Le Conseil national de la cyberdéfense (CNC), un service rattaché à la Présidence de la République, est au cœur d’un scandale judiciaire après l’enlèvement et la détention prolongée de Me Médard Palankoy, avocat au barreau de Kinshasa/Gombe. Depuis deux mois, ce dernier est séquestré sans notification des charges, malgré les garanties légales protégeant les avocats. La Chaire congolaise des droits de l’Homme (CCDH) et des ONG dénoncent une violation flagrante des droits fondamentaux et réclament sa libération immédiate, interpellant la communauté internationale face à ce qu’ils qualifient de « torture morale et abus de pouvoir ». Une affaire qui soulève de graves questions sur les dérives sécuritaires et l’état de droit en RDC.
Le Conseil national de la cyberdéfense (CNC) mis au banc d’accusés pour violation des droits de l’Homme en rapport avec l’enlèvement et la détention prolongée de Me Médard Palankoy, avocat régulièrement au barreau de Kinshasa/Gombe. Du 14 mars 2025 – 14 mai 2025, cela fait deux mois depuis que Me PALANKOY a été enlevé par un organe non judicaire, en l’occurrence le Conseil National de la Cyberdéfense (CNC), un service spécialisé de la Présidence de la République.
C’est ce qu’a révélé, Me Eloi Mubilansam, coordonnateur de la Chaire congolaise des droits de l’Homme (CCDH), au cours d’un point de presse organisé, le mercredi 14 mai 2025, au restaurant El Patio de la Gombe. « L’évènement est assurément préoccupant pour qu’on ne lui consacre, non seulement, une journée de réflexion, pleine d’émotions et de symboles. Mais aussi, et surtout, toute l’attention de la communauté tant nationale qu’internationale pour contribuer à la campagne d’information publique aux fins d’obtenir la libération de cet innocent », a-t-il insisté, soulignant que « CCDH et ses partenaires s’assignent l’obligation de faire large écho à travers l’action « Freedom for Palankoy Médard» et de rappeler la panoplie des correspondances aux autorités compétentes ».
Cependant, note-t-il, «Freedom for Médard Palankoy » « participe à la sensibilisation, à la cause d’humanité et s’inscrit implicitement dans une démarche de conscientisation individuelle et ou collective dans les coins et recoins de la RDC et pour le rejet de l’arbitraire, abus d’autorité, etc. ».
A ce sujet, le Consortium des ONGs de droits de l’Homme a rendu publique une déclaration au sujet de l’avocat et rappelait, notamment : (i) le caractère d’inviolabilité de son Cabinet de travail ; (ii) la séquestration arbitraire de Me Médard PALANKOY par le CNC sans aucune charge formelle ne lui a jamais été notifiée.
En tant qu’avocat inscrit au tableau de l’Ordre, a-t-il insisté dans sa plaidoirie, et conformément à l’Ordonnance loi no 79/028 du 28 septembre 1979 sur le barreau : « Seuls les procureurs généraux près les Cours d’Appel sont réservés les droits d’arrestation et de poursuites en ce qui concerne ces personnes (avocats). C’est la conséquence du privilège de poursuite de l’avocat ! »
Ce, avant de se poser la question de savoir : « Qui interroge en ce moment l’avocat sans l’assistance de son conseil ? Quelle est la compétence de l’OPJ qui l’interroge ? Est-ce qu’on ne le force pas de s’avouer coupable ?
Aussi, a-t-il rappelé la violation de l’article 14.3 g du Pacte International relatif au Droit civil et politique. Et de s’interroger : Quelle est la valeur juridique de ces PV qui violent la loi ?.
entrée en jeu retardé de la CENAREF
Pour la CCDH, il est regrettable de constater que c’est seulement après l’avoir détenu pendant plusieurs jours que le CNC a saisi finalement la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) pour qu’elle enquête sur ce cas, alors que « c’est un préalable de transférer Me Palankoy devant son juge naturel », soutient Me Eloi.
« Cette situation est véritablement une mort à petit feu d’une personne et constitue une infraction imprescriptible de torture et une violation grave de ses droits fondamentaux dument garantis par divers instruments juridiques nationaux et internationaux, à savoir le droit à la liberté et à la sûreté de sa personne ; le droit à un procès équitable devant son juge naturel ; le droit à l’assistance d’un conseil de son choix ; et enfin, le droit de recevoir la visite de ses proches », fustige-t-il.
Faudrait-il rappeler qu’en droit pénal, tout acte infractionnel doit avoir l’élément moral et intentionnel. « Dans tout ce que le CNC reprocherait à Me Palankoy, ce dernier ne peut pas établir l’élément matériel encore moins intentionnel. Pour lui, Me Palankoy est un innocent. On lui impose une torture morale et les préjudices physique et professionnel qui sont incommensurables actuellement », indique Me Eloi.
S’inspirant des missions réelles du CNC aux termes de l’ordonnance portant création, organisation et fonctionnement d’un service spécialisé au sein du Cabinet du Président de la République dénommé Conseil National de Cyberdéfense (CNC), Me Eloi est d’avis que « s’il s’avérait vrai que Me Palankoy serait fautif suite à un acte de cyberdéfense et cyber-renseignement, la loi recommande qu’on lui transfère vers son juge naturel. Ce qui n’est pas fait à ce jour. Il y a donc abus de pouvoir de la part du CNC ».
Bien plus, Me Eloi s’indigne du grande silence des autorités, nonobstant les nombreuses démarches entreprises autant par sa famille, son avocat que diverses ONG des droits de l’Homme pour ne serait-ce que rendre visite à l’incriminé dans le but de garantir ses droits les plus fondamentaux.
Raison pour laquelle la CCDH réitère les recommandations du Consortium des ONGDH en RDC et réclame ainsi auprès du CNC/Présidence de la République : « la libération inconditionnelle et immédiate de Maître PALANKOY ou son déferrement ipso facto devant son juge naturel, si des charges vérifiables sont retenues par la Cellule Nationale de renseignement financier (CENAREF) qui enquêterait après son enlèvement et incarcération injustifiés à ce jour ; la restitution de son passeport et de tout autre bien et/ou document détenu de manière arbitraire par le CNC ; la cessation des actes d’harcèlement administratif et professionnel, non pas seulement à l’égard de sa famille et des membres de son cabinet, mais en l’endroit des ONGDH ».
CP

