La RDC va-t-elle concilier son objectif de croissance, l’objectif global sur l’environnement et le réchauffement climatique?

Forêt équatoriale. Photo dentrodeafrica.free.fr

Deux événements mondiaux ont alimenté l’actualité de trois dernières semaines : la réunion de G20 à Rome en Italie et la Conférence des Parties (COP26) sur l’environnement et le réchauffement climatique à Glasgow en Ecosse. Ces deux événements ont été abondamment commentés en République Démocratique du Congo (RDC) tant sur leurs formes que leur fond au sujet des retombées supposées ou non qu’elle en tirerait.

Je vais dans cette réflexion me focaliser sur la COP26. C’est un enjeu complexe, stratégique et d’avenir dont les décisions d’aujourd’hui déterminent le devenir de la RDC, des Congolais et aussi celui des autres peuples et États.

A ce sujet, tous les congolais sont unanimes : « leur pays est la solution au problème global du réchauffement climatique » pour trois raisons : la RDC détient, sur son sol, la deuxième plus grande forêt tropicale du monde (certaines autres personnes affirment qu’elle serait la première) capable d’absorber, sans en donner les valeurs, des niveaux importants de gaz carbonique (CO2) rejetés dans l’atmosphère à cause de l’activité humaine; la RDC regorge, dans son sous-sol, des matières premières stratégiques utilisées dans l’industrie, essentiellement, automobile avec les voitures électriques en remplacement du pétrole dont la production et l’utilisation rejettent des niveaux importants de CO2; du fait que la RDC détienne une superficie importante des forêts tropicales et aussi des matières premières stratégiques pouvant être au centre de la révolution technologique et industrielle vertes, elle devrait être l’un des principaux, sinon, le plus grand bénéficiaire des fonds climats.

C’est donc ça le message, la ligne et la position directeurs de la délégation de la RDC lors des négociations.

Que l’on soit du pouvoir, de l’opposition, de la société civile, voire sans position, l’unanimité (chose très rare en RDC) nationale est réalisée, sans un débat national pour en saisir tous les contours, sur cette posture du gouvernement. Le seul enjeu était ou est: «Quelle quantité de dollars recevra la RDC en rapport à l’enveloppe promise». Ainsi, les autorités en place seront jugées sur leurs capacités à faire de la RDC le bénéficiaire ou l’un des bénéficiaires principaux des fonds climats.

Et pourtant, cette posture n’est pas une position sérieusement pensée par les Congolais en rapport avec l’intérêt stratégique du Congo. S’y engager sans y ajouter une stratégie orientée vers la réalisation des objectifs d’intérêt national risquerait de maintenir la RDC dans le sous-développement ou de retarder l’avènement de son émergence économique.

Si vous avez de doute au sujet de cette affirmation, je vous présente quelques éléments qui pourront vous éclairer. C’est une question complexe de gouvernance mondiale impliquant les questions des choix du monde dans lequel nous voulons vivre et de son mode de production des richesses. Ainsi, je tâcherai de simplifier mon récit pour ta bonne compréhension tout en visant d’être plus concis pour éviter de devenir fastidieux.

Pourquoi le fonds climat ?

Aujourd’hui, les pays en développement sont heureux et chacun veut mettre la main sur les 100 milliards de dollars US promis par les pays développés pour faire face à leur vulnérabilité aux conséquences négatives du réchauffement climatique sans se demander pourquoi ces pays ont institué ces fonds? Est-ce par générosité ou y-a-t-il des dividendes qu’ils en tirent au détriment des pays en développement ?

Il est unanimement reconnu que le modèle économique de production, de distribution et de consommation des biens et services, choisi depuis la révolution industrielle, est la cause du réchauffement climatique. Ce modèle qui a permis, il faut le reconnaître, de sortir des centaines de millions de personnes de la pauvreté s’est aussi lancé dans une course effrénée à la croissance de la production et son corollaire la surconsommation ayant conduit, non seulement, à l’accroissement des inégalités, mais aussi, aux émissions de plus en plus importantes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère responsable du réchauffement climatique.

