Felix et Joao

Virage stratégique à Kinshasa : Tshisekedi accepte des négociations «directes» avec AFC/M23

Alors que des pourparlers secrets liant minerais stratégiques et soutien sécuritaire se précisent entre Kinshasa et Washington, le Président Félix Tshisekedi opère un virage surprenant : sous médiation angolaise, la RDC accepte désormais des négociations directes avec la rébellion AFC/M23, pourtant qualifiée de «pantins du Rwanda». Une décision officialisée mardi à Luanda lors d’une rencontre à huis clos avec João Lourenço, président en exercice de l’UA (Union africaine), qui pilotera les discussions. «Les délégations de la RDC et du M23 se rencontreront à Luanda dans les prochains jours», annonce la présidence angolaise. Un revirement stratégique qui interroge : pression internationale, realpolitik ou lassitude face à l’enlisement militaire ? Réponses à venir au prochain sommet de Luanda.

Dans un revirement diplomatique aussi inattendu que symbolique, le président de la République, Félix Tshisekedi, a accepté, sous médiation angolaise, d’engager des pourparlers directs avec la rébellion M23, pourtant qualifiée depuis des mois de «groupe terroriste» et de «pantin du Rwanda» par Kinshasa.

Cette décision, officialisée, mardi à Luanda, lors d’une rencontre à huis clos avec son homologue angolais João Lourenço, président en exercice de l’Union africaine (UA), survient dans un contexte de pressions régionales et internationales croissantes, alors que des négociations secrètes entre la RDC et les États-Unis pour un échange « minerais contre sécurité » semblent s’accélérer.

CHANGEMENT DE CAP

Selon un communiqué publié par la présidence angolaise, Luanda, en sa qualité de médiateur dans le conflit de l’Est congolais, va désormais « établir des contacts avec le M23 » pour organiser des négociations directes entre la rébellion et Kinshasa « dans les prochains jours ». L’objectif affiché : « Négocier une paix définitive » dans cette région déchirée par des décennies de violences.

Un langage en nette rupture avec la posture jusqu’ici inflexible de Tshisekedi, qui refusait tout dialogue avec le M23, accusé d’être soutenu militairement et financièrement par Kigali.

Ce changement de stratégie intervient alors que Radio France Internationale (RFI) révélait récemment des négociations avancées entre la RDC et les États-Unis autour d’un accord liant l’accès aux minerais stratégiques (cobalt, lithium, coltan) à un soutien sécuritaire américain.

Si les détails restent flous, ce «deal» pourrait expliquer la volonté de Kinshasa d’apaiser rapidement le front Est pour sécuriser les zones minières, vitales pour la transition énergétique mondiale.

«Tshisekedi est pris en tenaille entre les attentes de la communauté internationale, soucieuse de stabilité pour exploiter les ressources, et sa base nationale, qui exige une victoire militaire», analyse un diplomate européen sous couvert d’anonymat.

POURQUOI CE REVIREMENT ? PRESSIONS OU PRAGMATISME ?

A ce titre, la médiation de João Lourenço, allié historique de la RDC et figure respectée sur la scène africaine, offre une porte de sortie crédible.

La question agite les cercles politiques congolais : qu’est-ce qui a poussé Félix Tshisekedi à accepter soudainement de s’asseoir à la table des négociations avec le M23 ?

Certains observateurs évoquent des pressions conjointes de l’UA, des États-Unis et de partenaires économiques, impatient de voir la RDC stabiliser ses zones minières. D’autres y voient un calcul pragmatique face à l’enlisement militaire : malgré le soutien de milices locales et de contingents étrangers (comme les forces de la SADC), Kinshasa peine à reprendre le contrôle total des territoires occupés par le M23.

«Le Président a compris qu’une solution purement militaire était illusoire. Même s’il continue de dénoncer le Rwanda, il doit désormais composer avec les réalités géopolitiques », explique un conseiller proche du dossier.

LES DEFIS DES POURPARLERS DE LUANDA

Si les négociations directes constituent une première depuis la résurgence du M23 en 2021, elles s’annoncent périlleuses. La rébellion, qui réclame notamment l’application d’accords passés (comme celui de 2013) sur le statut des communautés congolaises tutsi, pourrait exiger des concessions territoriales ou politiques. Autant de lignes rouges pour Kinshasa, déterminé à préserver l’intégrité du territoire.

Autre écueil : le rôle du Rwanda. Bien que non invité à la table des discussions, Kigali reste un acteur incontournable. «Sans pression sur Paul Kagame pour couper les vivres au M23, tout accord restera fragile», prévient un expert en sécurité régionale.

Les prochains jours seront décisifs. Les équipes techniques des deux camps doivent se réunir à Luanda pour préparer le terrain, tandis que la communauté internationale observe avec un mélange d’espoir et de scepticisme.

Pour Félix Tshisekedi, l’enjeu est double : montrer qu’il peut ramener la paix, tout en préservant sa crédibilité face à une opinion publique congolaise méfiante envers toute ouverture aux «agresseurs».

Une chose est sûre : ce virage, qu’il soit dicté par la realpolitik ou les circonstances, marque un tournant dans la gestion d’un conflit qui a fait des milliers de morts et de déplacés. Reste à savoir si le jour poindra enfin après une si longue nuit.

Econews

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