité de la mener.
Certes, les fous du roi s’en réjouiront, mais si les choses venaient à se gâter, ils ne seraient pas là pour l’accompagner dans la Décadence, l’alternative naturelle à la Grandeur.
On a pensé que l’expérience de l’Alternance politique de janvier 2019 aurait pu être mise à profit pour des réformes conséquentes.
Prenons l’exemple du Gouvernement Bruno Tshibala en place à l’investiture du Président Félix Tshisekedi.
Neutralisé sur base d’une déclaration sans fondement constitutionnel, il avait été mis quasiment en quarantaine. Ses prérogatives avaient été récupérées plus par le cabinet du Chef de l’Etat que par ce dernier en personne.
Au final, il y avait eu le fameux procès du Programme des 100 Jours. Tout le monde avait vu et entendu un ministre du Développement rural sorti – Justin Bitakwira en l’occurrence – dégager sa responsabilité du projet des maisons préfabriquées tel qu’exécuté alors qu’il en était le répondant de l’Etat congolais devant Jamal !
Pire, on avait vu le pays rester sans Gouvernement de janvier à septembre 2019, le temps d’en finir avec les contentieux électoraux au niveau des législatives et de mettre sur pied l’Assemblée nationale et le Sénat issus des élections.
Or, le Président de la République étant investi le 24 janvier, l’idéal aura été de disposer du Parlement dans les deux semaines qui viennent et du Gouvernement avant le 24 février.
Entre-temps, principe de continuité de l’Etat oblige, le Gouvernement « sortant » à remanier au plus tard le 19 novembre 2023 du fait de la sortie des ministres candidats à la députation nationale et à la députation provinciale doit disposer de la plénitude des prérogatives constitutionnelles jusqu’à la remise-reprise avec le Gouvernement entrant.
A quand et pour quand ?
Pour l’instant, est menteur tout compatriote qui dit connaître la date à laquelle le premier gouvernement du prochain quinquennat sera mis en place !
Ainsi, dans un pays où, d’ailleurs, on ne sait donner exactement la superficie réelle du territoire national et où on ne connaît pas non plus la démographie approximative (nous assumons), les dirigeants ont fait le choix insolite de (nous) faire naviguer à vue.
C’est comme si on a pour vocation de ne rien prévoir, de ne rien entreprendre qui soit de solide, de pérenne.
Juste un exemple : le libellé de l’alinéa 1 de l’article 75 est « Le Président de la République élu entre en fonction dans les 10 jours qui suivent la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle ».
Dans la synthèse du calendrier électoral en cours de la Ceni, sont prévus :
- au point 12 le lancement de la campagne électorale pour notamment les candidats Présidents de la République du 19 novembre au 18 décembre 2023,
- au point 14 la tenue du scrutin dont la présidentielle et
- au point 15 la prestation de serment du Président de la République.
Entre la date du scrutin (20 décembre 2023) et celle de l’investiture (24 janvier 2024), la Ceni va disposer de 24 jours pour les opérations menant à la proclamation des résultats provisoires par elle-même et des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle !
24 jours au cours desquels seul le Président de la République exercera les prérogatives constitutionnelles parce que le législateur se sera lui-même mis en indisponibilité et aura mis le Gouvernement en impossibilité de travailler !
63 ans et demi après, laisser l’initiative aux choses de se mettre en place elles-mêmes, c’est plus que gênant. C’est irresponsable…
Omer Nsongo die Lema (CP)