Pour mettre fin à cette situation ou la réduire sensiblement, l’unanimité est encore réalisée qu’il serait bon pour l’humanité de mettre en place un modèle ne consacrant pas que le primat de l’économique sur tout, mais qui tienne compte aussi des questions sociales et environnementales. En termes simples, un modèle favorisant la prospérité économique des populations, la réduction des inégalités et le respect de l’environnement.

Formuler ainsi, tout semble angélique et noble. Le diable s’y mêle lorsqu’il faut trouver les moyens pour réaliser ce modèle de société nécessitant, en principe, de transformer le modèle économique de croissance en un modèle de production que certains qualifient de décroissance. Ce modèle ne fait pas l’affaire des pays développés (ni celle des pays en développement qui ne peuvent quitter la pauvreté qu’en allant et appliquant davantage le modèle de la croissance de la production) car voulant indirectement dire qu’ils devraient réduire leurs appétits de puissance à davantage conquérir le monde avec leurs produits et services.

Dans l’état technologique actuel de l’humanité, le modèle économique et le modèle environnemental varient en sens inverse. Plus on produit, plus on détruit l’environnement. Et pourtant, le modèle économique est celui qui fait sortir les populations de la pauvreté. Réduire les émissions de CO2 revient à réduire la production, et donc les revenus par conséquent, dans une perspective à long terme, renoncer à la prospérité avec risque de recréer la précarité. 

Il est donc évident que les pays développés et en développement continuent à courir tous derrière la croissance économique. Pour respecter le volet environnemental du nouveau modèle, tous ces pays ont convenu de mettre en place des objectifs d’émission de gaz à effet de serre dont le CO2. La terre étant un tout, les CO2 rejetés au nord de la planète ont les mêmes effets sur elle que ceux rejetés au sud ou à partir de n’importe quel point de la planète.

C’est à partir de ce principe que les pays développés vont construire le modèle actuel : (i) créer un marché carbone leur permettant d’acheter des émissions de CO2 des autres pays ainsi ils pourraient continuer à produire davantage pour les biens et la prospérité de leurs populations alors que les pays en développement qui vendraient leur droit d’émission Carbonne resteraient dans la pauvreté;  (ii) mettre en place un fonds climat permettant de tester les nouvelles technologies (on entendra généralement parler des projets pilotes), d’inciter les pays pauvres a davantage de reboisement et conserver la biodiversité (ce qui voudrait surtout dire, ne pas toucher à leur forêt) et; (iii) mettre en place les mécanismes de gouvernance d’un tel modèle. 

En termes simples, il s’agit d’un modèle qui favorise et répond aux intérêts des pays développés qui vont continuer à privilégier la production en achetant des droits d’émissions de CO2 auprès des pays en développement qui renonceraient à produire ou à aménager et exploiter leurs forêts (celles-ci sont partout et il suffit de googler le classement des pays en fonction de leurs superficies en forêt et leur consommation du bois, on serait étonné de constater qui sont les cinq premiers pays au monde).

On voit bien que tout l’enjeu pour les pays développés était d’asseoir ce modèle et pour les pays en développement, ils leur ont présenté un fromage de 100 milliards de dollars US sur lequel ils ont passé tout leur temps à se chamailler. Et pourtant, l’accès à ces fonds oblige à renoncer (même si c’est à des degrés divers) au volet économique du modèle consistant à produite pour créer la prospérité et faire sortir les populations de la pauvreté, objectif vital pour les pays en développement. 

Je dois vous avouer que l’exercice que je viens de faire n’était pas facile en fournissant l’effort de présenter le contexte et les enjeux de cette question qui, pris de manière singulière, ne permet pas d’appréhender le tout. Je continuerai mon propos prochainement pour mettre en exergue comment la RDC pourrait naviguer dans un tel modèle en faisant prévaloir ses intérêts stratégiques.

Jean-Claude Muenda K.Haut fonctionnaire international, basé au Canada