Une réunion extraordinaire du conseil des ministres est convoquée ce lundi 9 septembre autour du chef l’Etat de retour au pays après avoir pris une part active au 9ème Forum de coopération Chine Afrique (FOCAC) du 4 au 6 septembre à Beijing (Chine) où il avait dans sa suite une dizaine de membres du gouvernement. Au menu, en dehors des questions liées à la situation sécuritaire dans le Nord-Kivu et en Ituri, des dossiers brûlants tels la tentative d’évasion des prisonniers de la prison centrale de Makala, «l’empoisonnement» des bureaux du ministre de la Justice, mais aussi du Garde des Sceaux lui-même et naturellement la restitution de l’évolution des relations bilatérales sino-congolaises. Surtout, la Première ministre Judith Suminwa Tuluka ne manquera pas d’exprimer de vive voix sa déception suscitée par ‘‘la communication médiocre’’ de certains membres du gouvernement dans la gestion de la tragédie de la prison centrale de Makala. Le moins que l’on puisse présager est que certains membres du gouvernement ne seront pas à leur aise, et envisageraient d’ores et déjà de se démettre avant qu’ils ne soient poussés à la porte de sortie.
La Première ministre est en colère. On la croyait alors capable d’avaler des couleuvres à l’infini, jusqu’à ce qu’elle sorte de ses gonds au cours du conseil des ministres de vendredi. Judith Suminwa Tuluka a ouvertement dénoncé ‘‘la communication médiocre’’ de certains de ses ministres dans le dossier lié à la tentative d’évasion à la prison centrale de Makala au début du mois. Elle faisait sans doute référence aux déclarations à la limite de l’insulte aux morts du vice-ministre de la Justice qui avait annoncé un bilan de deux victimes; il était contredit quelques heures plus tard par son supérieur immédiat Constant Mutamba qui lui, rapportait le terrible bilan de 129 morts au moins et une bonne cinquantaine de blessés. Précisant que parmi les tués, 24 étaient tombés sous les balles des gardiens, les autres ayant perdu la vie par étouffement dans leur ruée vers les sorties des pavillons dont les portes avaient été cassées.
La Première ministre a particulièrement invité les membres du gouvernement à adopter une communication coordonnée et cohérente. Difficile ne pas penser que Mme Suminwa Tuluka en faisant cette déclaration n’avait pas à l’esprit la confusion autour des communications des uns et des autres sur la situation à la prison centrale de Makala dans la nuit du 1er au 2 septembre.
C’est ainsi qu’arrivé en premier sur les lieux en milieu de matinée, le vice-ministre de la Justice Mbemba n’a eu ni l’élégance de démissionner, ou à tout le moins de présenter des excuses, mettant en lumière le caractère hasardeux de la communication gouvernementale.
MINISTRES ÉLECTRONS LIBRES
Il est un fait qu’il se trouve des membres du gouvernement censé être dirigé par Mme Suminwa Tuluka qui se comportent en électrons libres, ne croyant pas indispensable d’en référer à leur supérieure hiérarchique quand il s’agit de communiquer à l’opinion nationale le rendu d’événements aussi graves à l’image du massacre des détenus de la plus grande prison du pays. Il n’est pas rare non plus que des ministres prennent des initiatives à titre personnel, engageant un gouvernement dont la Première est laissée en marge.
Il est devenu habituel de voir s’inviter régulièrement sur les plateaux de télévisions sulfureuses des membres du gouvernement qui se répandent en déclarations aussi hasardeuses qu’inattendues de la part de hautes personnalités du pays.
C’est ainsi que tout récemment, le Ministre des Sports Didier Budimbu, invité d’une émission de télévision, s’est déchaîné sur Joseph Kabila, le qualifiant de «Mutu ya mandefu (Traduction : le barbu)», en lui faisant porter la responsabilité des échecs du mandat de Félix Tshisekedi ! Difficile de croire que ces élucubrations avaient obtenu en amont l’aval de la Première ministre ou à défaut, celui du conseil des ministres.
Omniprésents sur les réseaux sociaux (sauf quelques exceptions), c’est à qui gagnerait la course au monopole de la possession de la ‘ vision’’ du chef de l’Etat, et afficherait la plus grande haine de l’ancien président Joseph Kabila.
Cette indépendance qui s’apparente à une insubordination manifeste trouve son origine à la nomination des membres du gouvernement sélectionnés dans les officines de l’Union sacrée, la Première ministre ayant été mise devant le fait accompli et réduite à avaliser une équipe d’hommes et de femmes désigné.es dans la plus grande discrétion sous le pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat aidé en cela, dit-on, du truculent Secrétaire général de l’UDPS Augustin Kabuya qui ne s’en est jamais caché d’ailleurs . Nombre de ministres et vice-ministres, c’est indéniables ne se gênent pas de déclarer publiquement qu’ils.elles ne dépendent que du chef de l’Etat, faisant fi de l’autorité de la cheffe du gouvernement qui, jusqu’ici, s’est contentée de rester dans une expectative à laquelle elle vient de mettre un terme par un coup d’éclat qui ne restera pas sans conséquences. Judith Suminwa se devait donc de mettre un holà à la chienlit qui s’installait. Et de rappeler à l’ordre les brebis galeuses parmi ses collaborateurs au gouvernement qui cachent leur incompétence notoire et se fourvoient dans des déclarations à l’emporte-pièce qui mettent à mal aussi bien la cohésion de l’Exécutif que le prestige de la fonction ministérielle.
Ils croient, ce faisant, s’attirer la sympathie du président de la République et les privilèges qui vont avec. Se comportant plus en ‘‘commu-nicateurs’’, voire en ‘‘parlementaires debout’’ du régime en place qu’en ministres, ils.elles suscitent une gêne qui plonge la Première ministre dans un profond embarras et, certainement, un gouffre de tristesse.
UN CONSEIL DES MINISTRES EXTRAORDINAIRE
La participation du Président de la République au 9ème Forum de coopération Chine-Afrique à Pékin (Chine), en compagnie d’une bonne dizaine de ministres, a eu pour conséquence la tenue d’une réunion restreinte de l’Exécutif, vendredi dernier, autour de Mme la Première ministre. Celle de ce lundi 9 septembre sera, on s’en doute, des plus houleuses, même si les échanges ne sont pas toujours rapportés textuellement au compte-rendu.
Cependant, il n’est pas exclu que l’épineux dossier de la tragédie de la prison centrale de Makala et sa gestion catastrophique fera l’objet d’une attention particulière, avec dans sa suite des mesures nécessaires et un avertissement sans faille.
Certain observateurs estiment de leur part que tous les ingrédients sont désormais réunis pour un réaménagement technique du gouvernement enfin débarrassé de certaines unités qui s’ingénient, par leur comportement et déclarations, à niveler la société congolaise par le bas.
Econews