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Démolition des constructions anarchiques : la Baie de Ngaliema se dresse devant le gouverneur Daniel Bumba

Un mois après son ultimatum de démolition, l’exécutif urbain de Kinshasa reste silencieux face aux occupants illégaux de la zone classée « non aedificandi » de la Baie de Ngaliema.

Le 22 avril dernier, le gouverneur de la ville-province de Kinshasa, Daniel Bumba Lubaki, lançait un coup de semonce en adressant une mise en demeure aux occupants illégaux de la Baie de Ngaliema. Dans sa lettre, l’autorité urbaine leur accordait 48 heures pour libérer les lieux avant le déploiement des bulldozers de la brigade de l’Hôtel de Ville.

Un mois plus tard, le constat est sans appel : malgré la menace, aucune opération de démolition n’a été engagée. Les villas et immeubles, érigés en violation des normes urbanistiques, défient toujours l’autorité du gouverneur. Et pour cause : derrière ces constructions se cachent des noms lourds du pouvoir, issus aussi bien de l’ancien régime de Joseph Kabila que de l’actuelle administration Félix Tshisekedi.

Une zone protégée, mais squattée par les puissants

Classée « Zone à ne pas lotir » (ZNL), la Baie de Ngaliema, site historique et écologique, est pourtant censée être préservée de toute occupation anarchique. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre : des résidences luxueuses, parfois clôturées par des murs de plusieurs mètres, y ont poussé comme des champignons, sans permis ni respect des règles d’urbanisme.

«Ce sont des bonzes des deux régimes qui ont transformé cette baie en leur domaine privé », confie un urbaniste sous couvert d’anonymat. «Certains ont même obtenu des titres fonciers douteux, tandis que d’autres ont simplement construit sans aucune autorisation », rappelle-t-il.

L’échec de Daniel Bumba à faire appliquer son ordre de démolition soulève des questions sur l’étendue réelle de son pouvoir. Plusieurs hypothèses circulent :

Pressions politiques : Les occupants de la Baie de Ngaliema seraient trop influents pour être inquiétés. Certains seraient même protégés par des figures clés du gouvernement central.

Crainte d’un précédent : Démolir ces propriétés pourrait ouvrir la boîte de Pandore, exposant d’autres cas similaires à travers la capitale.

Négociations en coulisses : Des arrangements discrets seraient en cours pour régulariser a posteriori certaines occupations.

Quoi qu’il en soit, ce recul apparent du gouverneur affaiblit son image d’autorité intransigeante qu’il avait cultivée depuis sa prise de fonction.

La population sceptique, les réseaux sociaux en émoi

Sur les plateformes numériques, l’affaire fait rage. « Si Bumba ne peut pas déloger les puissants, comment va-t-il gérer l’urbanisme de toute la ville ? », s’interroge un internaute. D’autres rappellent que cette situation illustre l’impunité des élites, capables de contourner les lois sans conséquences.

Certains observateurs y voient un test décisif pour l’administration Tshisekedi : « Si le Gouvernement laisse passer cela, cela signifiera que la lutte contre l’occupation illégale des terrains n’est qu’un slogan », analyse un activiste de la société civile.

Le gouverneur Bumba se retrouve désormais dos au mur. Soit il persiste et engage enfin les démolitions, au risque de s’aliéner des soutiens politiques, soit il temporise et perd en crédibilité.

Une troisième voie, plus pragmatique, pourrait consister à légaliser sous conditions certaines constructions, moyennant pénalités et alignement sur un nouveau plan d’urbanisme. Mais cette option risquerait d’être perçue comme une capitulation face aux puissants.

Une chose est sûre : le dossier de la Baie de Ngaliema est bien plus qu’une simple question d’urbanisme. C’est un symbole du rapport de force entre l’État et les oligarchies immobilières qui, depuis des années, dictent leur loi à Kinshasa, une ville où « la raison du plus fort est toujours la meilleure ».

ECONEWS