La question de la cohabitation pacifique en République Démocratique du Congo (RDC) est un enjeu crucial pour l’unité nationale. Dans un contexte marqué par des conflits intercommunautaires exacerbés par des ingérences extérieures, la place des Banyamulenge, une minorité tutsie congolaise vivant principalement dans l’Est du pays, est souvent au centre des débats.
Lors d’un briefing spécial animé par le ministre d’État en charge des Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction, Alexis Gisaro Muvunyi, membre de la communauté Banyamulenge, et le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya Katembwe, le gouvernement congolais a tenu à clarifier sa position face aux tensions persistantes et aux justifications avancées par certains acteurs régionaux pour intervenir en RDC.
Le ministre Alexis Gisaro a dénoncé le prétexte avancé par le Rwanda, qui prétend intervenir en RDC sous couvert de la protection de la communauté Banyamulenge. Selon lui, cette justification ne tient pas debout et ne fait que complexifier les tensions internes en les instrumentalisant à des fins géopolitiques et économiques.
« Nous vivons aujourd’hui une occupation déguisée de certaines parties de notre territoire sous des motifs mensongers. Le Rwanda prétend protéger une communauté, alors qu’en réalité, il cherche à s’accaparer nos ressources et affaiblir notre souveraineté », a-t-il déclaré. Il a également rappelé que la RDC est un pays de diversité ethnique, avec 450 tribus vivant ensemble. Il a insisté sur le fait que tous les défis de cohabitation doivent être gérés par l’État congolais, et non par une puissance étrangère qui cherche à exploiter les divisions internes à des fins expansionnistes.
UNE COHABITATION POSSIBLE MALGRE LES DEFIS
Prenant son propre exemple, Alexis Gisaro, élu du territoire d’Uvira et issu de la communauté Banyamulenge, a affirmé que la cohabitation pacifique est une réalité en RDC, malgré l’existence de tensions. « J’ai été élu grâce aux voix de plusieurs communautés différentes : Babira, Babembe, Bashi, Barega… Cela prouve que nous pouvons vivre ensemble et bâtir un avenir commun, malgré nos différences », a-t-il expliqué.
Il a cependant reconnu que des conflits existent, comme dans toute nation multiculturelle, mais que la véritable question est la gestion de ces tensions par l’État, comparant la situation congolaise aux tensions raciales en Afrique du Sud et aux États-Unis. Aussi, a-t-il insisté sur la nécessité d’une « réponse gouvernementale forte » pour apaiser les conflits et éviter leur exploitation par des acteurs externes.
«Qui protège les Banya-mulenge vivant à Kinshasa, Lubumbashi, Kolwezi ou ailleurs en RDC ? Ce n’est pas le Rwanda, mais bien notre propre État. Nous n’avons jamais demandé au Rwanda d’intervenir en notre nom», a-t-il martelé.
LES VERITABLES CAUSES DE L’INGERENCE RWANDAISE
Au-delà du prétexte de la protection des Banyamulenge, Alexis Gisaro a mis en lumière « les véritables raisons des interventions répétées du Rwanda en RDC ». Il a notamment évoqué « les enjeux économiques et stratégiques liés au contrôle des ressources naturelles et des axes commerciaux ».
Selon lui, la décision de la RDC de renforcer ses échanges avec l’Ouganda, notamment par la construction de nouvelles infrastructures routières, a été un facteur déclencheur du conflit actuel. « Le Rwanda a compris que cette nouvelle route allait réduire son influence économique sur notre pays. C’est l’une des vraies raisons de cette guerre déguisée en mission de protection des minorités », a-t-il affirmé.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement congolais reste ferme. «Les défis de cohabitation en RDC doivent être résolus par les Congolais eux-mêmes», a indiqué le ministre Patrick Muyaya, insistant sur la nécessité d’un « dialogue national renforcé », accompagné de «mesures sécuritaires et économiques pour garantir la stabilité ».
T. Masiala