A l’impossible, nul n’est tenu, dit-on. Pressé par le spectre d’une année blanche dans le secteur public de l’Enseignement primaire, secondaire et technique (EPST), le Gouvernement a décidé de mettre un peu d’eau dans son vin en assouplissant les contraintes nées de la gratuité de l’enseignement de base. Si l’option de la gratuité demeure en l’état, elle connait néanmoins un léger réaménagement. Au Gouvernement, on relativise cette mesure, prise lors des pourparlers de Mbuela Lodge qui ont réuni autour d’une table le Gouvernement et le banc syndical de l’EPST.
«Un fruit ne tombe que quand il est mûr, mais devant l’ouragan et la tempête de l’histoire, mûr ou pas mûr, il tombe». C’est la célèbre phrase prononcée en 1973 par le président Mobutu (décédé) du haut de la tribune des Nations Unies. Près d’un demi-siècle après, le Gouvernement Sama Lukonde Kyenge s’est retrouvé face à cette dure réalité, lorsqu’il s’est agi de maintenir ou non le bras de fer avec le personnel enseignant du secteur public de l’Enseignement primaire, secondaire et technique (EPST).
Malgré sa détermination à demeurer dans une gratuité totale de l’enseignement de base, comme promis par le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le Gouvernement s’est retrouvé dans l’obligation de rétropédaler pour sauver une année scolaire au bord de la perdition.
Ainsi, la gratuité de l’éducation de base ne sera plus mise en place dans sa forme originale. Au terme des concertations de Mbuela Lodge, dans la province du Kongo Central, le Gouvernement s’est finalement plié à la pression du personnel enseignant du secteur public de l’ESPT.
C’est dire que, pour sauver l’année scolaire 2021-2022, les Parents d’élèves seront obligés d’apporter leur contribution. Plus question d’une gratuité absolue. N’en déplaise au ministre de l’EPST, le professeur Tony Mwaba, qui avait juré que la gratuité de l’enseignement de base était non négociable, et par conséquent irréversible. Le patron de l’ESPT a été finalement rattrapé par la dure réalité sociale. Pour cette année scolaire, les parents seront donc obligés de mettre la main dans la poche.
Que dire de ce rétropédalage ?
Pour dire vrai, il n’y a pas de honte à se repentir de son erreur.
Lancée en 2019, sans programmation évidente, la gratuité de l’enseignement de base s’est essoufflée à sa deuxième année. Dans le contexte difficile de Covid-19 qui a sérieusement réduit la marge budgétaire de l’Etat congolais, assouplir la gratuité de l’enseignement devenait plus qu’évidente.
La ferme résistance du Gouvernement à ne pas céder au caprice, encore moins au chantage des enseignants – de l’avis du ministre de l’ESPT, n’aura été de courte durée.
Dans ce duel qui s’est dénoué dans le Kongo central, loin des bruits de Kinshasa, il n’y a ni perdant, ni gagnant. En tout cas, si on doit charger, il ne peut se retrouver dans le système éducatif national qui a été sauvé d’un naufrage.
Quoi qu’il en soit, la gratuité de l’enseignement de base reste une urgence nationale. Et on ne peut pas s’en dérober. Car, grâce à la gratuité de l’enseignement, ce sont des millions d’enfants en âge de scolarité qui ont réintégré le système éducatif. C’est aussi une armée redoutable contre la déperdition scolaire.
C’est dire qu’après ce coup d’arrêt, c’est le moment de lancer un vrai débat national autour de ce projet de la gratuité de l’enseignement de la base qui ne se réduit nullement au Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi. Le principe étant consacré clairement dans la Constitution, c’est le moment d’y travailler sérieusement par une bonne programmation pour mobiliser les moyens nécessaires à affecter à ce grand projet.
En capitulant, le Gouvernement n’a donc pas renoncé à son projet. Ne dit-on pas qu’il faut reculer pour mieux sauter. Une autre sagesse rappelle que «qui veut aller loin ménage sa monture».
Autrement, les conclusions de Mbuela Lodge doivent servir de déclic pour un renouveau dans la prise en charge de l’enseignement de base en RDC. Ce n’est pas l’occasion pour tous les acteurs du secteur de dormir sur leurs lauriers. Bien au contraire.
L’année scolaire 2021-2022 est certes sauvée, mais la gratuité de l’enseignement de base n’est pas définitivement enterrée. Procéder ainsi serait une grave erreur pour ces enfants perdus qui ont retrouvé le chemin de l’école par le fait de la gratuité de l’éducation de base.
Selon la note circulaire du ministre de l’ESPT, faite sur la base des conclusions de Mbuela Lodge, chaque gouverneur de province fixe, par arrêté, les frais à payer pour son entité respective (Lire en page 3, l’arrêté de Gentiny Ngobila Mbaka pour la ville de Kinshasa).
Dans tous les cas, la gratuité intégrale est un des objectifs des états signataires du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), entrée en vigueur le 3 janvier 1976, permettant la réalisation du droit à l’éducation, qui est « à la fois un droit fondamental en soi et une des clefs de l’exercice des autres droits inhérents à la personne humaine ».
Econews